BIOBIBLIOGRAPHIE
Bernard Pozier est né à Trois-Rivières en 1955. Il est directeur littéraire des Écrits des Forges et vice-président de la Maison de la poésie de Montréal. Ses ouvrages les plus récents sont Naître et vivre et mourir, Carnets de México, Biens et maux, Agonique agenda, Post-scriptum et Le temps bouge la Terre passe. En 2012, il a reçu la Médaille de la Reconnaissance de l’État d’Aguascalientes au Mexique pour l’ensemble de ses travaux d’écriture, de traduction et de diffusion de la poésie mexicaine au Québec et, en 2013, le premier prix de calaveritas du Consulat du Mexique à Montréal.
EXTRAITS
LA VALLÉE DES MIROIRS
Si tu grimpes sur la bonne montagne
Le bon jour à la bonne heure
Tu verras que les hommes vivent en paix avec les animaux
Dans les champs
Tu verras que les arbres ouvrent les bras aux oiseaux
Sur les lacs
Et si tu te penches bien et fronces les sourcils
Tu pourras entrevoir tout au creux
Le fond secret du ciel
Si tu grimpes sur la même montagne
Le même soir à la bonne heure
Tu verras le soleil se mirer plusieurs fois
Entre les champs
Et caresser de couleurs le dos usé des montagnes
Et la crinière des plantes séchées
Et si tu te penches et fronces les sourcils
Tu pourras entrevoir tout au creux
Le fond profond de la nuit
Et parfois certains soirs
Si tu regardes avec le bon œil
Et si la magie est bonne
Au cœur de la vallée des miroirs
Tu verras le fond de toi
SAVEUR DE LA CITÉ
Entre les feuilles les écorces et les fleurs
Ce qui de couleurs tangue dans la lumière
Sur les places offertes à la faim frivole de la foule
Ce qui d’odeurs émane d’ancestral et de neuf
Au bout des branches ou bien des mains
Ce qui de fruit fleure narines pupilles et papilles
En secret dans les tympans de l’œil et du cœur
Ce qui de pierre suinte et raconte et puis grise
Tout autour en tous sens et sans cesse jamais
Ce qui de rue grouille à roue ou bien à pied
Dans la partition inventive d’un autre quotidien
Ce qui de mot en murmure chante d’inouïes musiques
Sous les miroirs des yeux et sur les chevelures d’ébène
Ce qui de sourire s’arrache à la noirceur
Sur le versant vertical de ce monde
Ce qui d’arcades et de fontaines s’élance dans l’azur
Dans le nocturne des poètes passés
Ce qui de lumineux sculpte la ville
Aux pinceaux fameux ou iconoclastes
Ce qui des murs s’envole en images
Et tout partout dans l’âme
Ce qui de bleu ciel à mort
TRADUCTION
Dans la vie ou sur la page
Comment se ressembler dans une autre langue
Quand les yeux surpris des autres
Fixés comme objectifs
Ne font pas vraiment des miroirs neutres
Mais bien des regards singuliers
Absolument subjectifs
L’écho de nos mots peut-il être le même
Alors que l’on n’use pas des mêmes sons
Pour tenter peut-être de dire la même chose
Dans des oreilles faites à d’autres vocables
Affûtées aussi à d’autres accents
Avec en tête bien d’autres référents
Étrangers nomades polysémiques
Le miroir de la page peut-il nous être fidèle
Si les lettres ont des variantes
Si l’interprétation murmure d’autres sens à nos mots
Si les lecteurs y voient d’autres réels étranges
Cachés dans les revers de leur savoir du monde
Et des outils qui forgent leur langage
Depuis toujours et pourtant mutant
Suis-je bien moi
Ou un autre dans un autre pays
Revu corrigé
Et prononcé autrement
Syllabe à syllabe
Trait par trait
Esquisse d’un portrait neuf et partition d’inédit
AMNÉSIE MAISON
Rappelle-toi
Nos clefs renieront nos serrures
Nos portes rejetteront nos corps
Nos fenêtres omettront nos reflets
Nos murs nieront nos souvenirs
Nos plafonds nous trahiront
Nos tapis partiront sous nos pieds
Nos planchers ne donneront plus l’écho de nos pas
Nos miroirs oublieront nos images
Nos meubles décrocheront la clef des champs
Nos objets divorceront à cœur fendre
Alors
Nous ne serons plus chez nous
Notre maison ne sera alors plus qu’une maison
Égarée parmi les autres maisons
Cassée
Seule
Désormais
Avec de pauvres étrangers
Totalement démunis de passé
Si tu grimpes sur la bonne montagne
Le bon jour à la bonne heure
Tu verras que les hommes vivent en paix avec les animaux
Dans les champs
Tu verras que les arbres ouvrent les bras aux oiseaux
Sur les lacs
Et si tu te penches bien et fronces les sourcils
Tu pourras entrevoir tout au creux
Le fond secret du ciel
Si tu grimpes sur la même montagne
Le même soir à la bonne heure
Tu verras le soleil se mirer plusieurs fois
Entre les champs
Et caresser de couleurs le dos usé des montagnes
Et la crinière des plantes séchées
Et si tu te penches et fronces les sourcils
Tu pourras entrevoir tout au creux
Le fond profond de la nuit
Et parfois certains soirs
Si tu regardes avec le bon œil
Et si la magie est bonne
Au cœur de la vallée des miroirs
Tu verras le fond de toi
SAVEUR DE LA CITÉ
Entre les feuilles les écorces et les fleurs
Ce qui de couleurs tangue dans la lumière
Sur les places offertes à la faim frivole de la foule
Ce qui d’odeurs émane d’ancestral et de neuf
Au bout des branches ou bien des mains
Ce qui de fruit fleure narines pupilles et papilles
En secret dans les tympans de l’œil et du cœur
Ce qui de pierre suinte et raconte et puis grise
Tout autour en tous sens et sans cesse jamais
Ce qui de rue grouille à roue ou bien à pied
Dans la partition inventive d’un autre quotidien
Ce qui de mot en murmure chante d’inouïes musiques
Sous les miroirs des yeux et sur les chevelures d’ébène
Ce qui de sourire s’arrache à la noirceur
Sur le versant vertical de ce monde
Ce qui d’arcades et de fontaines s’élance dans l’azur
Dans le nocturne des poètes passés
Ce qui de lumineux sculpte la ville
Aux pinceaux fameux ou iconoclastes
Ce qui des murs s’envole en images
Et tout partout dans l’âme
Ce qui de bleu ciel à mort
TRADUCTION
Dans la vie ou sur la page
Comment se ressembler dans une autre langue
Quand les yeux surpris des autres
Fixés comme objectifs
Ne font pas vraiment des miroirs neutres
Mais bien des regards singuliers
Absolument subjectifs
L’écho de nos mots peut-il être le même
Alors que l’on n’use pas des mêmes sons
Pour tenter peut-être de dire la même chose
Dans des oreilles faites à d’autres vocables
Affûtées aussi à d’autres accents
Avec en tête bien d’autres référents
Étrangers nomades polysémiques
Le miroir de la page peut-il nous être fidèle
Si les lettres ont des variantes
Si l’interprétation murmure d’autres sens à nos mots
Si les lecteurs y voient d’autres réels étranges
Cachés dans les revers de leur savoir du monde
Et des outils qui forgent leur langage
Depuis toujours et pourtant mutant
Suis-je bien moi
Ou un autre dans un autre pays
Revu corrigé
Et prononcé autrement
Syllabe à syllabe
Trait par trait
Esquisse d’un portrait neuf et partition d’inédit
AMNÉSIE MAISON
Rappelle-toi
Nos clefs renieront nos serrures
Nos portes rejetteront nos corps
Nos fenêtres omettront nos reflets
Nos murs nieront nos souvenirs
Nos plafonds nous trahiront
Nos tapis partiront sous nos pieds
Nos planchers ne donneront plus l’écho de nos pas
Nos miroirs oublieront nos images
Nos meubles décrocheront la clef des champs
Nos objets divorceront à cœur fendre
Alors
Nous ne serons plus chez nous
Notre maison ne sera alors plus qu’une maison
Égarée parmi les autres maisons
Cassée
Seule
Désormais
Avec de pauvres étrangers
Totalement démunis de passé