BIOBLIOGRAPHIE
Guillaume Decourt est né en 1985. Il a passé son enfance en Israël, en Allemagne et en Belgique ; son adolescence dans les monts du Forez ; puis séjourné longuement à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Il partage aujourd’hui son temps entre Paris et Athènes. Il a publié treize livres de poésie dont À 80 km de Monterey, Æthalidès, 2021 ; Le Bonjour de Christopher Graham, Æthalidès, 2023 ; Lundi propre, La Table Ronde, 2023 ; Un temps de fête, La Table Ronde, 2024.
Ses poèmes ont été traduits dans une dizaine de langues. Il collabore à de nombreuses revues et donne des lectures publiques dans différents festivals en France et à l’étranger.
Il a reçu le prix Max-Jacob en 2024.
Poezibao il y a peu.
Ses poèmes ont été traduits dans une dizaine de langues. Il collabore à de nombreuses revues et donne des lectures publiques dans différents festivals en France et à l’étranger.
Il a reçu le prix Max-Jacob en 2024.
Poezibao il y a peu.
EXTRAITS
Guillaume Decourt, Lundi propre, La Table Ronde, 2023
1. GITANE
Huit ans celle qui se prénomme Albane
Pieds sales sourire clair cheveux noirs
Belle comme une petite gitane
Depuis toujours que j’ai cessé de croire
À qui dire que j’aurais pu avoir
Une fille pareille à toi ce soir
Si j’avais été un peu moins porté
Sur moi-même et le goût des promenades
Ici l’eau est froide même en été
Reste près du bord bois ta limonade
2. BIJOU
La maison de l’oncle Vassilis mille
Quatre cents mètres carrés avec vue
Sur la mer un marbre noir du Brésil
« Rare quatre au monde » commente-t-il
Au vibrato je sens qu’il est ému
Nous visitons ensuite la chapelle
Construite au fond du jardin suspendu
Il y mariera sa fille Cybèle
Un petit chien jappe et lèche des joues
C’est un bichon qu’on appelle Bijou
3. MONDANITÉ
Par instants je perds mon sens de l’humour
Sans que je puisse dire où quand pourquoi
Je m’entretiens avec des gens à mour-
Ir d’ennui je souris je reste coi
J’ai mis au mont-de-piété mon carquois
De vie reste ma puisette d’amour
Qui s’amenuise je rappelle à moi
Le petit garçon que je fus entier
Celui-là qui se branlait dans les bois
Qui baise aujourd’hui des femmes mariées
4. ALLER SIMPLE
Minuit descendant la rue d’Alésia
Je songeais à celui qui sur un pont
Dans la brume à Livourne rencontra
Une femme pleurant un homme dont
Elle ne savait presque rien j’avais
Beaucoup plus de chance que ces trois-là
Seul dans Paris désert moi qui savais
Découper une orange avec ma joie
Comme je l’appris pour plusieurs années
D’une lionne de la mer Égée
5. BOUBOU
J’ai l’envie subite de revêtir
Mon boubou et de danser gauchement
Sur un concerto de Rachmaninov
Toi seule es en mesure de saisir
En quoi ce syncrétique mouvement
Peut conjurer toutes les catastrophes
Laisse-moi donc revêtir mon boubou
Danser gauchement sur un concerto
De Rachmaninov nous sommes debout
Le jour se lève il est encore tôt
6. OUVÉA
La fête du Waé battait son plein
Des hommes cassaient des noix de coco
Et des femmes dansaient avec entrain
En flottant dans leurs robes missionnaires
Le Christ crucifié était noir et beau
Il y avait l’eau l’air le ciel la terre
Nous dormions tous dans la case une voix
Au-dehors chantait à n’en plus finir
J’ai un amour qui ne veut pas mourir
Toute chose semblait aller de soi
***
Guillaume Decourt, Un temps de fête, La Table Ronde, 2024
NATATION
« Les nageurs ont une légère couche de gras sur les muscles, comme les Indiens des Plaines et la plupart des peuples qui vivent dehors », me répétait mon père. Johnny Weissmuller était son héros. Il nageait le crawl en gardant la tête hors de l’eau. Il a fini sa vie dans un hôpital psychiatrique d’Acapulco. Chaque soir, il y faisait retentir son cri de Tarzan. Cela terrorisait les autres patients.
INCOGNITO
Il n’y a pas d’âge pour se mêler aux propriétaires de véhicules tout-terrain de luxe — Range Rover et Porsche Cayenne — qui dégustent une glace sur le boulevard de Poséidon. Il n’y a pas d’âge pour donner une pièce au cul-de-jatte qui joue du baglama dans une rue de Glyfada. Il n’y a pas d’âge pour porter la moustache et garder l’incognito. Il n’y a pas d’âge pour troquer sa casquette contre un panama.
SURF
Je suis heureux aujourd’hui. J’invoque Duke Kahanamoku. C’était un homme de l’eau. Il était mon ami. Ce qu’il pouvait être beau ! Ce qu’il pouvait être intelligent ! Tout le monde s’en souvient à Honolulu. Tout le monde y compris le requin blanc qui le suivait lorsqu’il nageait au large, et qui jamais ne l’attaqua. Même dans son grand âge, du requin blanc, Duke ne faisait pas grand cas.
SMOOTHIES
Les intellectuels n’apprécient guère les smoothies. C’est une chose regrettable car il s’agit d’une boisson pour gens d’esprit. Il en existe pour tous les goûts. Du smoothie Spinoza — vanille, datte et noix de cajou — au smoothie Nietzsche — orange, banane, avocat — en passant par le smoothie Wittgenstein — aux fruits rouges et lait d’amande —, sans doute le plus diététique. On le recommande.
BARBIER
Il faut de la patience pour obtenir une moustache digne du cartel de Medellín. Ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine. Manier des instruments de précision. Avoir une grande capacité de décision. Se donner de la peine. Quelques millimètres trop hauts, on se retrouve à Carthagène, quelques millimètres trop bas, on termine à Manizales. Mieux vaut savoir prendre son temps. Rien ne presse.
1. GITANE
Huit ans celle qui se prénomme Albane
Pieds sales sourire clair cheveux noirs
Belle comme une petite gitane
Depuis toujours que j’ai cessé de croire
À qui dire que j’aurais pu avoir
Une fille pareille à toi ce soir
Si j’avais été un peu moins porté
Sur moi-même et le goût des promenades
Ici l’eau est froide même en été
Reste près du bord bois ta limonade
2. BIJOU
La maison de l’oncle Vassilis mille
Quatre cents mètres carrés avec vue
Sur la mer un marbre noir du Brésil
« Rare quatre au monde » commente-t-il
Au vibrato je sens qu’il est ému
Nous visitons ensuite la chapelle
Construite au fond du jardin suspendu
Il y mariera sa fille Cybèle
Un petit chien jappe et lèche des joues
C’est un bichon qu’on appelle Bijou
3. MONDANITÉ
Par instants je perds mon sens de l’humour
Sans que je puisse dire où quand pourquoi
Je m’entretiens avec des gens à mour-
Ir d’ennui je souris je reste coi
J’ai mis au mont-de-piété mon carquois
De vie reste ma puisette d’amour
Qui s’amenuise je rappelle à moi
Le petit garçon que je fus entier
Celui-là qui se branlait dans les bois
Qui baise aujourd’hui des femmes mariées
4. ALLER SIMPLE
Minuit descendant la rue d’Alésia
Je songeais à celui qui sur un pont
Dans la brume à Livourne rencontra
Une femme pleurant un homme dont
Elle ne savait presque rien j’avais
Beaucoup plus de chance que ces trois-là
Seul dans Paris désert moi qui savais
Découper une orange avec ma joie
Comme je l’appris pour plusieurs années
D’une lionne de la mer Égée
5. BOUBOU
J’ai l’envie subite de revêtir
Mon boubou et de danser gauchement
Sur un concerto de Rachmaninov
Toi seule es en mesure de saisir
En quoi ce syncrétique mouvement
Peut conjurer toutes les catastrophes
Laisse-moi donc revêtir mon boubou
Danser gauchement sur un concerto
De Rachmaninov nous sommes debout
Le jour se lève il est encore tôt
6. OUVÉA
La fête du Waé battait son plein
Des hommes cassaient des noix de coco
Et des femmes dansaient avec entrain
En flottant dans leurs robes missionnaires
Le Christ crucifié était noir et beau
Il y avait l’eau l’air le ciel la terre
Nous dormions tous dans la case une voix
Au-dehors chantait à n’en plus finir
J’ai un amour qui ne veut pas mourir
Toute chose semblait aller de soi
***
Guillaume Decourt, Un temps de fête, La Table Ronde, 2024
NATATION
« Les nageurs ont une légère couche de gras sur les muscles, comme les Indiens des Plaines et la plupart des peuples qui vivent dehors », me répétait mon père. Johnny Weissmuller était son héros. Il nageait le crawl en gardant la tête hors de l’eau. Il a fini sa vie dans un hôpital psychiatrique d’Acapulco. Chaque soir, il y faisait retentir son cri de Tarzan. Cela terrorisait les autres patients.
INCOGNITO
Il n’y a pas d’âge pour se mêler aux propriétaires de véhicules tout-terrain de luxe — Range Rover et Porsche Cayenne — qui dégustent une glace sur le boulevard de Poséidon. Il n’y a pas d’âge pour donner une pièce au cul-de-jatte qui joue du baglama dans une rue de Glyfada. Il n’y a pas d’âge pour porter la moustache et garder l’incognito. Il n’y a pas d’âge pour troquer sa casquette contre un panama.
SURF
Je suis heureux aujourd’hui. J’invoque Duke Kahanamoku. C’était un homme de l’eau. Il était mon ami. Ce qu’il pouvait être beau ! Ce qu’il pouvait être intelligent ! Tout le monde s’en souvient à Honolulu. Tout le monde y compris le requin blanc qui le suivait lorsqu’il nageait au large, et qui jamais ne l’attaqua. Même dans son grand âge, du requin blanc, Duke ne faisait pas grand cas.
SMOOTHIES
Les intellectuels n’apprécient guère les smoothies. C’est une chose regrettable car il s’agit d’une boisson pour gens d’esprit. Il en existe pour tous les goûts. Du smoothie Spinoza — vanille, datte et noix de cajou — au smoothie Nietzsche — orange, banane, avocat — en passant par le smoothie Wittgenstein — aux fruits rouges et lait d’amande —, sans doute le plus diététique. On le recommande.
BARBIER
Il faut de la patience pour obtenir une moustache digne du cartel de Medellín. Ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine. Manier des instruments de précision. Avoir une grande capacité de décision. Se donner de la peine. Quelques millimètres trop hauts, on se retrouve à Carthagène, quelques millimètres trop bas, on termine à Manizales. Mieux vaut savoir prendre son temps. Rien ne presse.