BIOBIBLIOGRAPHIE
Viviane Ciampi, née à Lyon, vit en Italie (Gênes) depuis les années 70 où elle a fondé deux écoles de danse tout en cultivant la poésie. Fille de deux artistes : mère lyonnaise, père toscan de Pise, elle s’est « babélisée » dans ses deux langues avant de naître. Elle écrit dans le livre et hors du livre, anthologise, traduit (Jacques Darras, Bernard Noël, Bruno Geneste, Paul Sanda, Edith Azam, Ariane Dreyfus, Alda Merini (Le Castor Astral). Traduite à son tour en plusieurs langues. Rédactrice dans la revue Fili d’Aquilone, elle collabore avec la revue Teste. Attentive à l’oralité, se produit régulièrement dans des festivals en Italie et à l’étranger. Elle a publié nombre de recueils poétiques en italien mais aussi en version bilingue. Collabore avec artistes, plasticiens, photographes, musiciens. A mis en musique ses propres poèmes mais aussi « La fontaine de sang » de Baudelaire. Elle cherche dans l’écriture l’égarement imprévu, un moyen d’en savoir plus sur le rien qui no.us menace. A écrit une quinzaine de recueils poétiques (éd. Le mani, Internòs, Liberodiscrivere, Fonopoli, Fili d’Aquilone, Genesi, Ed. du Petit Véhicule, Al Manar, Plaine Page).
Parutions en 2023 : Florilège de ses poèmes pour la revue « Journal of Italian translation », New York ; en Roumanie le recueil Dincolo De Linia Somnului/Oltre la linea del sonno (Cosmopoli) ; au Canada : Morning Trains / I treni del mattino, selected poems traduit par le poète italo canadien Antonio D’Alfonso (Ekstasis, Toronto) ; Nouvelles de la planète rouge / Notizie del pianeta rosso (De Surtis) ; Le couteau de Madame / petit conte immoral mais pas tant que ça ! (Plaine page). Animatrice et traductrice au festival Voix Vives à Gênes et à Sète depuis 2015, au festival Parole Spalancate depuis 1998. En juillet 2023, elle a mis ses textes en écho dans l’exposition « Nocturna fuga » à Sète, à la galerie Open Space, fruit d’une longue collaboration avec le photographe Lino Cannizzaro.
Parutions en 2023 : Florilège de ses poèmes pour la revue « Journal of Italian translation », New York ; en Roumanie le recueil Dincolo De Linia Somnului/Oltre la linea del sonno (Cosmopoli) ; au Canada : Morning Trains / I treni del mattino, selected poems traduit par le poète italo canadien Antonio D’Alfonso (Ekstasis, Toronto) ; Nouvelles de la planète rouge / Notizie del pianeta rosso (De Surtis) ; Le couteau de Madame / petit conte immoral mais pas tant que ça ! (Plaine page). Animatrice et traductrice au festival Voix Vives à Gênes et à Sète depuis 2015, au festival Parole Spalancate depuis 1998. En juillet 2023, elle a mis ses textes en écho dans l’exposition « Nocturna fuga » à Sète, à la galerie Open Space, fruit d’une longue collaboration avec le photographe Lino Cannizzaro.
TEXTES
DEUX LANGUES MATERNELLES
DUE LINGUE MATERNE
quand je parle français je marche plus lentement
quando parlo francese cammino più lentamente
quand je parle italien mes pas résonnent
quando parlo italiano i miei passi risuonano
quand je parle français ma voix n’est pas la même
quando parlo francese la mia voce non è la stessa
quand je parle italien je fabrique des briques
quando parlo italiano fabbrico mattoni
quand je parle français je parfume la grammaire
quando parlo francese profumo la grammatica
quand je parle italien j’ai le sourire facile
quando parlo italiano ho il sorriso arrendevole
quand je parle français je soulève les sourcils
quando parlo francese sollevo le sopracciglia
quand je parle italien je pense à un puits de l’enfance dont il reste la trace
quando parlo italiano penso a un pozzo dell’infanzia di cui resta la traccia
quand je parle français je cède la parole
quando parlo francese cedo la parola
quand je parle italien mes mains dessinent des églises
quando parlo italiano le mie mani disegnano chiese
quand je parle français j’hésite à employer des grands mots
quando parlo francese esito a usare paroloni
quand je parle italien je tire des chevaux en pleine campagne
quando parlo italiano tiro cavalli in piena campagna
quand je parle français je plante un coq sur le toit
quando parlo francese pianto un gallo sul tetto
quand je parle italien je m’attarde le long de l’Arno
quando parlo italiano indugio lungo l’Arno
quand je parle français je cours le long du Rhône
quando parlo francese corro lungo il Rodano
quand je parle italien je tricote des mots plus longs
quando parlo italiano lavoro a maglia parole più lunghe
quand je parle français je sens les mots partir de la gorge
quando parlo francese sento le parole uscire dalla gola
quand je parle italien l’amour fait mal et me détruit
quando parlo italiano l’amore fa male e mi distrugge
quand je parle français je n’aime pas me traduire
quando parlo francese non amo tradurmi
quand je parle italien les paroles s’arrondissent
quando parlo italiano le parole s’arrotondano
quand je parle français le ciel est chaud comme une couverture
quando parlo francese il cielo è caldo come una coperta
quand je parle italien je remplis mon palais de poussière de mots
quando parlo italiano riempio il mio palato di polvere di parole
quand je parle français je parle plus bas
quando parlo francese parlo a voce più bassa
quand je parle italien j’ai un serpent dans la salle à manger
quando parlo italiano ho un serpente in sala da pranzo
quand je parle français le temps passe plus vite
quando parlo francese il tempo passa più velocemente
quand je parle italien j’aime le mot addirittura
quando parlo italiano amo la parola addirittura
quand je parle français les paroles se font pointues
quando parlo francese le parole si fanno più appuntite
quand je parle italien je perd la tête facilement
quando parlo italiano perdo la testa con facilità
quand je parle français la syntaxe est un labyrinthe
quando parlo francese la sintassi è un labirinto
quand je parle italien l’amour est plus simple
quando parlo italiano l’amore è più semplice
quand je parle français la mémoire saigne
quando parlo francese la memoria sanguina
quand je parle italien j’ai un ange à intérieur
quando parlo italiano ho un angelo dentro
quand je parle français je dis des choses que je ne dirais pas en italien
quando parlo francese dico cose che non direi in italiano
quand je parle italien je ris d’une façon différente
quando parlo italiano rido in un modo diverso
quand je parle français je colore les phrases avec de l’argot
quando parlo francese coloro le frasi con l’argot
quand je parle italien le français n’en devient pas pour autant orphelin
quando parlo italiano il francese mica per questo rimane orfano
quand je parle français parfois j’oublie un mot mais il me revient tout de suite
quando parlo francese talvolta dimentico una parola ma subito mi torna in mente
quand je parle italien je sais que le mot écho est féminin mais peu d’Italiens s’en rappellent
quando parlo italiano so che la parola eco è femminile ma pochi italiani se ne ricordano
quand je parle français je sais qu’il ne faut pas prononcer le p du mot dompteur
quando parlo francese so che non devo pronunciare la p della parola dompteur
quand je parle italien je parle moins de moi-même
quando parlo italiano parlo meno di me stessa
quand je parle français j’aime différemment
quando parlo francese amo in modo diverso
quand je parle italien je suis pendue à un désir
quando parlo italiano sono appesa a un desiderio
quand je parle français je dis les cent façons de chanter l’azur
quando parlo francese dico i cento modi di cantare l’azzurro
quand je parle italien j’écoute le solo de la lumière
quando parlo italiano ascolto l’assolo della luce
quand je parle français voici l’odeur du lait qui chauffe
quando parlo francese ecco l’odore del latte che bolle
quand je parle italien je commence une pensée perpétuelle
quando parlo italiano comincio un pensiero perpetuo
quand je parle français je mords la terre à pleine dents
quando parlo francese mordo la terra a piene ganasce
quand je parle italien j’ai un cyprès de Toscane dans la poche
quando parlo italiano ho un cipresso toscano in tasca
quand je parle français je vais moins souvent au cimetière
quando parlo francese vado meno spesso al cimitero
quand je parle italien j’ai moins peur de la mort
quando parlo italiano ho meno paura della morte
(inédit)
***
Je sais que souvent
en compagnie de l’amour
nous comblons la gravité.
Je sais que notre voix
disparaîtra dans son double.
Je sais que ta bouche
est le refuge préféré
de l’alphabet silencieux.
Alors parle-moi comme au nuage égaré
écris-moi une lettre imaginaire.
Laisse tomber le sexe.
Brise la chaîne,
c’est nous le feu.
***
Si sable de frontière
je ferme les yeux espérant
brodant dans ma langue
créant sur moi la musique
en chantant si possible
jusqu’où la voix apercevra
de rudes nuages qui s’avoisinent.
Appelant des distances
non souhaitées et donc dénouées,
je prends une route par cohérence.
***
Étrange que le monde soit là par hasard.
Un éclair de temps à autre
et combien de haies.
Les choses ne s’expliquent pas
tu les serres entre tes mains
tu les nommes
tu les fais dormir
il te semble qu’elles respirent
– et peut-être qu’elles respirent –
mais elles ne s’expliquent pas.
Étrange que le monde soit là par hasard.
Le calme n’est pas son destin
et si ce n’est le calme…
Les flammes encore,
comme matière de chaque enfer.
Les gens traversent les lignes du sommeil
ils vont outre les barrières de l’aube
plantent les clous du futur.
Les Sirènes, de l’intérieur.
Une ombre arrive,
frissonne.
Le soleil qu’elle renverse.
***
Pluie
ou débris
ou tempête de fange
jambes de hasard en pâture au soleil
une miette une brique le défini
pourquoi le jour d’aucun souvenir
et l’acte manqué
et le fourbe et le vol
qui entaille l’être
qui l’appauvrit
sciure d’indices jamais ne fut une preuve
c’est cette matière qui engendre la trame
D’après Poèmes assis poèmes debout / Poesie sedute poesie in piedi, Ed. Al Manar, 2019, recueil parrainé par Voix Vives
DUE LINGUE MATERNE
quand je parle français je marche plus lentement
quando parlo francese cammino più lentamente
quand je parle italien mes pas résonnent
quando parlo italiano i miei passi risuonano
quand je parle français ma voix n’est pas la même
quando parlo francese la mia voce non è la stessa
quand je parle italien je fabrique des briques
quando parlo italiano fabbrico mattoni
quand je parle français je parfume la grammaire
quando parlo francese profumo la grammatica
quand je parle italien j’ai le sourire facile
quando parlo italiano ho il sorriso arrendevole
quand je parle français je soulève les sourcils
quando parlo francese sollevo le sopracciglia
quand je parle italien je pense à un puits de l’enfance dont il reste la trace
quando parlo italiano penso a un pozzo dell’infanzia di cui resta la traccia
quand je parle français je cède la parole
quando parlo francese cedo la parola
quand je parle italien mes mains dessinent des églises
quando parlo italiano le mie mani disegnano chiese
quand je parle français j’hésite à employer des grands mots
quando parlo francese esito a usare paroloni
quand je parle italien je tire des chevaux en pleine campagne
quando parlo italiano tiro cavalli in piena campagna
quand je parle français je plante un coq sur le toit
quando parlo francese pianto un gallo sul tetto
quand je parle italien je m’attarde le long de l’Arno
quando parlo italiano indugio lungo l’Arno
quand je parle français je cours le long du Rhône
quando parlo francese corro lungo il Rodano
quand je parle italien je tricote des mots plus longs
quando parlo italiano lavoro a maglia parole più lunghe
quand je parle français je sens les mots partir de la gorge
quando parlo francese sento le parole uscire dalla gola
quand je parle italien l’amour fait mal et me détruit
quando parlo italiano l’amore fa male e mi distrugge
quand je parle français je n’aime pas me traduire
quando parlo francese non amo tradurmi
quand je parle italien les paroles s’arrondissent
quando parlo italiano le parole s’arrotondano
quand je parle français le ciel est chaud comme une couverture
quando parlo francese il cielo è caldo come una coperta
quand je parle italien je remplis mon palais de poussière de mots
quando parlo italiano riempio il mio palato di polvere di parole
quand je parle français je parle plus bas
quando parlo francese parlo a voce più bassa
quand je parle italien j’ai un serpent dans la salle à manger
quando parlo italiano ho un serpente in sala da pranzo
quand je parle français le temps passe plus vite
quando parlo francese il tempo passa più velocemente
quand je parle italien j’aime le mot addirittura
quando parlo italiano amo la parola addirittura
quand je parle français les paroles se font pointues
quando parlo francese le parole si fanno più appuntite
quand je parle italien je perd la tête facilement
quando parlo italiano perdo la testa con facilità
quand je parle français la syntaxe est un labyrinthe
quando parlo francese la sintassi è un labirinto
quand je parle italien l’amour est plus simple
quando parlo italiano l’amore è più semplice
quand je parle français la mémoire saigne
quando parlo francese la memoria sanguina
quand je parle italien j’ai un ange à intérieur
quando parlo italiano ho un angelo dentro
quand je parle français je dis des choses que je ne dirais pas en italien
quando parlo francese dico cose che non direi in italiano
quand je parle italien je ris d’une façon différente
quando parlo italiano rido in un modo diverso
quand je parle français je colore les phrases avec de l’argot
quando parlo francese coloro le frasi con l’argot
quand je parle italien le français n’en devient pas pour autant orphelin
quando parlo italiano il francese mica per questo rimane orfano
quand je parle français parfois j’oublie un mot mais il me revient tout de suite
quando parlo francese talvolta dimentico una parola ma subito mi torna in mente
quand je parle italien je sais que le mot écho est féminin mais peu d’Italiens s’en rappellent
quando parlo italiano so che la parola eco è femminile ma pochi italiani se ne ricordano
quand je parle français je sais qu’il ne faut pas prononcer le p du mot dompteur
quando parlo francese so che non devo pronunciare la p della parola dompteur
quand je parle italien je parle moins de moi-même
quando parlo italiano parlo meno di me stessa
quand je parle français j’aime différemment
quando parlo francese amo in modo diverso
quand je parle italien je suis pendue à un désir
quando parlo italiano sono appesa a un desiderio
quand je parle français je dis les cent façons de chanter l’azur
quando parlo francese dico i cento modi di cantare l’azzurro
quand je parle italien j’écoute le solo de la lumière
quando parlo italiano ascolto l’assolo della luce
quand je parle français voici l’odeur du lait qui chauffe
quando parlo francese ecco l’odore del latte che bolle
quand je parle italien je commence une pensée perpétuelle
quando parlo italiano comincio un pensiero perpetuo
quand je parle français je mords la terre à pleine dents
quando parlo francese mordo la terra a piene ganasce
quand je parle italien j’ai un cyprès de Toscane dans la poche
quando parlo italiano ho un cipresso toscano in tasca
quand je parle français je vais moins souvent au cimetière
quando parlo francese vado meno spesso al cimitero
quand je parle italien j’ai moins peur de la mort
quando parlo italiano ho meno paura della morte
(inédit)
***
Je sais que souvent
en compagnie de l’amour
nous comblons la gravité.
Je sais que notre voix
disparaîtra dans son double.
Je sais que ta bouche
est le refuge préféré
de l’alphabet silencieux.
Alors parle-moi comme au nuage égaré
écris-moi une lettre imaginaire.
Laisse tomber le sexe.
Brise la chaîne,
c’est nous le feu.
***
Si sable de frontière
je ferme les yeux espérant
brodant dans ma langue
créant sur moi la musique
en chantant si possible
jusqu’où la voix apercevra
de rudes nuages qui s’avoisinent.
Appelant des distances
non souhaitées et donc dénouées,
je prends une route par cohérence.
***
Étrange que le monde soit là par hasard.
Un éclair de temps à autre
et combien de haies.
Les choses ne s’expliquent pas
tu les serres entre tes mains
tu les nommes
tu les fais dormir
il te semble qu’elles respirent
– et peut-être qu’elles respirent –
mais elles ne s’expliquent pas.
Étrange que le monde soit là par hasard.
Le calme n’est pas son destin
et si ce n’est le calme…
Les flammes encore,
comme matière de chaque enfer.
Les gens traversent les lignes du sommeil
ils vont outre les barrières de l’aube
plantent les clous du futur.
Les Sirènes, de l’intérieur.
Une ombre arrive,
frissonne.
Le soleil qu’elle renverse.
***
Pluie
ou débris
ou tempête de fange
jambes de hasard en pâture au soleil
une miette une brique le défini
pourquoi le jour d’aucun souvenir
et l’acte manqué
et le fourbe et le vol
qui entaille l’être
qui l’appauvrit
sciure d’indices jamais ne fut une preuve
c’est cette matière qui engendre la trame
D’après Poèmes assis poèmes debout / Poesie sedute poesie in piedi, Ed. Al Manar, 2019, recueil parrainé par Voix Vives