ACTUALITES
Gérard Noiret
dernière parution: Autoportrait au soleil couchant éditions Obsidiane, octobre 2010
Autoportrait au soleil couchant se présente comme une anthologie qu’un éditeur proposerait aux lecteurs pour fêter l’anniversaire de sa collection de poésie. Cette anthologie comporte une préface du directeur de collection, et un choix de trois poètes très différents les uns des autres, n’ayant en commun que la conviction que le poème est l’écriture qui a le plus à voir avec le silence. Ce livre, qui regroupe des hétéronymes, tente de répondre à deux questions : comment inventer une autre structure au livre de poèmes et, après la « mort » de l’auteur des années structuralistes et les renaissances diverses des deux dernières décennies, que dire d’un poète ?
Rencontre avec l'auteur
BIBLIOTHEQUE MULTIMEDIA D’ACHERES
place de la Jamais Contente - Achères 78260
01 39 11 22 95
bibliotheque@mairie-acheres78.fr
(ligne A du RER - Achères ville)
Dans le cadre du cycle de soirées littéraires Entre ciel et terre, les écrivains à la bibliothèque, Gérard Noiret, reçu par Yvon Le Men, viendra rencontrer les lecteurs de la bibliothèque mardi 18 octobre 2011. Il lira ses derniers poèmes dans un environnement conçu par Monique M
La rencontre débutera à 20 heures.
Gérard Noiret
dernière parution: Autoportrait au soleil couchant éditions Obsidiane, octobre 2010
Autoportrait au soleil couchant se présente comme une anthologie qu’un éditeur proposerait aux lecteurs pour fêter l’anniversaire de sa collection de poésie. Cette anthologie comporte une préface du directeur de collection, et un choix de trois poètes très différents les uns des autres, n’ayant en commun que la conviction que le poème est l’écriture qui a le plus à voir avec le silence. Ce livre, qui regroupe des hétéronymes, tente de répondre à deux questions : comment inventer une autre structure au livre de poèmes et, après la « mort » de l’auteur des années structuralistes et les renaissances diverses des deux dernières décennies, que dire d’un poète ?
Rencontre avec l'auteur
BIBLIOTHEQUE MULTIMEDIA D’ACHERES
place de la Jamais Contente - Achères 78260
01 39 11 22 95
bibliotheque@mairie-acheres78.fr
(ligne A du RER - Achères ville)
Dans le cadre du cycle de soirées littéraires Entre ciel et terre, les écrivains à la bibliothèque, Gérard Noiret, reçu par Yvon Le Men, viendra rencontrer les lecteurs de la bibliothèque mardi 18 octobre 2011. Il lira ses derniers poèmes dans un environnement conçu par Monique M
La rencontre débutera à 20 heures.
BIOBIBLIOGRAPHIE
né en 1948 à Saint-Germain en Laye (78)
marié - 2 enfants
Animateur bénévole puis vacataire depuis 1967, il a dirigé des services municipaux en banlieue (Enfance et Jeunesse) entre 1973 et 2001.
°°°
Livres
Le pain aux alouettes (Poèmes - Temps Actuels 1982), Chatila (Poème - Actes Sud 1986), Le commun des mortels (Poèmes - Actes Sud 1990), Chroniques d’inquiétude (chroniques - Actes Sud 1994), Tags (Poème - Maurice Nadeau 1994), Toutes voix confondues (Poèmes- Maurice Nadeau 1998), Polyptyque de la dame à la glycine (Roman/poème Actes sud 2000), Pris dans les choses (Poèmes de scène- Obsidiane 2003), Ouvrier le chant (Essai - JM Place 2004), Maélo (poème pour l’enfance - L’idée bleue 2006) - Atlantides (héroïc-poesy - Action Poétique 2008)
Pour la radio
Les régions tempérées (France-Culture 1998), Le pont de la morue (France-Culture 2005)
Pour le théâtre
Chatila (1986, th P. Eluard de Bezons), Madame Bruneau (1989 th P. Eluard de Bezons), Willy (1998 Le sax - Achères), Le pont de la morue (2009 Th 95 de Cergy)
En 2009 et 2010 au Théâtre 95 de Cergy-Pontoise, il a travaillé à des "lectures élaborées" (qui le font travailler avec des plasticiens, des musiciens, des danseurs et des comédien) soit à partir de ses textes (Rue chair et foins - 2009, Sous un soleil féminin - 2010), soit à partir de textes d'écrivains participant à son atelier de création.
Nombreuses lectures en France et à l’étranger
Ses poèmes ont paru dans une quarantaine de revues (NRF, Poésie, Action Poétique, Digraphe, Nouveau Recueil....) et divers journaux (Le Monde, l’Humanité, Le Figaro).
Figure dans une vingtaine d’anthologies (Orphée Studio - Poésie d’aujourd’hui à voix haute, Poésie/Gallimard. Il a reçu le Prix Tristan Tzara et le Prix des Découvreurs.
Des poèmes ont été traduits dans différents pays (Afrique du Sud, Allemagne, Angleterre, Espagne, Indes, Italie, Maroc, Roumanie)
Il a fait l’objet de plusieurs dossiers en France et en Italie.
°°°
Membre du Comité de Rédaction de La Quinzaine Littéraire (1980-2001), du Mâche-Laurier (2001-20010) et actuellement d'Europe et de Secousse. Il a publié de nombreux articles (Le Monde, Le Matin de Paris, l’Humanité, Esprit...) et a participé à des émissions sur France-Culture et France-Inter.
°°°
A dirigé une collection de littérature aux Editions Ipomée
°°°
A été membre de l'Académie Mallarmé, de la commission Poésie du CNL, et de la commission Livre du Conseil Régional d'Île-de-France. Conseil d’Administration de la Maison de la Poésie de Paris.
°°°
Il mène d’une manière continue des Ateliers d’écriture et d’oralité en France et à l’étranger (Irak, Guinée, Maroc) depuis 1982, avec des employeurs très divers (Rectorats, IUFM - il est resté 2 saisons en résidence à Lyon -, prison, armée, Biennale des Poètes du Val de Marne, Printemps des Poètes, bibliothèques, Jeunesse et Sports...) Il se consacre à plein temps à cette activité depuis 2002, en restant ancré dans une problématique d’Education Populaire.
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Participe régulièrement depuis 1978 à des Fêtes du livre en tant qu’animateur de débat.
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né en 1948 à Saint-Germain en Laye (78)
marié - 2 enfants
Animateur bénévole puis vacataire depuis 1967, il a dirigé des services municipaux en banlieue (Enfance et Jeunesse) entre 1973 et 2001.
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Livres
Le pain aux alouettes (Poèmes - Temps Actuels 1982), Chatila (Poème - Actes Sud 1986), Le commun des mortels (Poèmes - Actes Sud 1990), Chroniques d’inquiétude (chroniques - Actes Sud 1994), Tags (Poème - Maurice Nadeau 1994), Toutes voix confondues (Poèmes- Maurice Nadeau 1998), Polyptyque de la dame à la glycine (Roman/poème Actes sud 2000), Pris dans les choses (Poèmes de scène- Obsidiane 2003), Ouvrier le chant (Essai - JM Place 2004), Maélo (poème pour l’enfance - L’idée bleue 2006) - Atlantides (héroïc-poesy - Action Poétique 2008)
Pour la radio
Les régions tempérées (France-Culture 1998), Le pont de la morue (France-Culture 2005)
Pour le théâtre
Chatila (1986, th P. Eluard de Bezons), Madame Bruneau (1989 th P. Eluard de Bezons), Willy (1998 Le sax - Achères), Le pont de la morue (2009 Th 95 de Cergy)
En 2009 et 2010 au Théâtre 95 de Cergy-Pontoise, il a travaillé à des "lectures élaborées" (qui le font travailler avec des plasticiens, des musiciens, des danseurs et des comédien) soit à partir de ses textes (Rue chair et foins - 2009, Sous un soleil féminin - 2010), soit à partir de textes d'écrivains participant à son atelier de création.
Nombreuses lectures en France et à l’étranger
Ses poèmes ont paru dans une quarantaine de revues (NRF, Poésie, Action Poétique, Digraphe, Nouveau Recueil....) et divers journaux (Le Monde, l’Humanité, Le Figaro).
Figure dans une vingtaine d’anthologies (Orphée Studio - Poésie d’aujourd’hui à voix haute, Poésie/Gallimard. Il a reçu le Prix Tristan Tzara et le Prix des Découvreurs.
Des poèmes ont été traduits dans différents pays (Afrique du Sud, Allemagne, Angleterre, Espagne, Indes, Italie, Maroc, Roumanie)
Il a fait l’objet de plusieurs dossiers en France et en Italie.
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Membre du Comité de Rédaction de La Quinzaine Littéraire (1980-2001), du Mâche-Laurier (2001-20010) et actuellement d'Europe et de Secousse. Il a publié de nombreux articles (Le Monde, Le Matin de Paris, l’Humanité, Esprit...) et a participé à des émissions sur France-Culture et France-Inter.
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A dirigé une collection de littérature aux Editions Ipomée
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A été membre de l'Académie Mallarmé, de la commission Poésie du CNL, et de la commission Livre du Conseil Régional d'Île-de-France. Conseil d’Administration de la Maison de la Poésie de Paris.
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Il mène d’une manière continue des Ateliers d’écriture et d’oralité en France et à l’étranger (Irak, Guinée, Maroc) depuis 1982, avec des employeurs très divers (Rectorats, IUFM - il est resté 2 saisons en résidence à Lyon -, prison, armée, Biennale des Poètes du Val de Marne, Printemps des Poètes, bibliothèques, Jeunesse et Sports...) Il se consacre à plein temps à cette activité depuis 2002, en restant ancré dans une problématique d’Education Populaire.
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Participe régulièrement depuis 1978 à des Fêtes du livre en tant qu’animateur de débat.
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EXTRAITS D'OUVRAGES
Autoportrait au soleil couchant, éditions Obsidiane 2010
Autoportrait au soleil couchant se présente comme une anthologie qu’un éditeur proposerait aux lecteurs pour fêter l’anniversaire de sa collection de poésie. Cette anthologie comporte une préface du directeur de collection, et un choix de trois poètes très différents les uns des autres, n’ayant en commun que la conviction que le poème est l’écriture qui a le plus à voir avec le silence. Ce livre, qui regroupe des hétéronymes, tente de répondre à deux questions : comment inventer une autre structure au livre de poèmes et, après la « mort » de l’auteur des années structuralistes et les renaissances diverses des deux dernières décennies, que dire d’un poète ?
UN QUATUOR
par Christian Lachaud
A condition de savoir mourir avant que les compromis, la lassitude, voire l’épuisement des hypothèses n’en ruinent les lignes de force, les collections sont une des conditions de l’activité poétique d’une époque. Elles font autant les poètes que les poètes les font. Tant qu’un souffle les anime, elles constituent des champs où s’engouffrer, elles font rêver, elles donnent une légitimité. Leur existence combat autant la reproduction stérile du connu que les gesticulations de l’originalité à tout prix.
Lorsque Antoine Journoy m’a proposé de fêter le vingtième anniversaire des Colosses de Memnon, j'ai immédiatement pensé constituer une anthologie des poètes qui y étaient publiés. Après avoir affecté 4 pages à chacun d'eux, je les ai classés par ordre alphabétique. Peu convaincu du résultat à la relecture, j'ai recommencé ma sélection, cette fois en suivant l'ordre du catalogue. Je n'ai guère été plus satisfait. Mon anthologie reconduisait les défauts du genre. Elle occultait, par exemple, que le poème est indissociable de son silence, et niait l'importance de l'organisation interne des livres.
Quitte à froisser quelques susceptibilités, j'ai de nouveau changé de parti pris. J'ai opté pour un prélèvement significatif dans un nombre très restreint de titres afin de rendre perceptible ce qui est pour moi au cœur de la collection. Cela décidé, il me restait à déterminer ce fameux nombre et à concevoir la mise en rapport. C'est Guy Châtelain qui, au hasard d'une discussions sur les mérites comparés des différents ensembles musicaux, m'a fourni la solution. Pendant qu'il m'expliquait pourquoi le quatuor était la "formation majeure de la musique de chambre", l'idée m'est venue de rassembler trois voix dissemblables mais réunies par leurs vibrations autour de la basse continue de mon attente.
Les colosses de Memnon est une référence qui fait sens avec ma recherche d’un lyrisme critiqué, susceptible de dépasser les objections de l'ancienne avant-garde comme les diktats d’un post-modernisme voué à la technique et au spectacle. Répondant par un autre mythe au vieil Orphée, elle combat sa double dimension idéaliste et patriarcale. La fable des statues qui, aux portes de la ville, saluent chaque matin l’arrivée de l’aurore correspond bien à mon goût pour les poèmes riches de ce souffle qui fait que le poème libre - On me pardonnera ce détournement de la phrase de Jean Tortel - est libre de tout sauf de ne pas être un poème…
GUY CHÂTELAIN
POEMES TREMBLES (avec effets de complaisance)
Né en 1983, Guy Châtelain est professeur de philosophie à Nancy. Cet amateur de chant grégorien a commencé par s’intéresser aux écritures extrêmes (Jacques Dupin, Claude Royer-Journoud...) avant de s’interroger sur les conditions d’une reprise « du plein et des déliés ». Né dans un milieu catholique, à une époque où la renégociation des places des hommes et des femmes faisait exploser les cadres de la famille, à jamais affecté par le divorce de ses parents, Guy Châtelain a cherché « à rendre de nouveau possible la plainte », en amplifiant certains de ses caractères de façon « à dévier le cours du pathos». Pour cela, il en est revenu aux Romances sans paroles de Verlaine, au « Garde ma récolte secrète » d’Odilon-Jean Périer, au « Si je meurs » de Jacques Audiberti, aux déclinaisons des Chansons reverdies de Max Elskamp, mais également aux « formats des images pieuses » des missels. Contrairement à ce que pourraient indiquer ses goûts musicaux et sa forme privilégiée, les distiques, il réfute l’idée d’une mise en voix. Il considère qu’il n’existe aucune transcription des nuances et des intervalles rendus possibles par la lecture muette, et que son vers, « alliage de mots au bord de la prononciation et de silence mental », est obligatoirement gâché par la matérialité des sons et des corps. « La tonalité que je recherche n’appartient pas à l’existence sociale. Elle ne peut être rendue par l’humour, l’ironie ou l’infecte parodie. »
Poèmes tremblés (avec effets de complaisance) - dont sont extraits 5 des 11 ensembles - est paru en 2O03, après quatre titres publiés chez Champ Vallon et au Mercure de France, une collaboration régulières à la revue Le Nouveau Recueil et des articles épisodiques au Monde de la Musique.
DISTIQUES
DU
POINT DU JOUR
Sous le voile couvrant
Nos anciennes dispositions
Tu es ce membre dans un brouillard
Automnal de nerfs trompés
Tes plaques de rues
Me vieillissent avant l’âge
Des pierres dans la mémoire
Sont des crotales
Dors ma ville, dors
Sous tes scellés dors de plomb
C’est à l’intérieur de soi
Désormais que marcher
Marcher d’incapable phrase
De faire dix pas
Sans interroger
Son allure dans les vitrines
J’habite un lendemain de fête
Qui n’a jamais eu lieu
Une rue de confettis mouillés
Une traînée de meuble sur le rire
°°°
Il aurait fallu revenir lentement
Ignorer la saison
Apparaître comme par miracle
Ne pas soulever d’angoisse
Se tenir avec des allures de
Ne jamais savoir entrer
Ne jamais se souvenir
Il aurait fallu mais tu vois
Quelque chose d’hier
Soulève la tête et montre les dents
Il aurait fallu ouvrir simplement
Détourner l’attention
Remettre comme au hasard
Les enveloppes dans le tiroir
Se tenir avec des allures de
Ne jamais pouvoir trier
Ne jamais se relire
Il aurait fallu mais déjà
Des fêlures anciennes
Se rassemblent et flairent notre sang
Il aurait fallu repartir dignement
Dépasser l’horizon
Disparaître comme un mirage
Ne pas laisser de traces
Retenir ses larmes avec des allures de
Ne jamais avoir aimé
Ne jamais se départir
Il aurait fallu mais voilà
Un pressentiment vieux
Déplie ses ailes et nous suit dans le vent
ENVOI
Ah oui aussi
Des sentiments terribles
Qu’ils nous appartiennent
Et la mémoire réserve africaine
Où les bêtes mal soignées
Perdent leurs traits de parents
VIVIANE LEDERA
POUR UN SOLEIL FEMININ
Née en 1948, Viviane Ledéra fut longtemps assistante sociale dans la région lyonnaise. Dès Un coin du voile, son premier livre, « partie prenante dans la bataille pour les droits de l’imaginaire des femme et la reconnaissance de leur apport dans la culture humaine », elle s’est attachée à redéfinir les liens entre littérature et politique, substituant une poésie du politique à la poésie politique. « Mes poèmes sont des scènes concentrées à l’extrême avec des traits qui échappent au compte-rendu. Pour l’essentiel, je prends des notes sur le vif. Je refuse d’illustrer des idées générales ou des considérations. Cela, je le réserve à mes interventions de citoyenne. Ma versification doit beaucoup aux comédiens. Quand je peux, je leurs soumets des textes achevés à 90 % et n’hésite pas à me servir de leur travail pour faire aboutir le mien. La ponctuation qui superpose au système prosodique fait de coupes, d’assonances, de chutes rappelant la pointe du sonnet..., tente de fixer les couleurs de leurs interprétations. Trop souvent rangée aux côtés de Follain, j’ai éprouvé le besoin de préciser mes rapports à sa poétique qui ne m’a pas influencée. D’abord lectrice du Rilke des Cahiers de Malte Laurids Brigge, de Virginia Woolf, de Bretch, j’ai découvert ses livres sur le tard. Ce fut un choc, mais mon monde et mon écriture sont dans une autre dimension. Ce qui ne signifie pas à des kilomètres. Exister est un des livres que j’ai le plus relu. Advenir, qui comporte comme lui 80 poèmes et dont j’ai choisi le titre en reflet, revendique ce recueil pour mieux s’en démarquer ». Les 3 titres publiés dans Les colosses de Memnon comportent un disque enregistré en public. Viviane Ledéra en a dirigé la mise en voix et y tient une place. « J’ai une partition bien spécifique. Je respecte les coupes et leurs silences. Autour de moi, au contraire, les comédiens interprètent librement. Si la coupe fonde le vers, elle contribue à le rendre incompréhensible et génère l’ennui chez le spectateur. Sur scène, le poème écrit pour la page doit mourir pour renaître dans l’écoute. La lecture d’un poème est aussi impossible que sa traduction. Mon système accepte de perdre certaines choses pour en gagner d’autres. Cela ne me gêne pas dans la mesure où les livres, eux, sont là. »
Par ailleurs, auteure de cinq publications chez Belfond, chez Maurice Nadeau et aux éditions des Femmes, Viviane Ledéra a publié un roman chez Grasset. Son oeuvre théâtrale, à l’origine de nombre de ses voyages, est éditée aux éditions Act Mem.
UN COIN DU VOILE
1982
EURYDICE
Moi à ses pieds, mordue par une vipère,
qui agonise pendant qu’il poursuit
son numéro de séducteur,
voilà une image peu répandue.
Ce que tous, de bonne ou mauvaise foi,
accréditent, c’est l’épilogue. La tromperie.
Orphée, trop craintif, jamais ne s’est retourné.
J’ai délibérément choisi l’Hadès.
Finir au gynécée m’était insupportable.
PENELOPE
Aujourd’hui le révélation est possible :
chaque nuit une fille détissait mon ouvrage
pendant que je rejoignais un amant.
Le plus dur fut de poursuivre ma liaison
et d’honorer la mémoire
des servantes massacrées par Ulysse.
Les prétendants m’ont bien servie,
leurs gros désirs confortant mes mensonges.
ICARE
Sous les structures métalliques de la verrière
qui soutiennent, aggravé par la neige,
un poids considérable,
les voyageurs luttent contre l’hiver.
Le visage emmitouflé, ils ignorent en bout de quai
la violoniste aux mains nues qui joue Paganini.
Tant de virtuosité devrait pourtant leur fournir un indice.
Encore faudrait-il qu’ils aient vu le tableau de Bruegel
et soient capables de le transposer.
SAINT CHRISTOPHE
Les silhouettes sur la berge
suppliant de les faire traverser,
tant qu’elle se ressemble
elle les charge sur son dos
même si le danger existe
qu’au milieu du courant
l’être agrippé à ses épaules
prenne son visage de petite fille
et rende inévitable la noyade.
PIERRE DU PONTEL
ATLANTIDES
Né en 1932, ce médecin, traducteur des poètes latins, vit dans la région de Tours. A part son essai sur Segalen (Fata Morgana, 1984), il a publié d’une manière très confidentielle durant des années, se contentant de faire imprimer et relier à ses frais 25 exemplaires de chacune de ses oeuvres soigneusement illustrés. C’est François Boddaert, alerté par un de ses amis plasticiens, qui lui a proposé pour la première fois de regrouper ses tirages de luxe en un volume unique. Pierre du Pontel, plus prolixe sur ses sympathies politiques que sur son oeuvre, aime citer Claudel et son verset respiratoire. Pour entrer dans sa poétique, on doit avant tout prendre la mesure du rôle déterminant des majuscules agrammaticales, et les replacer dans un système rythmique qui inclut les décalages par rapport à la marge et la frappe initiale, le dédoublement des voix, le coudage des vers..., et admettre que la ponctuation des typographes et des professeurs est impropre à rendre des phénomènes de l’ordre de l’onde de choc, « On ne doit pas avoir à attendre la fin d’un énoncé pour savoir s’il est exclamatif » . Une ouverture figurait dans la lettre qu’il m’a envoyée lorsque je l’ai sollicité. Qu’il l’ait écartée par la suite ne m’empêche pas de la citer.
Il faut imaginer des fouilles dont seraient extraits des sons et des présences
comme ailleurs des mosaïques...
Il faut imaginer que toutes les vibrations qui touchèrent
une pierre seront un jour restituables...
Il faut imaginer...
Paru en 2009, Atlantides est aujourd'hui le dernier titre de la collection. Il comporte 7 chants. Dans ce choix, seul le second (III) figure dans sa version intégrale.
I
POUVOIR SUPREME
Plus dévorante que la jalousie Fugace que l’espoir 1
Subtile que le désir
La Gloire
La gloire et mes cris déraillent La raison se tient sur
le fil d’un rasoir
Toutes chutes suivies
D’un sanglot
L’exaltation va Du levant au couchant via les monts
plaines crêtes lacs
Péninsules fleuves pinèdes
Mines et plateaux
Jours comme nuits au passage irrigués
Ceux 2
Qui refusent d’appliquer ma loi De poursuivre les
vaincus De finir la besogne
La sinistre besogne
Ceux
Qui refusent malgré l’exemple de ceux qui Refusant
d’abattre l’ennemi ont connu le garrot
Ceux-là sont condamnés
Mais ils préfèrent
Un lendemain où n’être qu’une bave Une bave de li-
mace A la simple idée
L’idée simple
D’achever son prochain
Pourquoi m’ayant choisi M’ayant chéri M’abandonner 3
si loin de la rive
Pourquoi Vous détourner Avant terme au beau mi-
lieu du courant
J’étais un déterreur de fourmis Un chanteur à langue
sèche Alors pourquoi
Me laisser partir A faciès de tortue Paumes tournées
vers l’étoile polaire
Soudaine certitude Les pierres les plantes les êtres 4
Se chargent
De recoupements
De coïncidences à venir
Une puissance latente m’envahit Je vis pleinement
l’état réceptif
Ni soucis de palais
Ni questions dynastiques
Jusqu’à l’obligation de régner Nul
N’affectera Ma
Suprématie paisible
COURTISANS EBLOUIS
Pour apprécier un Royaume Composite il faut 1
imaginer La frénésie
De l’Intuitif qui Une fois déchirés les races les
paysages Les rapprocha
Un après-midi de bûchers un crépuscule d’orage
Voire en pleine bataille
Puis convaincu des échanges et de l’unité possi-
bles Les fixa
Tels profils rappelant telles lignes de crête Tels
nuages reflétant une diaspora
Telles gerçures prolongeant telles fissures Telle
éclaboussure entraînant
- Le choix de la capitale
- La promulgation de lois scélérates
- L’invention de liturgies grotesques
- L’instauration d’un protocole insupportable
Coiffé de la Haute et Basse Couronne jusqu’où le 2
Nouveau Dieu
A-t-il connu Le vague informel la fièvre croissante
Le plaisir organique
De fédérer au fur et à mesure Quitte à refondre
l’oeuvre initiale
Dans une dynastie entièrement pensée
A quel point eut-il conscience Des cycles à naître 3
du quartz et du cristal
- Que t’importe
Et des mythes qu’engendreraient les poulpes et les
minerais
- Que t’importe
Et comment il accepta ou pas le sceau du Présomptif
sur son oeuvre
- Que m’importe
On suit Consistoire cloître frise bois de mélèze Le 4
Chemin des Honneurs
On marche Lapis-lazuli chapiteau flamboyant Dans
les pas du roi déchu
Réduit à peu un guide bredouillant Il livre ses clés
Il ouvre ses coffres
Il fait l’inventaire de ses femmes Mais le sens de la
visite conduit au supplice
Dès lors chacun s’établit sous les voûtes surcroi-
sées d’ogives
Et savoure l’or des chapiteaux les échos des magni-
ficats Partout
La lumière des vitraux chante des louanges qui fe-
ront date
Au final Les croyants partis l’orgue soutient seul 5
Les arcs-boutants
Les hirondelles décrivent des cercles au-dessus des
groupes qui s’éloignent
- Convertis prosélytes Futurs hymneux
Tandis qu’au pied des platanes Rejoints par les mar-
chands et les banquiers
- Nous buvons le vin frais du pays
JUGES
Que dit le Conquérant Peu Il suggère A nous d’imagi-
ner La promulgation
Vit-il entouré de femmes de pâtisseries Ou sous les pier-
res Ou parmi les corbeaux
Nul ne sait Il dissimule Ses voeux sous la grêle Il attire
l’attention par des lapsus
Que l’on caricature son visage Ou raille ses titres Ou
brûle ses mannequins
Est de ses tours favoris Comme laisser maudire son
nom Histoire
Que chacun sursaute Une fois au moins en plein rêve
et se déclare coupable
MANDARINS
Notre nom est absent du Mérite Celui qui existe par
notre labeur Aime l’effacement
Au bout du compte il répugnerait à punir Mais com-
ment l’ignorer
Notre mention l’irrite Sa bienveillance est propor-
tionnelle au retrait
Il aime les tribunes vides Les médailles épinglées
sur du rien Le désert
Celui Ah qui règne nous préfère Au fond Au loin
Et nous lui avons juré allégeance
INTENDANT
Comme s’ils avaient barre sur moi parce qu’ils payent 1
leurs redevances Ou pas
Comme s’ils avaient barre sur moi parce que sont accré-
ditées leurs faiblesses
Ils font irruption et m’accaparent Me réclament un dû
illusoire Me repoussent de l’injure
Le poing sur la table
Tous revendiquent le déni La loi ils n’en veulent plus 2
et me pressent de trahir
Parce que je suis l’homme de cette loi Parce que j’inter-
cède ils avancent le front haut
Et pénètrent les bras en l’air Et protestent jusqu’en mon
sommeil Comme
S’ils avaient barre sur moi
Autoportrait au soleil couchant, éditions Obsidiane 2010
Autoportrait au soleil couchant se présente comme une anthologie qu’un éditeur proposerait aux lecteurs pour fêter l’anniversaire de sa collection de poésie. Cette anthologie comporte une préface du directeur de collection, et un choix de trois poètes très différents les uns des autres, n’ayant en commun que la conviction que le poème est l’écriture qui a le plus à voir avec le silence. Ce livre, qui regroupe des hétéronymes, tente de répondre à deux questions : comment inventer une autre structure au livre de poèmes et, après la « mort » de l’auteur des années structuralistes et les renaissances diverses des deux dernières décennies, que dire d’un poète ?
UN QUATUOR
par Christian Lachaud
A condition de savoir mourir avant que les compromis, la lassitude, voire l’épuisement des hypothèses n’en ruinent les lignes de force, les collections sont une des conditions de l’activité poétique d’une époque. Elles font autant les poètes que les poètes les font. Tant qu’un souffle les anime, elles constituent des champs où s’engouffrer, elles font rêver, elles donnent une légitimité. Leur existence combat autant la reproduction stérile du connu que les gesticulations de l’originalité à tout prix.
Lorsque Antoine Journoy m’a proposé de fêter le vingtième anniversaire des Colosses de Memnon, j'ai immédiatement pensé constituer une anthologie des poètes qui y étaient publiés. Après avoir affecté 4 pages à chacun d'eux, je les ai classés par ordre alphabétique. Peu convaincu du résultat à la relecture, j'ai recommencé ma sélection, cette fois en suivant l'ordre du catalogue. Je n'ai guère été plus satisfait. Mon anthologie reconduisait les défauts du genre. Elle occultait, par exemple, que le poème est indissociable de son silence, et niait l'importance de l'organisation interne des livres.
Quitte à froisser quelques susceptibilités, j'ai de nouveau changé de parti pris. J'ai opté pour un prélèvement significatif dans un nombre très restreint de titres afin de rendre perceptible ce qui est pour moi au cœur de la collection. Cela décidé, il me restait à déterminer ce fameux nombre et à concevoir la mise en rapport. C'est Guy Châtelain qui, au hasard d'une discussions sur les mérites comparés des différents ensembles musicaux, m'a fourni la solution. Pendant qu'il m'expliquait pourquoi le quatuor était la "formation majeure de la musique de chambre", l'idée m'est venue de rassembler trois voix dissemblables mais réunies par leurs vibrations autour de la basse continue de mon attente.
Les colosses de Memnon est une référence qui fait sens avec ma recherche d’un lyrisme critiqué, susceptible de dépasser les objections de l'ancienne avant-garde comme les diktats d’un post-modernisme voué à la technique et au spectacle. Répondant par un autre mythe au vieil Orphée, elle combat sa double dimension idéaliste et patriarcale. La fable des statues qui, aux portes de la ville, saluent chaque matin l’arrivée de l’aurore correspond bien à mon goût pour les poèmes riches de ce souffle qui fait que le poème libre - On me pardonnera ce détournement de la phrase de Jean Tortel - est libre de tout sauf de ne pas être un poème…
GUY CHÂTELAIN
POEMES TREMBLES (avec effets de complaisance)
Né en 1983, Guy Châtelain est professeur de philosophie à Nancy. Cet amateur de chant grégorien a commencé par s’intéresser aux écritures extrêmes (Jacques Dupin, Claude Royer-Journoud...) avant de s’interroger sur les conditions d’une reprise « du plein et des déliés ». Né dans un milieu catholique, à une époque où la renégociation des places des hommes et des femmes faisait exploser les cadres de la famille, à jamais affecté par le divorce de ses parents, Guy Châtelain a cherché « à rendre de nouveau possible la plainte », en amplifiant certains de ses caractères de façon « à dévier le cours du pathos». Pour cela, il en est revenu aux Romances sans paroles de Verlaine, au « Garde ma récolte secrète » d’Odilon-Jean Périer, au « Si je meurs » de Jacques Audiberti, aux déclinaisons des Chansons reverdies de Max Elskamp, mais également aux « formats des images pieuses » des missels. Contrairement à ce que pourraient indiquer ses goûts musicaux et sa forme privilégiée, les distiques, il réfute l’idée d’une mise en voix. Il considère qu’il n’existe aucune transcription des nuances et des intervalles rendus possibles par la lecture muette, et que son vers, « alliage de mots au bord de la prononciation et de silence mental », est obligatoirement gâché par la matérialité des sons et des corps. « La tonalité que je recherche n’appartient pas à l’existence sociale. Elle ne peut être rendue par l’humour, l’ironie ou l’infecte parodie. »
Poèmes tremblés (avec effets de complaisance) - dont sont extraits 5 des 11 ensembles - est paru en 2O03, après quatre titres publiés chez Champ Vallon et au Mercure de France, une collaboration régulières à la revue Le Nouveau Recueil et des articles épisodiques au Monde de la Musique.
DISTIQUES
DU
POINT DU JOUR
Sous le voile couvrant
Nos anciennes dispositions
Tu es ce membre dans un brouillard
Automnal de nerfs trompés
Tes plaques de rues
Me vieillissent avant l’âge
Des pierres dans la mémoire
Sont des crotales
Dors ma ville, dors
Sous tes scellés dors de plomb
C’est à l’intérieur de soi
Désormais que marcher
Marcher d’incapable phrase
De faire dix pas
Sans interroger
Son allure dans les vitrines
J’habite un lendemain de fête
Qui n’a jamais eu lieu
Une rue de confettis mouillés
Une traînée de meuble sur le rire
°°°
Il aurait fallu revenir lentement
Ignorer la saison
Apparaître comme par miracle
Ne pas soulever d’angoisse
Se tenir avec des allures de
Ne jamais savoir entrer
Ne jamais se souvenir
Il aurait fallu mais tu vois
Quelque chose d’hier
Soulève la tête et montre les dents
Il aurait fallu ouvrir simplement
Détourner l’attention
Remettre comme au hasard
Les enveloppes dans le tiroir
Se tenir avec des allures de
Ne jamais pouvoir trier
Ne jamais se relire
Il aurait fallu mais déjà
Des fêlures anciennes
Se rassemblent et flairent notre sang
Il aurait fallu repartir dignement
Dépasser l’horizon
Disparaître comme un mirage
Ne pas laisser de traces
Retenir ses larmes avec des allures de
Ne jamais avoir aimé
Ne jamais se départir
Il aurait fallu mais voilà
Un pressentiment vieux
Déplie ses ailes et nous suit dans le vent
ENVOI
Ah oui aussi
Des sentiments terribles
Qu’ils nous appartiennent
Et la mémoire réserve africaine
Où les bêtes mal soignées
Perdent leurs traits de parents
VIVIANE LEDERA
POUR UN SOLEIL FEMININ
Née en 1948, Viviane Ledéra fut longtemps assistante sociale dans la région lyonnaise. Dès Un coin du voile, son premier livre, « partie prenante dans la bataille pour les droits de l’imaginaire des femme et la reconnaissance de leur apport dans la culture humaine », elle s’est attachée à redéfinir les liens entre littérature et politique, substituant une poésie du politique à la poésie politique. « Mes poèmes sont des scènes concentrées à l’extrême avec des traits qui échappent au compte-rendu. Pour l’essentiel, je prends des notes sur le vif. Je refuse d’illustrer des idées générales ou des considérations. Cela, je le réserve à mes interventions de citoyenne. Ma versification doit beaucoup aux comédiens. Quand je peux, je leurs soumets des textes achevés à 90 % et n’hésite pas à me servir de leur travail pour faire aboutir le mien. La ponctuation qui superpose au système prosodique fait de coupes, d’assonances, de chutes rappelant la pointe du sonnet..., tente de fixer les couleurs de leurs interprétations. Trop souvent rangée aux côtés de Follain, j’ai éprouvé le besoin de préciser mes rapports à sa poétique qui ne m’a pas influencée. D’abord lectrice du Rilke des Cahiers de Malte Laurids Brigge, de Virginia Woolf, de Bretch, j’ai découvert ses livres sur le tard. Ce fut un choc, mais mon monde et mon écriture sont dans une autre dimension. Ce qui ne signifie pas à des kilomètres. Exister est un des livres que j’ai le plus relu. Advenir, qui comporte comme lui 80 poèmes et dont j’ai choisi le titre en reflet, revendique ce recueil pour mieux s’en démarquer ». Les 3 titres publiés dans Les colosses de Memnon comportent un disque enregistré en public. Viviane Ledéra en a dirigé la mise en voix et y tient une place. « J’ai une partition bien spécifique. Je respecte les coupes et leurs silences. Autour de moi, au contraire, les comédiens interprètent librement. Si la coupe fonde le vers, elle contribue à le rendre incompréhensible et génère l’ennui chez le spectateur. Sur scène, le poème écrit pour la page doit mourir pour renaître dans l’écoute. La lecture d’un poème est aussi impossible que sa traduction. Mon système accepte de perdre certaines choses pour en gagner d’autres. Cela ne me gêne pas dans la mesure où les livres, eux, sont là. »
Par ailleurs, auteure de cinq publications chez Belfond, chez Maurice Nadeau et aux éditions des Femmes, Viviane Ledéra a publié un roman chez Grasset. Son oeuvre théâtrale, à l’origine de nombre de ses voyages, est éditée aux éditions Act Mem.
UN COIN DU VOILE
1982
EURYDICE
Moi à ses pieds, mordue par une vipère,
qui agonise pendant qu’il poursuit
son numéro de séducteur,
voilà une image peu répandue.
Ce que tous, de bonne ou mauvaise foi,
accréditent, c’est l’épilogue. La tromperie.
Orphée, trop craintif, jamais ne s’est retourné.
J’ai délibérément choisi l’Hadès.
Finir au gynécée m’était insupportable.
PENELOPE
Aujourd’hui le révélation est possible :
chaque nuit une fille détissait mon ouvrage
pendant que je rejoignais un amant.
Le plus dur fut de poursuivre ma liaison
et d’honorer la mémoire
des servantes massacrées par Ulysse.
Les prétendants m’ont bien servie,
leurs gros désirs confortant mes mensonges.
ICARE
Sous les structures métalliques de la verrière
qui soutiennent, aggravé par la neige,
un poids considérable,
les voyageurs luttent contre l’hiver.
Le visage emmitouflé, ils ignorent en bout de quai
la violoniste aux mains nues qui joue Paganini.
Tant de virtuosité devrait pourtant leur fournir un indice.
Encore faudrait-il qu’ils aient vu le tableau de Bruegel
et soient capables de le transposer.
SAINT CHRISTOPHE
Les silhouettes sur la berge
suppliant de les faire traverser,
tant qu’elle se ressemble
elle les charge sur son dos
même si le danger existe
qu’au milieu du courant
l’être agrippé à ses épaules
prenne son visage de petite fille
et rende inévitable la noyade.
PIERRE DU PONTEL
ATLANTIDES
Né en 1932, ce médecin, traducteur des poètes latins, vit dans la région de Tours. A part son essai sur Segalen (Fata Morgana, 1984), il a publié d’une manière très confidentielle durant des années, se contentant de faire imprimer et relier à ses frais 25 exemplaires de chacune de ses oeuvres soigneusement illustrés. C’est François Boddaert, alerté par un de ses amis plasticiens, qui lui a proposé pour la première fois de regrouper ses tirages de luxe en un volume unique. Pierre du Pontel, plus prolixe sur ses sympathies politiques que sur son oeuvre, aime citer Claudel et son verset respiratoire. Pour entrer dans sa poétique, on doit avant tout prendre la mesure du rôle déterminant des majuscules agrammaticales, et les replacer dans un système rythmique qui inclut les décalages par rapport à la marge et la frappe initiale, le dédoublement des voix, le coudage des vers..., et admettre que la ponctuation des typographes et des professeurs est impropre à rendre des phénomènes de l’ordre de l’onde de choc, « On ne doit pas avoir à attendre la fin d’un énoncé pour savoir s’il est exclamatif » . Une ouverture figurait dans la lettre qu’il m’a envoyée lorsque je l’ai sollicité. Qu’il l’ait écartée par la suite ne m’empêche pas de la citer.
Il faut imaginer des fouilles dont seraient extraits des sons et des présences
comme ailleurs des mosaïques...
Il faut imaginer que toutes les vibrations qui touchèrent
une pierre seront un jour restituables...
Il faut imaginer...
Paru en 2009, Atlantides est aujourd'hui le dernier titre de la collection. Il comporte 7 chants. Dans ce choix, seul le second (III) figure dans sa version intégrale.
I
POUVOIR SUPREME
Plus dévorante que la jalousie Fugace que l’espoir 1
Subtile que le désir
La Gloire
La gloire et mes cris déraillent La raison se tient sur
le fil d’un rasoir
Toutes chutes suivies
D’un sanglot
L’exaltation va Du levant au couchant via les monts
plaines crêtes lacs
Péninsules fleuves pinèdes
Mines et plateaux
Jours comme nuits au passage irrigués
Ceux 2
Qui refusent d’appliquer ma loi De poursuivre les
vaincus De finir la besogne
La sinistre besogne
Ceux
Qui refusent malgré l’exemple de ceux qui Refusant
d’abattre l’ennemi ont connu le garrot
Ceux-là sont condamnés
Mais ils préfèrent
Un lendemain où n’être qu’une bave Une bave de li-
mace A la simple idée
L’idée simple
D’achever son prochain
Pourquoi m’ayant choisi M’ayant chéri M’abandonner 3
si loin de la rive
Pourquoi Vous détourner Avant terme au beau mi-
lieu du courant
J’étais un déterreur de fourmis Un chanteur à langue
sèche Alors pourquoi
Me laisser partir A faciès de tortue Paumes tournées
vers l’étoile polaire
Soudaine certitude Les pierres les plantes les êtres 4
Se chargent
De recoupements
De coïncidences à venir
Une puissance latente m’envahit Je vis pleinement
l’état réceptif
Ni soucis de palais
Ni questions dynastiques
Jusqu’à l’obligation de régner Nul
N’affectera Ma
Suprématie paisible
COURTISANS EBLOUIS
Pour apprécier un Royaume Composite il faut 1
imaginer La frénésie
De l’Intuitif qui Une fois déchirés les races les
paysages Les rapprocha
Un après-midi de bûchers un crépuscule d’orage
Voire en pleine bataille
Puis convaincu des échanges et de l’unité possi-
bles Les fixa
Tels profils rappelant telles lignes de crête Tels
nuages reflétant une diaspora
Telles gerçures prolongeant telles fissures Telle
éclaboussure entraînant
- Le choix de la capitale
- La promulgation de lois scélérates
- L’invention de liturgies grotesques
- L’instauration d’un protocole insupportable
Coiffé de la Haute et Basse Couronne jusqu’où le 2
Nouveau Dieu
A-t-il connu Le vague informel la fièvre croissante
Le plaisir organique
De fédérer au fur et à mesure Quitte à refondre
l’oeuvre initiale
Dans une dynastie entièrement pensée
A quel point eut-il conscience Des cycles à naître 3
du quartz et du cristal
- Que t’importe
Et des mythes qu’engendreraient les poulpes et les
minerais
- Que t’importe
Et comment il accepta ou pas le sceau du Présomptif
sur son oeuvre
- Que m’importe
On suit Consistoire cloître frise bois de mélèze Le 4
Chemin des Honneurs
On marche Lapis-lazuli chapiteau flamboyant Dans
les pas du roi déchu
Réduit à peu un guide bredouillant Il livre ses clés
Il ouvre ses coffres
Il fait l’inventaire de ses femmes Mais le sens de la
visite conduit au supplice
Dès lors chacun s’établit sous les voûtes surcroi-
sées d’ogives
Et savoure l’or des chapiteaux les échos des magni-
ficats Partout
La lumière des vitraux chante des louanges qui fe-
ront date
Au final Les croyants partis l’orgue soutient seul 5
Les arcs-boutants
Les hirondelles décrivent des cercles au-dessus des
groupes qui s’éloignent
- Convertis prosélytes Futurs hymneux
Tandis qu’au pied des platanes Rejoints par les mar-
chands et les banquiers
- Nous buvons le vin frais du pays
JUGES
Que dit le Conquérant Peu Il suggère A nous d’imagi-
ner La promulgation
Vit-il entouré de femmes de pâtisseries Ou sous les pier-
res Ou parmi les corbeaux
Nul ne sait Il dissimule Ses voeux sous la grêle Il attire
l’attention par des lapsus
Que l’on caricature son visage Ou raille ses titres Ou
brûle ses mannequins
Est de ses tours favoris Comme laisser maudire son
nom Histoire
Que chacun sursaute Une fois au moins en plein rêve
et se déclare coupable
MANDARINS
Notre nom est absent du Mérite Celui qui existe par
notre labeur Aime l’effacement
Au bout du compte il répugnerait à punir Mais com-
ment l’ignorer
Notre mention l’irrite Sa bienveillance est propor-
tionnelle au retrait
Il aime les tribunes vides Les médailles épinglées
sur du rien Le désert
Celui Ah qui règne nous préfère Au fond Au loin
Et nous lui avons juré allégeance
INTENDANT
Comme s’ils avaient barre sur moi parce qu’ils payent 1
leurs redevances Ou pas
Comme s’ils avaient barre sur moi parce que sont accré-
ditées leurs faiblesses
Ils font irruption et m’accaparent Me réclament un dû
illusoire Me repoussent de l’injure
Le poing sur la table
Tous revendiquent le déni La loi ils n’en veulent plus 2
et me pressent de trahir
Parce que je suis l’homme de cette loi Parce que j’inter-
cède ils avancent le front haut
Et pénètrent les bras en l’air Et protestent jusqu’en mon
sommeil Comme
S’ils avaient barre sur moi