Réédition en poche de LIBRES PAROLES II ED. CHEVRE FEUILLE ETOILÉE
recueil revu et augmenté des conférences de Claude Ber
Ces textes de conférences « organisent autour de deux pôles - la Cité et les questions qui la travaillent, les femmes et leurs droits toujours à réaffirmer- cette parole publique engagée dans les débats du présent. Ses leitmotivs (…) en expriment les ancrages majeurs autour d’un besoin de justice plus urgent que jamais, de la nécessaire conciliation du respect des différences et des droits humains universels, de la place de la culture et de la création dans une interrogation obstinée du politique par le poïétique contre toutes les formes d’humiliation et d’asservissement, pour une reconnaissance de la dignité de chacun et de chacune dans la conscience de notre responsabilité commune face à notre avenir. »
"S’il suffisait de définir ou redéfinir des valeurs
pour vivre ensemble et conduire sa vie, il y a longtemps
que cela se saurait car ce ne sont pas les
systèmes de valeurs qui manquent ; religions,
philosophies, idéologies en proposent à foison.
[…] Le problème se situe ailleurs. C’est sur
l’homme, sur chacun de nous que s’appuient les
valeurs, c’est de nous dont dépend qu’elles ne
soient pas impostures."
"C’est parce que Claude Ber articule la littérature,
la poésie – qui sont présence au monde – et la réflexion
sociale que ce livre est d’une importance
particulière. Il s’ancre sur « l’interrogation obstinée
du politique par le poïétique ». Entre l’épreuve
brute du factuel et le théorique, Claude Ber choisit
cet espace intermédiaire qui donne aux analyses
les plus sérieuses cette liberté, où co-habitent les
héritages des grands penseurs et écrivains, notamment
de la Méditerranée, et le réel d’aujourd’hui façonné
par l’héritage de la Révolution Française, de
la décolonisation, des migrations, des métissages
culturels..., bouleversant la myope quiétude que
nous pourrions être tentés de continuer à revêtir.
Ce livre a la vertu essentielle d’ébranler nos
certitudes et nous permet d’anticiper l’avenir."
Behja Traversac
Titres des conférences rassemblées:
L’exigence éthique entre utopie et réalité
Culture et média
Entre héritage et création, une méditerranée à inventer
Identité et citoyenneté en question
Le respect c’est ce qu’on reçoit quand on l’accorde aux autres
Chantiers de l’humanisme, l’humanisme en chantier
La diversité dans l’universel
La place des femmes dans la Cité
Le sexe et le visage
Femmes et création
recueil revu et augmenté des conférences de Claude Ber
Ces textes de conférences « organisent autour de deux pôles - la Cité et les questions qui la travaillent, les femmes et leurs droits toujours à réaffirmer- cette parole publique engagée dans les débats du présent. Ses leitmotivs (…) en expriment les ancrages majeurs autour d’un besoin de justice plus urgent que jamais, de la nécessaire conciliation du respect des différences et des droits humains universels, de la place de la culture et de la création dans une interrogation obstinée du politique par le poïétique contre toutes les formes d’humiliation et d’asservissement, pour une reconnaissance de la dignité de chacun et de chacune dans la conscience de notre responsabilité commune face à notre avenir. »
"S’il suffisait de définir ou redéfinir des valeurs
pour vivre ensemble et conduire sa vie, il y a longtemps
que cela se saurait car ce ne sont pas les
systèmes de valeurs qui manquent ; religions,
philosophies, idéologies en proposent à foison.
[…] Le problème se situe ailleurs. C’est sur
l’homme, sur chacun de nous que s’appuient les
valeurs, c’est de nous dont dépend qu’elles ne
soient pas impostures."
"C’est parce que Claude Ber articule la littérature,
la poésie – qui sont présence au monde – et la réflexion
sociale que ce livre est d’une importance
particulière. Il s’ancre sur « l’interrogation obstinée
du politique par le poïétique ». Entre l’épreuve
brute du factuel et le théorique, Claude Ber choisit
cet espace intermédiaire qui donne aux analyses
les plus sérieuses cette liberté, où co-habitent les
héritages des grands penseurs et écrivains, notamment
de la Méditerranée, et le réel d’aujourd’hui façonné
par l’héritage de la Révolution Française, de
la décolonisation, des migrations, des métissages
culturels..., bouleversant la myope quiétude que
nous pourrions être tentés de continuer à revêtir.
Ce livre a la vertu essentielle d’ébranler nos
certitudes et nous permet d’anticiper l’avenir."
Behja Traversac
Titres des conférences rassemblées:
L’exigence éthique entre utopie et réalité
Culture et média
Entre héritage et création, une méditerranée à inventer
Identité et citoyenneté en question
Le respect c’est ce qu’on reçoit quand on l’accorde aux autres
Chantiers de l’humanisme, l’humanisme en chantier
La diversité dans l’universel
La place des femmes dans la Cité
Le sexe et le visage
Femmes et création
EXTRAITS
L’exigence éthique entre utopie et réalité
Dans un monde inégalitaire, déchiré par la violence et travaillé par le doute, l’interrogation éthique est plus que jamais d’actualité. Face au désarroi se cherchent repères et refuges. Là dans des dogmatismes religieux ou des replis identitaires. Ailleurs dans un laisser faire laisser aller qui confond tolérance et passivité, respect et laxisme, libéralisme économique et liberté. Poser la question de l’éthique est d’autant plus un devoir et une urgence. Nous nous devons à cette urgence sans pour autant oublier qu’elle est un des leurres de notre temps et que tenir compte de son caractère d’impératif éthique c’est aussi, dans un même mouvement, récuser toute précipitation aux antipodes de la complexité de la question.
Car la question est complexe. Dignité, liberté, égalité, caractère sacré de la vie, tels sont les termes qui concentrent, pour nous, les valeurs de la personne humaine. Sur ces principes le consensus semble aisé du moins ici, mais il n’est pas général. Dès lors, on ne peut pas aborder la question des droits de la personne humaine sans s’interroger au préalable sur le statut d’une éthique universelle, sur ce contrat social, représenté par la Déclaration des Droits de l’Homme et sur les raisons de son inefficacité, cause majeure de son rejet. Plus que de redéfinir des valeurs, il me semble nécessaire de s’interroger sur la notion de valeur, sur ces valeurs mêmes et sur la capacité de l’éthique à régir les rapports humains.
S’il suffisait de définir ou redéfinir des valeurs pour vivre ensemble et conduire sa vie, il y a longtemps que cela se saurait car ce ne sont pas les systèmes de valeurs qui manquent ; religions, philosophies, idéologies en proposent à foison. Le problème se situe ailleurs. Notamment dans l’articulation entre droits universels et particularismes individuels et collectifs. Mais aussi dans la complexité même de l’exigence éthique. L’humble travail de distinguer, d’analyser les notions, aussi fastidieux qu’il soit, la nécessité de considérer et confronter les options diverses est le premier pas de l’exigence éthique. La réponse simple est la tentation immédiate, mais elle a toujours été inopérante ou dangereuse. Les totalitarismes savent que c’est déjà par sa paresse qu’on asservit l’esprit.
On ne peut pas être simpliste en matière d’éthique à moins d’être démagogue...
L’exigence éthique entre utopie et réalité
Dans un monde inégalitaire, déchiré par la violence et travaillé par le doute, l’interrogation éthique est plus que jamais d’actualité. Face au désarroi se cherchent repères et refuges. Là dans des dogmatismes religieux ou des replis identitaires. Ailleurs dans un laisser faire laisser aller qui confond tolérance et passivité, respect et laxisme, libéralisme économique et liberté. Poser la question de l’éthique est d’autant plus un devoir et une urgence. Nous nous devons à cette urgence sans pour autant oublier qu’elle est un des leurres de notre temps et que tenir compte de son caractère d’impératif éthique c’est aussi, dans un même mouvement, récuser toute précipitation aux antipodes de la complexité de la question.
Car la question est complexe. Dignité, liberté, égalité, caractère sacré de la vie, tels sont les termes qui concentrent, pour nous, les valeurs de la personne humaine. Sur ces principes le consensus semble aisé du moins ici, mais il n’est pas général. Dès lors, on ne peut pas aborder la question des droits de la personne humaine sans s’interroger au préalable sur le statut d’une éthique universelle, sur ce contrat social, représenté par la Déclaration des Droits de l’Homme et sur les raisons de son inefficacité, cause majeure de son rejet. Plus que de redéfinir des valeurs, il me semble nécessaire de s’interroger sur la notion de valeur, sur ces valeurs mêmes et sur la capacité de l’éthique à régir les rapports humains.
S’il suffisait de définir ou redéfinir des valeurs pour vivre ensemble et conduire sa vie, il y a longtemps que cela se saurait car ce ne sont pas les systèmes de valeurs qui manquent ; religions, philosophies, idéologies en proposent à foison. Le problème se situe ailleurs. Notamment dans l’articulation entre droits universels et particularismes individuels et collectifs. Mais aussi dans la complexité même de l’exigence éthique. L’humble travail de distinguer, d’analyser les notions, aussi fastidieux qu’il soit, la nécessité de considérer et confronter les options diverses est le premier pas de l’exigence éthique. La réponse simple est la tentation immédiate, mais elle a toujours été inopérante ou dangereuse. Les totalitarismes savent que c’est déjà par sa paresse qu’on asservit l’esprit.
On ne peut pas être simpliste en matière d’éthique à moins d’être démagogue...
La place de la femme dans la Cité
À qui viendrait-il à l’esprit de demander quelle est la place de l’homme – au sens de mâle –dans la cité ? L’incongruité de la question provoquerait la même surprise que celle de mes étudiants quand, il y a quelques années, j’intervertissais les termes d’un faux débat alors en vogue en « L’homme est-il l’égal de la femme ? » Cette inversion suffisait à montrer ce que la question pouvait avoir d’irrecevable, à renvoyer à l’impensé comme à la réalité historique de l’asservissement des femmes dans les traditions patriarcales.
D’un point de vue voltairiennement de Sirius, il peut paraître, en effet, stupéfiant de s’interroger sur la place et sur le rôle de la moitié du genre humain dans le devenir de ce dernier. Quelque Micromegas nous observant, aurait matière à s’étonner de la possibilité même de cette question comme le feront, sans doute, nos lointains descendants avec une sur¬prise analogue à la nôtre lorsque nous nous penchons sur les anciens débats théologiques ratiocinant doctement pour savoir si les Indiens
participaient de l’humanité ou si les femmes avaient une âme.
Je sais que vous attendez de ma contribution moins un historique ou un état des lieux, déjà longuement exposés par ailleurs, qu’une réflexion plus théorique. Mais la difficulté est qu’il n’y a là, pour moi, guère matière à « philosopher » mais plutôt matière à agir. Y a-t-il nécessité de débat ou bien de combats pour une place égale des hommes et des femmes dans la cité ? Vous devinez ma réponse. Je n’ai à débattre de rien car comment accepterais-je de débattre du droit à mes droits ? Les droits humains d’un être humain ne se discutent pas, ils se prennent. La seule question est de les faire respecter. L’intransigeance un peu provocatrice de cette position est mûrement réfléchie. Accepter de discuter de l’égalité ou du droit des femmes, c’est déjà supposer possible qu’elles puissent ne pas en avoir. Et de fait, elles les ont conquis récemment et dans certaines parties du monde elles n’en ont toujours aucun.
La seule question serait plutôt de se demander au nom de quoi peut-on se donner le droit de légi¬férer pour d’autres droits et coutumes. L’égalité de droit pour les femmes prend place dans celle, plus large, des droits humains, qui renvoient à un socle de valeurs que je ne peux négocier avec ce qui les nie, même si je n’ignore pas la relativité et la diversité de nos mœurs. Cette diversité, que je respecte
et considère comme une de nos richesses, n’élimine pas la question éthique quand « la vraie morale se moque de la morale » et quand l’exigence éthique qu’elle incarne outrepasse les injonctions des us et coutumes. (...)
À qui viendrait-il à l’esprit de demander quelle est la place de l’homme – au sens de mâle –dans la cité ? L’incongruité de la question provoquerait la même surprise que celle de mes étudiants quand, il y a quelques années, j’intervertissais les termes d’un faux débat alors en vogue en « L’homme est-il l’égal de la femme ? » Cette inversion suffisait à montrer ce que la question pouvait avoir d’irrecevable, à renvoyer à l’impensé comme à la réalité historique de l’asservissement des femmes dans les traditions patriarcales.
D’un point de vue voltairiennement de Sirius, il peut paraître, en effet, stupéfiant de s’interroger sur la place et sur le rôle de la moitié du genre humain dans le devenir de ce dernier. Quelque Micromegas nous observant, aurait matière à s’étonner de la possibilité même de cette question comme le feront, sans doute, nos lointains descendants avec une sur¬prise analogue à la nôtre lorsque nous nous penchons sur les anciens débats théologiques ratiocinant doctement pour savoir si les Indiens
participaient de l’humanité ou si les femmes avaient une âme.
Je sais que vous attendez de ma contribution moins un historique ou un état des lieux, déjà longuement exposés par ailleurs, qu’une réflexion plus théorique. Mais la difficulté est qu’il n’y a là, pour moi, guère matière à « philosopher » mais plutôt matière à agir. Y a-t-il nécessité de débat ou bien de combats pour une place égale des hommes et des femmes dans la cité ? Vous devinez ma réponse. Je n’ai à débattre de rien car comment accepterais-je de débattre du droit à mes droits ? Les droits humains d’un être humain ne se discutent pas, ils se prennent. La seule question est de les faire respecter. L’intransigeance un peu provocatrice de cette position est mûrement réfléchie. Accepter de discuter de l’égalité ou du droit des femmes, c’est déjà supposer possible qu’elles puissent ne pas en avoir. Et de fait, elles les ont conquis récemment et dans certaines parties du monde elles n’en ont toujours aucun.
La seule question serait plutôt de se demander au nom de quoi peut-on se donner le droit de légi¬férer pour d’autres droits et coutumes. L’égalité de droit pour les femmes prend place dans celle, plus large, des droits humains, qui renvoient à un socle de valeurs que je ne peux négocier avec ce qui les nie, même si je n’ignore pas la relativité et la diversité de nos mœurs. Cette diversité, que je respecte
et considère comme une de nos richesses, n’élimine pas la question éthique quand « la vraie morale se moque de la morale » et quand l’exigence éthique qu’elle incarne outrepasse les injonctions des us et coutumes. (...)
Culture et médias
(...) La liberté des médias, composante la liberté de la presse qui en fait partie, est une des conditions de la liberté. Il suffit pour s’en convaincre de rap¬peler leur rôle dans des régimes totalitaires à réseau d’information unique transformée en propagande ou le lourd tribut que payent, par exemple, les jour¬nalistes sous toutes les dictatures. Il est tout aussi indéniable que les médias, et tout particulièrement les médias de masse, orientent notre évolution cul¬turelle tant par leur contenu que par leur forme, qu’ils apportent, certes, une ouverture sur le monde, mais qu’ils modèlent aussi notre représentation de ce dernier.
Déjà, cette liberté et cette pluralité de l’informa¬tion, qui vont de pair avec la démocratie existent-elles autant qu’il y paraît ? L’apparente multiplicité que nous connaissons est-elle le signe d’une vérita¬ble pluralité et d’une véritable indépendance ou bien existe-t-il des phénomènes de monopole plus dis¬
simulés que ceux qui règnent dans un totalitarisme politique immédiatement identifiable, mais néanmoins prégnants ?
Une observation superficielle des médias donne une image de pluralité et donc d’apparente possibi¬lité de partis pris et d’informations contradictoires. Les médias semblent alors jouer leur rôle de contre¬pouvoir. Pourtant ce rôle qu’ils s’attribuent de composante objective de la démocratie n’est pas si assuré ni univoque. Friands de s’interroger sur les faits de société, les médias ne se retournent qu’exceptionnellement sur eux-mêmes et sur leur fonctionnement si ce n’est dans des séances d’autocélébration ou d’autocritique qui tiennent plus du ragot que de l’analyse. À les considérer plus attentivement, comme l’ont fait des sociologues tel Bourdieu ou des journalistes eux-mêmes tel Serge Halimi dans Les Nouveaux Chiens de garde, se décèle la présence d’un pouvoir incarné par une nouvelle oligarchie fondée sur la puissance que donne la possibilité de rétention et de diffusion de l’information. Tandis que continue de perdurer le mythe du journaliste indépendant tout au service d’une vérité ma¬juscule qu’il serait toujours prêt à défendre, mythe entretenu par ceux qui sont directement concernés, se met en place un fonctionnement distinct de cette représentation et fortement inféodé à des puissances financières comme à une idéologie dominante...
(...) La liberté des médias, composante la liberté de la presse qui en fait partie, est une des conditions de la liberté. Il suffit pour s’en convaincre de rap¬peler leur rôle dans des régimes totalitaires à réseau d’information unique transformée en propagande ou le lourd tribut que payent, par exemple, les jour¬nalistes sous toutes les dictatures. Il est tout aussi indéniable que les médias, et tout particulièrement les médias de masse, orientent notre évolution cul¬turelle tant par leur contenu que par leur forme, qu’ils apportent, certes, une ouverture sur le monde, mais qu’ils modèlent aussi notre représentation de ce dernier.
Déjà, cette liberté et cette pluralité de l’informa¬tion, qui vont de pair avec la démocratie existent-elles autant qu’il y paraît ? L’apparente multiplicité que nous connaissons est-elle le signe d’une vérita¬ble pluralité et d’une véritable indépendance ou bien existe-t-il des phénomènes de monopole plus dis¬
simulés que ceux qui règnent dans un totalitarisme politique immédiatement identifiable, mais néanmoins prégnants ?
Une observation superficielle des médias donne une image de pluralité et donc d’apparente possibi¬lité de partis pris et d’informations contradictoires. Les médias semblent alors jouer leur rôle de contre¬pouvoir. Pourtant ce rôle qu’ils s’attribuent de composante objective de la démocratie n’est pas si assuré ni univoque. Friands de s’interroger sur les faits de société, les médias ne se retournent qu’exceptionnellement sur eux-mêmes et sur leur fonctionnement si ce n’est dans des séances d’autocélébration ou d’autocritique qui tiennent plus du ragot que de l’analyse. À les considérer plus attentivement, comme l’ont fait des sociologues tel Bourdieu ou des journalistes eux-mêmes tel Serge Halimi dans Les Nouveaux Chiens de garde, se décèle la présence d’un pouvoir incarné par une nouvelle oligarchie fondée sur la puissance que donne la possibilité de rétention et de diffusion de l’information. Tandis que continue de perdurer le mythe du journaliste indépendant tout au service d’une vérité ma¬juscule qu’il serait toujours prêt à défendre, mythe entretenu par ceux qui sont directement concernés, se met en place un fonctionnement distinct de cette représentation et fortement inféodé à des puissances financières comme à une idéologie dominante...
Le sexe et le visage
Le titre peut paraître provocateur, mais il ren¬voie dos à dos comme inversés mais identiques, deux rapports au corps de la femme que l’on pour¬rait croire à première vue opposés. De ce côté-ci de la Méditerranée, le corps de la femme est découvert voire exposé volontiers dans sa nudité. De l’autre côté, chez les tenants d’un intégrisme islamiste, il est dissimulé, caché au regard des pieds à la tête. En apparence les deux options s’oppo¬sent, qui pourraient bien ne traduire qu’une ana¬logue peur et une analogue perception des femmes et de leurs corps.
Le hasard de mes déplacements m’a fait un jour passer sans transition d’un extrême à l’autre de ces deux univers. Le matin je déambulais dans des rues où d’épais vêtements flottants cachaient au regard le corps des femmes, dont le visage enfermé sous la burqa ne laissait rien apercevoir de lui comme si la femme dans son entier constituait un objet sexuel tentateur et qu’à cela se réduisait sa per¬sonne. Quelques heures plus tard, je pouvais voir dans les vitrines des sex-shops des femmes aux jupes relevés offrant leur sexe découvert à la contemplation des passants. Là encore l’identité de la femme était réduite à son sexe. Dans un cas, on dissimulait son visage comme s’il était un sexe, dans l’autre on découvrait son sexe comme s’il était son visage.
Là on cache le corps, ici on l’expose au tout venant pour vanter les mérites de sardines en conserve. Là on le marie de force, ici on le vend. Dans les deux cas, il n’appartient pas à celle qui l’habite, l’être humain incarné dans ce corps, mais à qui le consomme et en use voire en abuse. Dans les deux cas la femme est réduite à sa sexualité, définie seulement par le regard du désir, de la convoitise ou de la concupiscence, vouée à cette seule existence ou plutôt inexistence d’objet sexuel et dénuée d’identité humaine. Ce sont là, bien sûr, images extrêmes mais qui illustrent un analogue rejet de la femme hors d’une humanité commune et partagée, où ce que nous sommes, corps et esprit, doivent être également reconnus.
C’est traduction de cette impossibilité d’accepter, de supporter, sans la hiérarchiser, la différence sexuelle qu’illustrent l’histoire des femmes et encore trop souvent leur présent. Toujours la différence est mise en question de soi. Toujours l’autre, l’altérité nous renvoie à la fois le miroir d’une ...
Le titre peut paraître provocateur, mais il ren¬voie dos à dos comme inversés mais identiques, deux rapports au corps de la femme que l’on pour¬rait croire à première vue opposés. De ce côté-ci de la Méditerranée, le corps de la femme est découvert voire exposé volontiers dans sa nudité. De l’autre côté, chez les tenants d’un intégrisme islamiste, il est dissimulé, caché au regard des pieds à la tête. En apparence les deux options s’oppo¬sent, qui pourraient bien ne traduire qu’une ana¬logue peur et une analogue perception des femmes et de leurs corps.
Le hasard de mes déplacements m’a fait un jour passer sans transition d’un extrême à l’autre de ces deux univers. Le matin je déambulais dans des rues où d’épais vêtements flottants cachaient au regard le corps des femmes, dont le visage enfermé sous la burqa ne laissait rien apercevoir de lui comme si la femme dans son entier constituait un objet sexuel tentateur et qu’à cela se réduisait sa per¬sonne. Quelques heures plus tard, je pouvais voir dans les vitrines des sex-shops des femmes aux jupes relevés offrant leur sexe découvert à la contemplation des passants. Là encore l’identité de la femme était réduite à son sexe. Dans un cas, on dissimulait son visage comme s’il était un sexe, dans l’autre on découvrait son sexe comme s’il était son visage.
Là on cache le corps, ici on l’expose au tout venant pour vanter les mérites de sardines en conserve. Là on le marie de force, ici on le vend. Dans les deux cas, il n’appartient pas à celle qui l’habite, l’être humain incarné dans ce corps, mais à qui le consomme et en use voire en abuse. Dans les deux cas la femme est réduite à sa sexualité, définie seulement par le regard du désir, de la convoitise ou de la concupiscence, vouée à cette seule existence ou plutôt inexistence d’objet sexuel et dénuée d’identité humaine. Ce sont là, bien sûr, images extrêmes mais qui illustrent un analogue rejet de la femme hors d’une humanité commune et partagée, où ce que nous sommes, corps et esprit, doivent être également reconnus.
C’est traduction de cette impossibilité d’accepter, de supporter, sans la hiérarchiser, la différence sexuelle qu’illustrent l’histoire des femmes et encore trop souvent leur présent. Toujours la différence est mise en question de soi. Toujours l’autre, l’altérité nous renvoie à la fois le miroir d’une ...
Femmes et création
La langue, ce matériau même de l’écrivain, dit tout très vite et parler de la création des femmes, alors qu’il ne viendrait à l’esprit de personne d’intituler une intervention « la création des hommes », désigne d’emblée une interrogation sur sa place aujourd’hui et comme dans l’histoire, ainsi que sur son éventuelle spécificité.
Une condition féminine de la création
La reconnaissance et la visibilité de la création des femmes a une histoire. Elle ne va pas de soi. Même si la preuve n’est plus à faire de la capacité créatrice des femmes, cette dernière n’est ni unanimement ni identiquement reconnue partout et par tous. Des inégalités de droit et/ou de fait, des intégrismes religieux ou des idéologies patriarcales continuent de confiner les femmes au rôle de génitrices, dans une partition entre le « domus » et « l’agora », la « polis » réservée aux hommes et l’intime réservé aux femmes, entre la création d’un côté et la procréation de l’autre.
Cette répartition traditionnelle des rôles n’empêche pas et n’a pas empêché une création littéraire et artistique des femmes, mais elle a été et demeure encore minoritaire et sa visibilité souvent moindre que celle de la création masculine avec des nuances importantes selon les époques, les domaines et les cultures.
Sans imaginer entreprendre ici un historique ni s’arrêter au détail de ces conditions variables, on ne peut les perdre de vue ni écarter l’incidence des stéréotypes qui confinent les femmes au trois K (Kinder, Küche, Kirche, les enfants, l’église, la cuisine) sur une création rendue soit franchement impossible par le poids des traditions et des interdits soit symboliquement difficile ou assignée à des représentations obligées. La prégnance d’une image conventionnelle et infériorisée du féminin dans les sociétés et dans les mentalités influe sur la création des femmes, sur sa visibilité, sur sa reconnaissance, sur sa possibilité d’émergence. Entre censure et autocensure cette dernière demeure prise, à des degrés divers, dans les tenailles d’une absence de liberté ou d’une moindre reconnaissance, qui la conduit à devoir s’affirmer y compris en se distinguant de celle des hommes, ce qui ne va pas sans risque.....
La langue, ce matériau même de l’écrivain, dit tout très vite et parler de la création des femmes, alors qu’il ne viendrait à l’esprit de personne d’intituler une intervention « la création des hommes », désigne d’emblée une interrogation sur sa place aujourd’hui et comme dans l’histoire, ainsi que sur son éventuelle spécificité.
Une condition féminine de la création
La reconnaissance et la visibilité de la création des femmes a une histoire. Elle ne va pas de soi. Même si la preuve n’est plus à faire de la capacité créatrice des femmes, cette dernière n’est ni unanimement ni identiquement reconnue partout et par tous. Des inégalités de droit et/ou de fait, des intégrismes religieux ou des idéologies patriarcales continuent de confiner les femmes au rôle de génitrices, dans une partition entre le « domus » et « l’agora », la « polis » réservée aux hommes et l’intime réservé aux femmes, entre la création d’un côté et la procréation de l’autre.
Cette répartition traditionnelle des rôles n’empêche pas et n’a pas empêché une création littéraire et artistique des femmes, mais elle a été et demeure encore minoritaire et sa visibilité souvent moindre que celle de la création masculine avec des nuances importantes selon les époques, les domaines et les cultures.
Sans imaginer entreprendre ici un historique ni s’arrêter au détail de ces conditions variables, on ne peut les perdre de vue ni écarter l’incidence des stéréotypes qui confinent les femmes au trois K (Kinder, Küche, Kirche, les enfants, l’église, la cuisine) sur une création rendue soit franchement impossible par le poids des traditions et des interdits soit symboliquement difficile ou assignée à des représentations obligées. La prégnance d’une image conventionnelle et infériorisée du féminin dans les sociétés et dans les mentalités influe sur la création des femmes, sur sa visibilité, sur sa reconnaissance, sur sa possibilité d’émergence. Entre censure et autocensure cette dernière demeure prise, à des degrés divers, dans les tenailles d’une absence de liberté ou d’une moindre reconnaissance, qui la conduit à devoir s’affirmer y compris en se distinguant de celle des hommes, ce qui ne va pas sans risque.....