BIOBIBLIOGRAPHIE
JACQUES FOURNIER
Né en 1959
Directeur de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines depuis février 2002
Instituteur de 1983 à 2002
A publié
Marche le monde, suivi de Petite suite pour un grand méchant loup, éd. Corps Puce, Amiens, 2007
Le Gant, ill. V. Rougier, éd. V. Rougier – Ficelle, Soligny-le-Trappe, 2006
Poèmes pris au vol, ill. Catherine Comeyras, éd. Pluie d’Etoiles, Toulon, juillet 2001
Les Dits de la Pierre et du Sculpteur, éd. Traces, Nantes, 1992; éd. l’épi de seigle, rééd. 2000
Arbrures, éd. l'épi de seigle, 1994, rééd. 1996 et 2000, sélectionné par le Ministère de l’Education Nationale, imprimé en braille et enregistré sur CD par le CRDP Nord-Pas-de-Calais, 2002
En anthologies (sélection)
Lumière/Lumière(s), éd. Donner à Voir, Le Mans, 1996
Les Fins de Mois sont Poétiques, éd. Bibliothèque Municipale, Mouans-Sartoux, 1997
Mille Poètes, Mille Poèmes Brefs, éd. L'Arbre à Paroles, Amay, Belgique, 1998
Le Promenoir Vert, CD Rom de poésie contemporaine, CRDP Poitou-Charentes, 1999
Enfance, Enfance(s), éd. Donner à Voir, Le Mans, 2003
Carré comme une roue de vélo, une anthologie cycliste et poétique, éd. l’épi de seigle, 2006
Poésies d’expression française, éd. Seghers, Paris, 2008
Calendrier de la poésie francophone, éd. Alhambra, Bruxelles, 2008
A réalisé et coréalisé les anthologies poétiques
De l'arbre,1991, épuisé
Le Chemin des Étoiles, éd. Musique et Culture 68, Colmar, 1993, épuisé
Drôles de Poèmes et Poèmes Drôles / Gedichte zum Lachen voll komischer Sachen, en collaboration avec Rüdiger Fischer, 1995
Poèmes pour s'éclairer à la Luciole, 14 poètes de la Charte,l'épi de seigle, 1998, réédité en 2002, imprimé en braille et enregistré sur CD par le CRDP Nord-Pas-de-Calais, 2002
Vivre quand même parce que c’est comme ça, choix de poèmes de Roland Nadaus, éd. L’Idée Bleue, Chaillé-sous-les-Ormeaux, 2004
Naissance/s/, une anthologie poétique franco-africaine, éd. l’épi de seigle, Beaumont-en-Auge, 2006 (avec Dan Bouchery)
Carré comme une roue de vélo, une anthologie cycliste et poétique, éd. l’épi de seigle, Beaumont-en-Auge, 2006 (avec Dan Bouchery)
A publié textes poétiques et articles dans les revues Fond(s) de Tiroir, Cahiers Froissart, Traces, Poésia (Bucarest), Parterre Verbal, Revue Alsacienne de Littérature, Gros Textes, Décharge,...
A publié dossiers, articles, poèmes, contes et fiches pédagogiques dans la revue pédagogique Education Enfantine (éd. Nathan)
A publié des articles dans les revues
Inter BCD, éd. Cédis
Parterre Verbal : n° spécial l'Enfant et la Poésie
Le Journal des Instituteurs, éd. Nathan
Conférences (sélection) :
Le paysage dans la Poésie Jeunesse contemporaine, Institut International Charles Perrault-Eaubonne (Val d’Oise), mars 1999
L’Atelier d’Ecriture Poétique, Association d’Art Thérapie Puzzle Tourcoing (Nord), juin 1999
L’édition poétique jeunesse en 1999 : un état des lieux, Institut International Charles Perrault-Eaubonne (Val d’Oise), février 2000
Un panorama de la poésie jeunesse, Salon du Livre de Sallanches, Haute Savoie, novembre 2000
Fondateur (en 1994) et coresponsable avec Dan Bouchery des éditions l’épi de seigle
Cofondateur et coresponsable avec Dan Bouchery de la revue Plus con tu meurs (2008)
Directeur de la rédaction de la revue semestrielle Ici & Là - Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines- (2004)
DAN BOUCHERY
Née à Lille (Nord) au siècle dernier, installée depuis 2006 dans le Pays d’Auge (Calvados), Dan Bouchery est peintre et poète. Ses dessins et peintures ont paru aux éditions l’épi de seigle, Gros Textes, Festival de Durcet, Donner à Voir et dans la revue Rétro Viseur. Et sont exposés dans son atelier de Beaumont-en-Auge.
L’exposition Sont-elles bêtes ? rassemble photographies de bois flottés et de pierres et textes.
Elle est collaboratrice de la revue Ici&Là, Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Elle a été en résidence de poète au Parc Guy Weber, St Aubin le Cauf (76), Printemps des Poètes, mars 2007. Elle intervient régulièrement dans les classes et les bibliothèques.
Elle est coresponsable des éditions l’épi de seigle et de la revue Plus con tu meurs.
Depuis 2005, les éditions l’épi de seigle organisent des lectures-rencontres à l’Espace culturel Les Dominicaines de Pont-L’Evêque, en lien avec les œuvres exposées.
Elle a publié dans la revue Froissart (Valenciennes), et collaboré à Education enfantine (Nathan, Paris) et Délirium Le Journal (Lille).
Sa contribution Sensibilisation poétique et artistique de l’enfant à travers une expérience d’éditrice de poésie contemporaine, d’auteure et d’illustratrice jeunesse, vient de paraître dans Vitam Impedere Pulchro, actes du colloque Percorsi di Educazione estetica, Université de Rome 3, éd. Anicia, 2007, Rome (Italie), http://www.anicia.it
Elle a publié dans les anthologies :
J’appelle un mot, éd. Unimuse, Tournai, Belgique, 2003
Enfance / Enfances, éd Donner à Voir, Le Mans, 2003
Visage / Visages, éd. Donner à Voir, Le Mans, 2004
Ailleurs, Festival de Durcet, Orne, 2005
L’Alphabet des poètes, éd Rue du Monde, 2005
Agape / Agapes, éd Donner à Voir, Le Mans, 2006.
Carré comme une roue de vélo, coédition l’épi de seigle-Touch d’Auge, 2006
Méditerranée, d’une terre l’autre, éd l’Amandier, 2007
Je suis un enfant de partout, éd Rue du Monde 2008
La poésie est dans la rue, éd Le temps des Cerises, 2008
Facettes, CE1 cycle 2, éd Hatier 2008
Poésies de langue française, éd Seghers 2008
Poésie gratte-monde, éd Maison de poésie Rhône-Alpes, 2008
Sculpture sur prose, La Traductière, N° 26
et les recueils :
L’Amour Bourre-Joie, Moue de Veau n°1074, 1998, éditions S.U.E.L., Isbergues (Pas-de-Calais
Chatouilles, éd l’épi de seigle, Lille 2001
L’Alphabet en cortège, poèmes et illustrations, l’épi de seigle, Lille, 2003
Syntonies, éd l’épi de seigle N°1 2005,
C’est ça la ville, Corps Puce, Amiens, 2007
Syntonies 2, éd l’épi de seigle 2008
À paraître :
Les Éphémères, Soc et Foc 2009
En piste le poète, La Renarde rouge 2009
Sillons, sillages, anthologie, éd Soc et Foc, 2009
Anthologie des poètes normands, 2009
L’histoire de ma grand-mère, Gros-Textes, 2009
s[
Né en 1959
Directeur de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines depuis février 2002
Instituteur de 1983 à 2002
A publié
Marche le monde, suivi de Petite suite pour un grand méchant loup, éd. Corps Puce, Amiens, 2007
Le Gant, ill. V. Rougier, éd. V. Rougier – Ficelle, Soligny-le-Trappe, 2006
Poèmes pris au vol, ill. Catherine Comeyras, éd. Pluie d’Etoiles, Toulon, juillet 2001
Les Dits de la Pierre et du Sculpteur, éd. Traces, Nantes, 1992; éd. l’épi de seigle, rééd. 2000
Arbrures, éd. l'épi de seigle, 1994, rééd. 1996 et 2000, sélectionné par le Ministère de l’Education Nationale, imprimé en braille et enregistré sur CD par le CRDP Nord-Pas-de-Calais, 2002
En anthologies (sélection)
Lumière/Lumière(s), éd. Donner à Voir, Le Mans, 1996
Les Fins de Mois sont Poétiques, éd. Bibliothèque Municipale, Mouans-Sartoux, 1997
Mille Poètes, Mille Poèmes Brefs, éd. L'Arbre à Paroles, Amay, Belgique, 1998
Le Promenoir Vert, CD Rom de poésie contemporaine, CRDP Poitou-Charentes, 1999
Enfance, Enfance(s), éd. Donner à Voir, Le Mans, 2003
Carré comme une roue de vélo, une anthologie cycliste et poétique, éd. l’épi de seigle, 2006
Poésies d’expression française, éd. Seghers, Paris, 2008
Calendrier de la poésie francophone, éd. Alhambra, Bruxelles, 2008
A réalisé et coréalisé les anthologies poétiques
De l'arbre,1991, épuisé
Le Chemin des Étoiles, éd. Musique et Culture 68, Colmar, 1993, épuisé
Drôles de Poèmes et Poèmes Drôles / Gedichte zum Lachen voll komischer Sachen, en collaboration avec Rüdiger Fischer, 1995
Poèmes pour s'éclairer à la Luciole, 14 poètes de la Charte,l'épi de seigle, 1998, réédité en 2002, imprimé en braille et enregistré sur CD par le CRDP Nord-Pas-de-Calais, 2002
Vivre quand même parce que c’est comme ça, choix de poèmes de Roland Nadaus, éd. L’Idée Bleue, Chaillé-sous-les-Ormeaux, 2004
Naissance/s/, une anthologie poétique franco-africaine, éd. l’épi de seigle, Beaumont-en-Auge, 2006 (avec Dan Bouchery)
Carré comme une roue de vélo, une anthologie cycliste et poétique, éd. l’épi de seigle, Beaumont-en-Auge, 2006 (avec Dan Bouchery)
A publié textes poétiques et articles dans les revues Fond(s) de Tiroir, Cahiers Froissart, Traces, Poésia (Bucarest), Parterre Verbal, Revue Alsacienne de Littérature, Gros Textes, Décharge,...
A publié dossiers, articles, poèmes, contes et fiches pédagogiques dans la revue pédagogique Education Enfantine (éd. Nathan)
A publié des articles dans les revues
Inter BCD, éd. Cédis
Parterre Verbal : n° spécial l'Enfant et la Poésie
Le Journal des Instituteurs, éd. Nathan
Conférences (sélection) :
Le paysage dans la Poésie Jeunesse contemporaine, Institut International Charles Perrault-Eaubonne (Val d’Oise), mars 1999
L’Atelier d’Ecriture Poétique, Association d’Art Thérapie Puzzle Tourcoing (Nord), juin 1999
L’édition poétique jeunesse en 1999 : un état des lieux, Institut International Charles Perrault-Eaubonne (Val d’Oise), février 2000
Un panorama de la poésie jeunesse, Salon du Livre de Sallanches, Haute Savoie, novembre 2000
Fondateur (en 1994) et coresponsable avec Dan Bouchery des éditions l’épi de seigle
Cofondateur et coresponsable avec Dan Bouchery de la revue Plus con tu meurs (2008)
Directeur de la rédaction de la revue semestrielle Ici & Là - Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines- (2004)
DAN BOUCHERY
Née à Lille (Nord) au siècle dernier, installée depuis 2006 dans le Pays d’Auge (Calvados), Dan Bouchery est peintre et poète. Ses dessins et peintures ont paru aux éditions l’épi de seigle, Gros Textes, Festival de Durcet, Donner à Voir et dans la revue Rétro Viseur. Et sont exposés dans son atelier de Beaumont-en-Auge.
L’exposition Sont-elles bêtes ? rassemble photographies de bois flottés et de pierres et textes.
Elle est collaboratrice de la revue Ici&Là, Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Elle a été en résidence de poète au Parc Guy Weber, St Aubin le Cauf (76), Printemps des Poètes, mars 2007. Elle intervient régulièrement dans les classes et les bibliothèques.
Elle est coresponsable des éditions l’épi de seigle et de la revue Plus con tu meurs.
Depuis 2005, les éditions l’épi de seigle organisent des lectures-rencontres à l’Espace culturel Les Dominicaines de Pont-L’Evêque, en lien avec les œuvres exposées.
Elle a publié dans la revue Froissart (Valenciennes), et collaboré à Education enfantine (Nathan, Paris) et Délirium Le Journal (Lille).
Sa contribution Sensibilisation poétique et artistique de l’enfant à travers une expérience d’éditrice de poésie contemporaine, d’auteure et d’illustratrice jeunesse, vient de paraître dans Vitam Impedere Pulchro, actes du colloque Percorsi di Educazione estetica, Université de Rome 3, éd. Anicia, 2007, Rome (Italie), http://www.anicia.it
Elle a publié dans les anthologies :
J’appelle un mot, éd. Unimuse, Tournai, Belgique, 2003
Enfance / Enfances, éd Donner à Voir, Le Mans, 2003
Visage / Visages, éd. Donner à Voir, Le Mans, 2004
Ailleurs, Festival de Durcet, Orne, 2005
L’Alphabet des poètes, éd Rue du Monde, 2005
Agape / Agapes, éd Donner à Voir, Le Mans, 2006.
Carré comme une roue de vélo, coédition l’épi de seigle-Touch d’Auge, 2006
Méditerranée, d’une terre l’autre, éd l’Amandier, 2007
Je suis un enfant de partout, éd Rue du Monde 2008
La poésie est dans la rue, éd Le temps des Cerises, 2008
Facettes, CE1 cycle 2, éd Hatier 2008
Poésies de langue française, éd Seghers 2008
Poésie gratte-monde, éd Maison de poésie Rhône-Alpes, 2008
Sculpture sur prose, La Traductière, N° 26
et les recueils :
L’Amour Bourre-Joie, Moue de Veau n°1074, 1998, éditions S.U.E.L., Isbergues (Pas-de-Calais
Chatouilles, éd l’épi de seigle, Lille 2001
L’Alphabet en cortège, poèmes et illustrations, l’épi de seigle, Lille, 2003
Syntonies, éd l’épi de seigle N°1 2005,
C’est ça la ville, Corps Puce, Amiens, 2007
Syntonies 2, éd l’épi de seigle 2008
À paraître :
Les Éphémères, Soc et Foc 2009
En piste le poète, La Renarde rouge 2009
Sillons, sillages, anthologie, éd Soc et Foc, 2009
Anthologie des poètes normands, 2009
L’histoire de ma grand-mère, Gros-Textes, 2009
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EXTRAITS
TEXTES JACQUES FOURNIER
je t’aime je t’aime à deux heures quand mes mains en collier jouent l’aube admirable de tes sens sur l’horizon fragile de ta gorge dénouée
je t’aime je t’aime à trois heures quand tu rejoins la ligne claire de mon sommeil glissant ton épiderme fugace entre les draps tendres de mon impatience
je t’aime je t’aime à six heures quand la lumière vertigineuse de ton ombre presse du bout des lèvres la faille de mon attente
je t’aime je t’aime à neuf heures quand la marée haute de nos songes rompt le pain de notre angle droit
je t’aime je t’aime à dix heures quand il ne me reste plus que la salive de mon sexe pour t’abreuver puits aux margelles de nuages effilochés
je t’aime je t’aime à minuit mains et poumons joints flèche immature en quête de vertige plantée vibrante dans l’aire libre de nos souffles
Jacques Fournier
À la cantonade
J’aime à m’asseoir dans le silence.
J’y croise parfois quelques amis bien intentionnés.
***
- Le temps est à la pluie, qu’en dites-vous ?
- Je n’en dis rien. Je n’y vois goutte.
***
Dans mon jardin, tous les ans, le cerisier donne des poires. Heureusement, elles sont rouges et parfois attachées par deux au même pédoncule. Ainsi mes invités n’y voient-ils que du feu quand je leur sers un clafoutis selon la recette de ma grand-mère.
***
J’ai perdu la tête. Depuis, je la cherche. Mais je n’ai plus que mes mains pour pouvoir la reconnaître et, souvent, je me trompe, prenant une tête égarée pour la mienne. Je ne désespère pas de la retrouver.
***
Les plus courtes sont les meilleures, me dites-vous. Voilà qui est fait.
***
La foule (1)
Quand, dans une foule, on dit « Pardon » à la cantonade, c’est bien pour que les personnes qui ont l’heur de vous entendre et qui se trouvent sur votre possible chemin s’écartent et vous laissent la place libre afin que vous puissiez progresser vers le point que vous vous êtes fixé.
Or, un jour que je traversais ainsi une foule, non seulement les gens s’écartaient bien obligeamment mais en plus, ils s’éloignaient jusqu’à disparaître complètement de ma vue.
Etait-ce parce qu’ils comprenaient Pars donc ! et non Pardon ?
***
La foule (2).
Un jour que je devais fendre une foule, je ne parvins jamais au but car je fus stoppé net par un projectile en pleine tête avant d’avoir pu abattre pour la quatrième fois ma hache.
***
C’est quand il est entré à cheval dans mon salon que j’en ai conclu que mon voisin était un peu cavalier.
***
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
J’écris peu. Cela m’arrive si souvent que les pages de mes carnets en sont pleines. J’en suis arrivé au point de me dire qu’il faudra un jour que je m’y mette vraiment, avant de n’avoir plus rien d’autre à dire.
***
Ce matin, le ciel était si bas que, dans la rue, tous les hommes marchaient à quatre pattes. Seuls les chiens firent montre d’une certaine satisfaction.
***
Toutes les feuilles des arbres étaient tombées, sauf une.
L’hiver jamais ne commença et l’on put profiter d’un long printemps précoce.
***
Une fois par an, je pars en voyage. J’emporte le strict minimum nécessaire à mon hygiène corporel dans un petit sac de toile que je jette négligemment sur mon l’épaule avec l’air désinvolte d’un à qui on ne la fait pas.
J’ai réservé de longue date (un an, pour tout vous dire) une chambre à l’Hôtel des Voyageurs, en face de chez moi. Le dépaysement est assuré.
Je m’installe dans le hall de l’hôtel toute la journée et j’écoute les clients qui ne se font pas prier quand je leur demande de me raconter leurs voyages, trop heureux qu’ils sont de pouvoir partager avec mon oreille attentive les aléas de leurs périples, pourtant parfois banals mais toujours passionnants à mon sens. Et, le soir venu, je remonte dans ma chambre, la tête pleine de ces rêves d’autrui.
Je sais m’arrêter avant que l’illusion que crée le nom de l’hôtel ne se dissipe complètement. Ainsi je garde les miennes intactes d’avoir su me dépayser d’une façon si peu onéreuse.
***
La pelouse de mon jardin pousse à vitesse grand V. Les chats du quartier viennent y jouer à « Lions dans la savane », jeu félin très prisé dans les terrains vagues.
Il me faudrait sortir la tondeuse.
Mais un baobab a poussé devant la porte de la remise.
***
Je suis pour la franchise postale : je n’envoie jamais de lettre anonyme.
(Gratte) Le Monde
(nucléaire : le retour des menaces)
mes doigts se réveillent sur ta hanche endormie
(le front de la véritable guerre)
ma voix te parvient d’aussi loin que tes rêves
(le spectre de la violence en chine)
et tes yeux me sourient du fond de leur sommeil
(hausse inquiétante des infections liées aux aliments)
la radio déverse en sourdine ses nouvelles
(quarante-huit salariés dans l’incertitude)
l’odeur du café achève ma nuit
(les force de sécurité sur le qui-vive)
et moi je guette les signaux de ta venue
(la moitié des séropositifs sont des femmes)
à deux le monde semblera supportable
(entre parenthèses : titres d’articles parus dans Le Monde en juillet 2008)
Le veilleur de nuit
1.
Le veilleur de nuit roulait son angoisse dans les couloirs de l’hôtel. Le plus difficile pour lui, c’était les escaliers. Si ça allait encore entre le rez-de-chaussée et le troisième étage, ça devenait difficile au-delà. La boule en effet grossissait au fur et à mesure qu’il montait les étages. Alors il ahanait tant et plus en poussant sa boule, coincée entre le mur et la rampe, que ses halètements réveillaient quelques clients. Parfois, trop lourde à pousser, la boule redescendait quelques marches quand ce n’était pas un étage tout entier. Et cela achevait de réveiller les clients de l’hôtel.
Le veilleur de nuit fut provisoirement renvoyé pour tapage nocturne.
Il laissa sa boule entre le quatrième et le cinquième étage.
Pendant quelques jours, les clients des étages supérieurs durent emprunter les escaliers de secours.
***
2.
C’est dans la cuisine que le veilleur de nuit les trouva.
Comme pétrifiés, les écureuils noirs le regardèrent droit dans les yeux au lieu de fuir.
Le veilleur de nuit ne comprenait pas ce qu’ils pouvaient bien faire là, incongrus dans un tel lieu, surtout que l’hôtel affichait sa troisième étoile depuis les travaux de l’automne dernier.
Le veilleur de nuit hésita quelques secondes entre chasser les écureuils noirs à coups de balai ou les recueillir pour s’en faire des compagnons nocturnes.
Il opta pour la deuxième solution.
Le chef-cuisinier adapta rapidement la carte des menus à la nouvelle situation.
***
3.
C’est vers deux heures du matin que le téléphone sonna. Le veilleur de nuit décrocha. Il décrocha tant et si bien que, levant les yeux, il vit le hall d’entrée se transformer en une sombre forêt de chênes aux troncs larges et puissants.
Le personnel de jour surprit le veilleur de nuit, endormi au pied d’un pilier, sous une couverture de feuilles mortes.
***
4.
Comme tous les matins, le livreur jeta la pile de journaux à la porte de l’hôtel. Le veilleur de nuit, suivant un rituel immuable, déposa les quotidiens sur la table basse du salon d’accueil, approcha un fauteuil de velours vert et lu la une du premier journal. Quand il voulut lire la page 2, tout le paquet fut agité de soubresauts et toutes les feuilles des journaux s’envolèrent dans le hall. Elles se cognaient au plafond, aux baies vitrées, comme cherchant à rejoindre le jour naissant qui rougeoyait faiblement le ciel.
Un battement de feuilles déclencha le système d’ouverture de la porte automatique. Et toutes les pages s’échappèrent par la brèche ouverte.
Ce jour-là, ni le veilleur de nuit, ni les clients de l’hôtel ne surent rien de ce qui se passait dans le monde.
***
5.
La radio diffusa une chanson à la mode. Le veilleur de nuit se mit à chatonner.
A la première reprise du refrain, sa voix couvrait celle de la star radiophonique.
A la deuxième reprise, les musiciens entraient en scène, les cordes par l’ascenseur, les cuivres par la porte d’entrée, le synthétiseur par celle de la salle du restaurant.
Un micro sans fil planté dans l’oreille, le veilleur de nuit se déhanchait et hurlait son texte dans un anglais qu’on devinait approximatif.
Quand la chanson fut finie, il salua et sortit par la porte du bureau suivi par ses musiciens.
Malgré les demandes de rappels de la foule, il ne revint pas sur scène.
***
6.
Quand l’alarme incendie se déclencha, le veilleur de nuit n’eut pas le temps de réagir que déjà sortaient de l’ascenseur des enfants de chœur vêtus de longues aubes blanches. Chacun brandissait à bout de bras un cierge de cire blanche, dont la flamme vacillait au rythme de leur marche lente.
Quelques clients de l’hôtel suivaient. En costume sombre et robe lamée, ils tenaient tous un long fume-cigarette noir dans lequel se consumait une cigarette baguée d’or.
L’apothéose de la procession fut atteinte par la traversée du hall par cinq cracheurs de feu, jonglant avec leurs torches enflammées.
Une joyeuse bande de pompiers en habit d’apparat fermait la marche. Ils sortaient de leurs poches des rouleaux de papier à travers lesquels ils soufflaient, les transformant en flammèches de papier rouge et jaune.
Quand le dernier pompier eut passé la porte vitrée, l’alarme se coupa.
Dans le registre, le veilleur de nuit nota : « Rien d’anormal à signaler ».
***
7.
Accoudé à la banque d’accueil de l’hôtel, le veilleur de nuit se mit à compter ses doigts. Cinq à la main gauche. Quatre à la main droite. Pris de doute, il recompta. Cinq à la main gauche. Quatre à la main droite. Il secoua ses deux mains, certain d’être sujet à une hallucination. Cinq à la main gauche. Quatre à la main droite.
Soudain, il se souvint que, la nuit précédente, il avait donné un petit coup de pouce à un client en difficulté. Pouce qu’il n’avait pas récupéré.
Rassuré, il se déchaussa et se mit à compter ses orteils.
***
8.
Cette nuit, comme toutes les nuits, le veilleur de nuit, assis derrière la banque d’accueil, se retourna et regarda la pendule accrochée au-dessus du tableau à clefs.
Par habitude, plus que par doute, il vérifia que sa montre indiquait la même heure. 4h07.
Il se leva sans hâte, fit le tour de la banque d’accueil e se dirigea vers la porte d’entrée, à la limite de l’œil qui permettra de l’ouvrir.
Il regarda la pendule. 4h08. Cette fois, il ne vérifia pas sa montre.
Il avança le pied droit. L’œil électronique déclancha l’ouverture des deux battants de verre, laissant entrer l’air frais de la nuit encore noire.
Au même moment, située en vis-à-vis de la porte d’entrée, la porte de l’ascenseur s’ouvrit.
Le conducteur du train prit le temps d’actionner le sifflet pour saluer et remercier le veilleur de nuit qui porta la main à une invisible casquette pour saluer le conducteur. Dans le même geste, il posa sa main sur la casquette, afin qu’elle ne fût pas emporter par l’air déplacé par le convoi de seize voitures, toutes éclairées.
Quand la dernière voiture fut passée, il retira son pied et les deux battants se refermèrent.
Il retourna derrière le comptoir, ouvrit un tiroir dans lequel il remisa la casquette, et nota dans le cahier : 4h10. R.A.S.
Sur les quais, des sacs oubliés, il y en a. Et nous ne savons ni par qui ni pour qui. Mais ils sont là. Attendant la main qui les emportera, l’œil qui les scrutera, le geste qui les videra. Mais ils sont là. Posés. Patients. De la patience des pierres sur le bord du chemin qui n’espèrent plus le bout de la chaussure qui les poussera plus loin. Ils sont là, les sacs sur les quais. Et nous n’osons nous en approcher.
***
Sur les quais encore, devenues rares, les larmes qui roulent.
***
Sur les quais, l’oiseau qui picore, scrute, gratte, picore, gratte, scrute de l’œil libre l’approche des aveugles voyageurs. L’oiseau qu’on ne sait plus oiseau, que l’on croit pigeon, seulement pigeon, donc transparent. Mais qui redevient oiseau quand l’aile se déploie, défroissement, et le dépose sur la poutre où jamais nous ne saurons nous posés.
***
Sur les quais, la solitude. Palpable. Immobile mais faisant les cent pas dans l’attente du départ, toujours du départ. La solitude avant l’heure, non plus fœtus informe, mais formée comme corps d’adulte dans corps d’adulte, donnant des gestes d’épuisement, de renoncement, combattue pourtant.
***
Sur les quais les frôlements, plus rarement les frottements. Sauf les corps amoureux, en rupture, en absence à venir. En devenir de vide.
***
Jacques Fournier
TEXTES DAN BOUCHERY
Comptine à tricoter
J’ai dit
les mots
Il m’a dit
Non
L’émail
J’ai tricoté les mailles
Un point
À l’an droit
Un point
À l’an vert
J’ai tricoté les mots
Mon tricot
Est tout vert
Non !
Est ouvert
M’a-t-il
Répondu,
Pondu tout chaud !
C’est
Qu’il est contra
riant !
Riant
Oui, je le suis
M’avoua-t-il
Dans ses sourcils.
J’ai repris mon tricot
Mon aiguille
Mon nez goutte
Goutte à goutte
Mon ai guille
Guille à guille.
D. BOUCHERY Inédit août 2004
Rythmes et rires
Vitesse des manèges
Timings de poupées
Cadences de cabrioles
Bousculades à bascules
Embouteillages de dragons
Accidents de trottinettes
Attentats à dada
Drames de porcelaine
Guerres de dunes
Bombes de bonbons
Famines ignorées
Enfance protégée
Dan Bouchery, Je suis un enfant de partout, antho Rue du monde 2008
Hasard
Prendre un papier
Une feuille
Un journal
Pourquoi pas
Au hasard imprimé
Prendre des ciseaux
Sans bouts ronds
Des ciseaux
Aiguisés et
Coupants
Pointus
Bien pointus
Découper la
Forme d’un
Homme
Couper
Couper
À coups de ciseaux
Que les coups
Pleuvent de
Tous les côtés
Attention
Il n’a plus de pieds
Ça fera un
Handicapé
Il en faut
Bien
L’humanité a besoin de
Diversité
Les malheurs font du bien
À ceux
Qui n’en ont
Pas
Couper
Couper
Les coups comme s’il
En pleuvait
Crever les yeux
Deux trous suffisent
Pour voir
L’état du monde
Mieux vaut la cécité
Crever sitôt né
Avant que de comprendre
Pas de bouche
Si
Un trou
Un autre
Une grande bouche
C’est mieux pour
Avaler
Les couleuvres par cargos
Entiers
Ne parler pas la
Bouche
Pleine
Combler cette bouche
Avide
Bourrage de gueule
Bourrage de crâne
C’est pareil
Ne laisser aucun
Espace
Vide
La liberté
Pourrait
S’y engouffrer
Il est ridicule
Votre homme
Il est mort
Il ne tient pas debout
Peu importe
Dans le lot
Serré contre les
Autres
Il tiendra
Forcément
Il tiendra
Dan Bouchery Janvier 2008
Inédit
J’appelle un mot (anthologie 2002, Unimuse B)
L’auteur traque son mot, le chasse, le déniche, le débusque, l’attrape. Il le fixe, le triture, le malmène, l’épingle comme un papillon. Avec des outils de destruction systématique : la grammaire, la syntaxe, l’orthographe, le dictionnaire qui a analysé, décortiqué, scalpélisé, disséqué, autopsié, classé, listé, étiqueté, le peuple des mots, l’auteur-dictateur joue avec le mot, en use à sa guise, en abuse, le viole, le barbarise, le martyrise, l’ampute, le cloue, et le tue un jour sur une feuille, par plaisir ! L’écrivain est un assassin.
Désormais les mots sont morts, écrasés, exécutés par le tyran. Vastes champs de morts, les livres sont des cimetières à perpétuité, tombeaux de mots sans funérailles, stèles sans concession, obélisques funèbres, urnes mortuaires, couronnes pétrifiées, globes crucifères, frontons ornés de flambeaux, cercueils cénotaphes, retables aveugles, colonnes cannelées, croix-stèles massives, sépultures anonymes mises en lignes, en allées, sans retour. Quelques colombes sur des tombes qui ne voleront plus ! Rien ne dépasse, rien ne bouge désormais. Lecteur, dans les livres, tu ne rencontres pas les mots, tout juste une histoire, un auteur et des cadavres. Chaque livre est un génocide ! Voyez le cri figé sur les bouches ouvertes, voyez les bras en croix des petits crucifiés.
Et si les mots dans le livre sitôt refermé se remettaient à vivre ?
Et si les mots dans le livre fermé venaient à se toucher pour se consoler ?
Et s’ils soignaient leurs plaies ?
S’ils changeaient de place, se faisaient des clins d’œil, des signes, des mimiques, des grimaces
dans le livre refermé ?
S’ils se mettaient à rire et inventaient des jeux, des jeux de morts, des jeux de mots inconnus jusqu’ici ?
S’ils avaient mis au monde un langage de mots, un langamot, un codamot ?
Quel grondement ! Quel tremblement de taire !
Lecteur, tu n’entendras jamais
cette rumeur,
ce désordre,
ce vrai bonheur des mots !
A l’abri des regards ils ne jouent que pour eux ! Ils chantent, ils rient, se taquinent, se disent des bêtises, s’inventent des histoires, des histoires de mots. Ce grand remue-ménage, cette pagaille, cette cacophonie dans les bibliothèques, c’est la révolution, la revanche des mots !
Les mots ressortent des mots. Ils oublient leur malheur et leurs maux. Dans les livres fermés, habités par leurs rêves, les mots se remettent en vie.
DB Février 2002 Anthologie UNIMUSE j’appelle un mot
Hé, toi, pétasse
Fais pas ta
Princesse
Pour qui tu t’prends ?
Moi, j’te kiffe à donf
Et toi, tu m’envoies bouler
Sur les roses,
Les roses de la vie,
Qu’est-ce que c’est
Que c’te pouff,
Non, mais, j’te l’dis
Ronsard, c’est fini,
Quand tu seras devenue
Une mémé,
Une vieille toute fripée,
Tu me regretteras,
Tu penseras que
T’aurais dû, grave,
Me les prendre, mes roses,
Et t’en faire un bouquet,
Le mettre dans un pot,
Un pot sur ta télé,
Et tandis que toi, pétasse,
Tu me regretteras,
Moi, j’te l’dis,
Et moi, j’te l’dis,
Pour moi,
Tu seras une
Has been
Bébé !
Dan Bouchery, mars 2008, retouche de Ronsard, Quand vous serez bien vieille le soir à la chandelle, Guyancourt
Le calendrier
Six mois d’un
Côté
Griffonné au
Stylo au
Fluo
Des notes impossibles à
Déchiffrer
Parfois
Le retourner
Fin juin
Le temps à
L’arrière
Avance
L’effort de chaque
Jour
Se lever
Se mettre
Debout
Face devant
Dan Bouchery, inédit Sillons, Sillages SOC et FOC
À Jacques
Mon amour n’est pas de mot, mon amour est de chair,
De chaleur et de peau, de sueur et de bave,
Mon amour n’est pas de mot, mon amour est de corps,
De ventre, de main, de lèvre et de pli,
De bouche et de trou, la chair comme une glaise,
Mon amour n’est pas de mot, mon amour ruisselle,
Il coule du dehors au-dedans, du dedans au dedans,
Mon amour, mon amour, mon amour,
Se glisse et se perd, se prend et se donne,
Mon amour,
Notre amour n’est pas de mot, notre amour est de vent,
Il roule, il tourne, il brûle, il souffle,
C’est une coupure, une blessure, un chaos,
Notre amour, notre amour,
Notre amour n’est pas de mot, notre amour est
De lien, de tien, de mien, de chien,
Animal et féroce, carnivore, cannibale,
Notre amour n’est pas de mot,
Notre amour est de chair,
Attendu, attendant,
Avide,
À vif.
Dan Bouchery
Une souris noire
J’engueule mon chat
Quand il tue
Les oiseaux
J’engueule mon chat
Quand il tue les souris
Il veut me faire
Cadeau
Je l’engueule
Mais
Ne frappe
Pas
Je ne frappe
Ni les bêtes
Ni les enfants
Ni personne
Oui
J’engueule mon chat
Quand il tue
Les souris
Mais ce chat-là était
Gros
Très gros
Avec un uniforme
Et
Un révolver
D’ailleurs
Ce n’était pas un
Chat
Ils étaient trois
Tous habillés
Pareils
Trois révolvers
J’ai eu peur
Ils étaient près de
Moi
Dans le train
Paris-Cherbourg
Vous savez bien
Ce port tourné vers
L’Angleterre
C’était hier
Il faisait beau
Dehors
Tout était
Calme
Le compartiment était presque
Vide
C’était vers midi
La souris n’était pas
Verte
Comme dans la chanson
J’aurais bien aimé
J’aurais su que c’était une
Farce
Comme celles qu’on fait aux enfants
Cette souris était noire
Une énorme souris noire
Prête à pondre son
Petit
Une souris noire
Discrète
Avec des papiers
Des papiers
Des papiers
Pas les bons
Les trois chats ont gardé leur
Souris
Jusqu’à la prochaine
Gare
Une petite gare de
Province
Où je descendais
Moi
Aussi
D’autres chats attendaient
Avec une fourgonnette
Pour emmener leur souris
Noire
J’ai pris un café au distributeur
Je les ai regardés
Traverser cette toute petite
Gare
Elle la souris
Eux les cinq chats qui lui
Faisaient une haie de
Déshonneur
Je me suis demandé
Ce qu’elle ressentait
J’ai pensé à ce bébé
Il ne naîtrait
Pas en liberté
Dans notre pays
Prétendu terre
D’accueil
Mon café avait mauvais
Goût
Ainsi que ma conscience
Les mots ne peuvent
Rien
La brûlure est profonde
Le réalisme de la télé n’est
Rien
Les articles de journaux ne sont
Rien
Ils disent de l’extérieur
Mais le vivre
C’est terrible la brûlure du
Vivre
L’espoir ou le désespoir
Qui a poussé cette femme
À partir
L’espoir de ceux qu’elle a quittés
Je ne veux pas oublier
Cette femme
Son allure
Digne et fière
Ni
Sa docilité
J’engueule toujours mon chat
Quand il tue les
Souris
Les chats du train étaient
Armés
Plus nombreux
Et
Plus forts que
Moi
Je n’ai rien fait
Est-ce que cela me regarde
Cela m’a regardée.
Dan Bouchery
Inédit 12/10/07 pour mémoire
TEXTES JACQUES FOURNIER
je t’aime je t’aime à deux heures quand mes mains en collier jouent l’aube admirable de tes sens sur l’horizon fragile de ta gorge dénouée
je t’aime je t’aime à trois heures quand tu rejoins la ligne claire de mon sommeil glissant ton épiderme fugace entre les draps tendres de mon impatience
je t’aime je t’aime à six heures quand la lumière vertigineuse de ton ombre presse du bout des lèvres la faille de mon attente
je t’aime je t’aime à neuf heures quand la marée haute de nos songes rompt le pain de notre angle droit
je t’aime je t’aime à dix heures quand il ne me reste plus que la salive de mon sexe pour t’abreuver puits aux margelles de nuages effilochés
je t’aime je t’aime à minuit mains et poumons joints flèche immature en quête de vertige plantée vibrante dans l’aire libre de nos souffles
Jacques Fournier
À la cantonade
J’aime à m’asseoir dans le silence.
J’y croise parfois quelques amis bien intentionnés.
***
- Le temps est à la pluie, qu’en dites-vous ?
- Je n’en dis rien. Je n’y vois goutte.
***
Dans mon jardin, tous les ans, le cerisier donne des poires. Heureusement, elles sont rouges et parfois attachées par deux au même pédoncule. Ainsi mes invités n’y voient-ils que du feu quand je leur sers un clafoutis selon la recette de ma grand-mère.
***
J’ai perdu la tête. Depuis, je la cherche. Mais je n’ai plus que mes mains pour pouvoir la reconnaître et, souvent, je me trompe, prenant une tête égarée pour la mienne. Je ne désespère pas de la retrouver.
***
Les plus courtes sont les meilleures, me dites-vous. Voilà qui est fait.
***
La foule (1)
Quand, dans une foule, on dit « Pardon » à la cantonade, c’est bien pour que les personnes qui ont l’heur de vous entendre et qui se trouvent sur votre possible chemin s’écartent et vous laissent la place libre afin que vous puissiez progresser vers le point que vous vous êtes fixé.
Or, un jour que je traversais ainsi une foule, non seulement les gens s’écartaient bien obligeamment mais en plus, ils s’éloignaient jusqu’à disparaître complètement de ma vue.
Etait-ce parce qu’ils comprenaient Pars donc ! et non Pardon ?
***
La foule (2).
Un jour que je devais fendre une foule, je ne parvins jamais au but car je fus stoppé net par un projectile en pleine tête avant d’avoir pu abattre pour la quatrième fois ma hache.
***
C’est quand il est entré à cheval dans mon salon que j’en ai conclu que mon voisin était un peu cavalier.
***
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
peupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeupeu
J’écris peu. Cela m’arrive si souvent que les pages de mes carnets en sont pleines. J’en suis arrivé au point de me dire qu’il faudra un jour que je m’y mette vraiment, avant de n’avoir plus rien d’autre à dire.
***
Ce matin, le ciel était si bas que, dans la rue, tous les hommes marchaient à quatre pattes. Seuls les chiens firent montre d’une certaine satisfaction.
***
Toutes les feuilles des arbres étaient tombées, sauf une.
L’hiver jamais ne commença et l’on put profiter d’un long printemps précoce.
***
Une fois par an, je pars en voyage. J’emporte le strict minimum nécessaire à mon hygiène corporel dans un petit sac de toile que je jette négligemment sur mon l’épaule avec l’air désinvolte d’un à qui on ne la fait pas.
J’ai réservé de longue date (un an, pour tout vous dire) une chambre à l’Hôtel des Voyageurs, en face de chez moi. Le dépaysement est assuré.
Je m’installe dans le hall de l’hôtel toute la journée et j’écoute les clients qui ne se font pas prier quand je leur demande de me raconter leurs voyages, trop heureux qu’ils sont de pouvoir partager avec mon oreille attentive les aléas de leurs périples, pourtant parfois banals mais toujours passionnants à mon sens. Et, le soir venu, je remonte dans ma chambre, la tête pleine de ces rêves d’autrui.
Je sais m’arrêter avant que l’illusion que crée le nom de l’hôtel ne se dissipe complètement. Ainsi je garde les miennes intactes d’avoir su me dépayser d’une façon si peu onéreuse.
***
La pelouse de mon jardin pousse à vitesse grand V. Les chats du quartier viennent y jouer à « Lions dans la savane », jeu félin très prisé dans les terrains vagues.
Il me faudrait sortir la tondeuse.
Mais un baobab a poussé devant la porte de la remise.
***
Je suis pour la franchise postale : je n’envoie jamais de lettre anonyme.
(Gratte) Le Monde
(nucléaire : le retour des menaces)
mes doigts se réveillent sur ta hanche endormie
(le front de la véritable guerre)
ma voix te parvient d’aussi loin que tes rêves
(le spectre de la violence en chine)
et tes yeux me sourient du fond de leur sommeil
(hausse inquiétante des infections liées aux aliments)
la radio déverse en sourdine ses nouvelles
(quarante-huit salariés dans l’incertitude)
l’odeur du café achève ma nuit
(les force de sécurité sur le qui-vive)
et moi je guette les signaux de ta venue
(la moitié des séropositifs sont des femmes)
à deux le monde semblera supportable
(entre parenthèses : titres d’articles parus dans Le Monde en juillet 2008)
Le veilleur de nuit
1.
Le veilleur de nuit roulait son angoisse dans les couloirs de l’hôtel. Le plus difficile pour lui, c’était les escaliers. Si ça allait encore entre le rez-de-chaussée et le troisième étage, ça devenait difficile au-delà. La boule en effet grossissait au fur et à mesure qu’il montait les étages. Alors il ahanait tant et plus en poussant sa boule, coincée entre le mur et la rampe, que ses halètements réveillaient quelques clients. Parfois, trop lourde à pousser, la boule redescendait quelques marches quand ce n’était pas un étage tout entier. Et cela achevait de réveiller les clients de l’hôtel.
Le veilleur de nuit fut provisoirement renvoyé pour tapage nocturne.
Il laissa sa boule entre le quatrième et le cinquième étage.
Pendant quelques jours, les clients des étages supérieurs durent emprunter les escaliers de secours.
***
2.
C’est dans la cuisine que le veilleur de nuit les trouva.
Comme pétrifiés, les écureuils noirs le regardèrent droit dans les yeux au lieu de fuir.
Le veilleur de nuit ne comprenait pas ce qu’ils pouvaient bien faire là, incongrus dans un tel lieu, surtout que l’hôtel affichait sa troisième étoile depuis les travaux de l’automne dernier.
Le veilleur de nuit hésita quelques secondes entre chasser les écureuils noirs à coups de balai ou les recueillir pour s’en faire des compagnons nocturnes.
Il opta pour la deuxième solution.
Le chef-cuisinier adapta rapidement la carte des menus à la nouvelle situation.
***
3.
C’est vers deux heures du matin que le téléphone sonna. Le veilleur de nuit décrocha. Il décrocha tant et si bien que, levant les yeux, il vit le hall d’entrée se transformer en une sombre forêt de chênes aux troncs larges et puissants.
Le personnel de jour surprit le veilleur de nuit, endormi au pied d’un pilier, sous une couverture de feuilles mortes.
***
4.
Comme tous les matins, le livreur jeta la pile de journaux à la porte de l’hôtel. Le veilleur de nuit, suivant un rituel immuable, déposa les quotidiens sur la table basse du salon d’accueil, approcha un fauteuil de velours vert et lu la une du premier journal. Quand il voulut lire la page 2, tout le paquet fut agité de soubresauts et toutes les feuilles des journaux s’envolèrent dans le hall. Elles se cognaient au plafond, aux baies vitrées, comme cherchant à rejoindre le jour naissant qui rougeoyait faiblement le ciel.
Un battement de feuilles déclencha le système d’ouverture de la porte automatique. Et toutes les pages s’échappèrent par la brèche ouverte.
Ce jour-là, ni le veilleur de nuit, ni les clients de l’hôtel ne surent rien de ce qui se passait dans le monde.
***
5.
La radio diffusa une chanson à la mode. Le veilleur de nuit se mit à chatonner.
A la première reprise du refrain, sa voix couvrait celle de la star radiophonique.
A la deuxième reprise, les musiciens entraient en scène, les cordes par l’ascenseur, les cuivres par la porte d’entrée, le synthétiseur par celle de la salle du restaurant.
Un micro sans fil planté dans l’oreille, le veilleur de nuit se déhanchait et hurlait son texte dans un anglais qu’on devinait approximatif.
Quand la chanson fut finie, il salua et sortit par la porte du bureau suivi par ses musiciens.
Malgré les demandes de rappels de la foule, il ne revint pas sur scène.
***
6.
Quand l’alarme incendie se déclencha, le veilleur de nuit n’eut pas le temps de réagir que déjà sortaient de l’ascenseur des enfants de chœur vêtus de longues aubes blanches. Chacun brandissait à bout de bras un cierge de cire blanche, dont la flamme vacillait au rythme de leur marche lente.
Quelques clients de l’hôtel suivaient. En costume sombre et robe lamée, ils tenaient tous un long fume-cigarette noir dans lequel se consumait une cigarette baguée d’or.
L’apothéose de la procession fut atteinte par la traversée du hall par cinq cracheurs de feu, jonglant avec leurs torches enflammées.
Une joyeuse bande de pompiers en habit d’apparat fermait la marche. Ils sortaient de leurs poches des rouleaux de papier à travers lesquels ils soufflaient, les transformant en flammèches de papier rouge et jaune.
Quand le dernier pompier eut passé la porte vitrée, l’alarme se coupa.
Dans le registre, le veilleur de nuit nota : « Rien d’anormal à signaler ».
***
7.
Accoudé à la banque d’accueil de l’hôtel, le veilleur de nuit se mit à compter ses doigts. Cinq à la main gauche. Quatre à la main droite. Pris de doute, il recompta. Cinq à la main gauche. Quatre à la main droite. Il secoua ses deux mains, certain d’être sujet à une hallucination. Cinq à la main gauche. Quatre à la main droite.
Soudain, il se souvint que, la nuit précédente, il avait donné un petit coup de pouce à un client en difficulté. Pouce qu’il n’avait pas récupéré.
Rassuré, il se déchaussa et se mit à compter ses orteils.
***
8.
Cette nuit, comme toutes les nuits, le veilleur de nuit, assis derrière la banque d’accueil, se retourna et regarda la pendule accrochée au-dessus du tableau à clefs.
Par habitude, plus que par doute, il vérifia que sa montre indiquait la même heure. 4h07.
Il se leva sans hâte, fit le tour de la banque d’accueil e se dirigea vers la porte d’entrée, à la limite de l’œil qui permettra de l’ouvrir.
Il regarda la pendule. 4h08. Cette fois, il ne vérifia pas sa montre.
Il avança le pied droit. L’œil électronique déclancha l’ouverture des deux battants de verre, laissant entrer l’air frais de la nuit encore noire.
Au même moment, située en vis-à-vis de la porte d’entrée, la porte de l’ascenseur s’ouvrit.
Le conducteur du train prit le temps d’actionner le sifflet pour saluer et remercier le veilleur de nuit qui porta la main à une invisible casquette pour saluer le conducteur. Dans le même geste, il posa sa main sur la casquette, afin qu’elle ne fût pas emporter par l’air déplacé par le convoi de seize voitures, toutes éclairées.
Quand la dernière voiture fut passée, il retira son pied et les deux battants se refermèrent.
Il retourna derrière le comptoir, ouvrit un tiroir dans lequel il remisa la casquette, et nota dans le cahier : 4h10. R.A.S.
Sur les quais, des sacs oubliés, il y en a. Et nous ne savons ni par qui ni pour qui. Mais ils sont là. Attendant la main qui les emportera, l’œil qui les scrutera, le geste qui les videra. Mais ils sont là. Posés. Patients. De la patience des pierres sur le bord du chemin qui n’espèrent plus le bout de la chaussure qui les poussera plus loin. Ils sont là, les sacs sur les quais. Et nous n’osons nous en approcher.
***
Sur les quais encore, devenues rares, les larmes qui roulent.
***
Sur les quais, l’oiseau qui picore, scrute, gratte, picore, gratte, scrute de l’œil libre l’approche des aveugles voyageurs. L’oiseau qu’on ne sait plus oiseau, que l’on croit pigeon, seulement pigeon, donc transparent. Mais qui redevient oiseau quand l’aile se déploie, défroissement, et le dépose sur la poutre où jamais nous ne saurons nous posés.
***
Sur les quais, la solitude. Palpable. Immobile mais faisant les cent pas dans l’attente du départ, toujours du départ. La solitude avant l’heure, non plus fœtus informe, mais formée comme corps d’adulte dans corps d’adulte, donnant des gestes d’épuisement, de renoncement, combattue pourtant.
***
Sur les quais les frôlements, plus rarement les frottements. Sauf les corps amoureux, en rupture, en absence à venir. En devenir de vide.
***
Jacques Fournier
TEXTES DAN BOUCHERY
Comptine à tricoter
J’ai dit
les mots
Il m’a dit
Non
L’émail
J’ai tricoté les mailles
Un point
À l’an droit
Un point
À l’an vert
J’ai tricoté les mots
Mon tricot
Est tout vert
Non !
Est ouvert
M’a-t-il
Répondu,
Pondu tout chaud !
C’est
Qu’il est contra
riant !
Riant
Oui, je le suis
M’avoua-t-il
Dans ses sourcils.
J’ai repris mon tricot
Mon aiguille
Mon nez goutte
Goutte à goutte
Mon ai guille
Guille à guille.
D. BOUCHERY Inédit août 2004
Rythmes et rires
Vitesse des manèges
Timings de poupées
Cadences de cabrioles
Bousculades à bascules
Embouteillages de dragons
Accidents de trottinettes
Attentats à dada
Drames de porcelaine
Guerres de dunes
Bombes de bonbons
Famines ignorées
Enfance protégée
Dan Bouchery, Je suis un enfant de partout, antho Rue du monde 2008
Hasard
Prendre un papier
Une feuille
Un journal
Pourquoi pas
Au hasard imprimé
Prendre des ciseaux
Sans bouts ronds
Des ciseaux
Aiguisés et
Coupants
Pointus
Bien pointus
Découper la
Forme d’un
Homme
Couper
Couper
À coups de ciseaux
Que les coups
Pleuvent de
Tous les côtés
Attention
Il n’a plus de pieds
Ça fera un
Handicapé
Il en faut
Bien
L’humanité a besoin de
Diversité
Les malheurs font du bien
À ceux
Qui n’en ont
Pas
Couper
Couper
Les coups comme s’il
En pleuvait
Crever les yeux
Deux trous suffisent
Pour voir
L’état du monde
Mieux vaut la cécité
Crever sitôt né
Avant que de comprendre
Pas de bouche
Si
Un trou
Un autre
Une grande bouche
C’est mieux pour
Avaler
Les couleuvres par cargos
Entiers
Ne parler pas la
Bouche
Pleine
Combler cette bouche
Avide
Bourrage de gueule
Bourrage de crâne
C’est pareil
Ne laisser aucun
Espace
Vide
La liberté
Pourrait
S’y engouffrer
Il est ridicule
Votre homme
Il est mort
Il ne tient pas debout
Peu importe
Dans le lot
Serré contre les
Autres
Il tiendra
Forcément
Il tiendra
Dan Bouchery Janvier 2008
Inédit
J’appelle un mot (anthologie 2002, Unimuse B)
L’auteur traque son mot, le chasse, le déniche, le débusque, l’attrape. Il le fixe, le triture, le malmène, l’épingle comme un papillon. Avec des outils de destruction systématique : la grammaire, la syntaxe, l’orthographe, le dictionnaire qui a analysé, décortiqué, scalpélisé, disséqué, autopsié, classé, listé, étiqueté, le peuple des mots, l’auteur-dictateur joue avec le mot, en use à sa guise, en abuse, le viole, le barbarise, le martyrise, l’ampute, le cloue, et le tue un jour sur une feuille, par plaisir ! L’écrivain est un assassin.
Désormais les mots sont morts, écrasés, exécutés par le tyran. Vastes champs de morts, les livres sont des cimetières à perpétuité, tombeaux de mots sans funérailles, stèles sans concession, obélisques funèbres, urnes mortuaires, couronnes pétrifiées, globes crucifères, frontons ornés de flambeaux, cercueils cénotaphes, retables aveugles, colonnes cannelées, croix-stèles massives, sépultures anonymes mises en lignes, en allées, sans retour. Quelques colombes sur des tombes qui ne voleront plus ! Rien ne dépasse, rien ne bouge désormais. Lecteur, dans les livres, tu ne rencontres pas les mots, tout juste une histoire, un auteur et des cadavres. Chaque livre est un génocide ! Voyez le cri figé sur les bouches ouvertes, voyez les bras en croix des petits crucifiés.
Et si les mots dans le livre sitôt refermé se remettaient à vivre ?
Et si les mots dans le livre fermé venaient à se toucher pour se consoler ?
Et s’ils soignaient leurs plaies ?
S’ils changeaient de place, se faisaient des clins d’œil, des signes, des mimiques, des grimaces
dans le livre refermé ?
S’ils se mettaient à rire et inventaient des jeux, des jeux de morts, des jeux de mots inconnus jusqu’ici ?
S’ils avaient mis au monde un langage de mots, un langamot, un codamot ?
Quel grondement ! Quel tremblement de taire !
Lecteur, tu n’entendras jamais
cette rumeur,
ce désordre,
ce vrai bonheur des mots !
A l’abri des regards ils ne jouent que pour eux ! Ils chantent, ils rient, se taquinent, se disent des bêtises, s’inventent des histoires, des histoires de mots. Ce grand remue-ménage, cette pagaille, cette cacophonie dans les bibliothèques, c’est la révolution, la revanche des mots !
Les mots ressortent des mots. Ils oublient leur malheur et leurs maux. Dans les livres fermés, habités par leurs rêves, les mots se remettent en vie.
DB Février 2002 Anthologie UNIMUSE j’appelle un mot
Hé, toi, pétasse
Fais pas ta
Princesse
Pour qui tu t’prends ?
Moi, j’te kiffe à donf
Et toi, tu m’envoies bouler
Sur les roses,
Les roses de la vie,
Qu’est-ce que c’est
Que c’te pouff,
Non, mais, j’te l’dis
Ronsard, c’est fini,
Quand tu seras devenue
Une mémé,
Une vieille toute fripée,
Tu me regretteras,
Tu penseras que
T’aurais dû, grave,
Me les prendre, mes roses,
Et t’en faire un bouquet,
Le mettre dans un pot,
Un pot sur ta télé,
Et tandis que toi, pétasse,
Tu me regretteras,
Moi, j’te l’dis,
Et moi, j’te l’dis,
Pour moi,
Tu seras une
Has been
Bébé !
Dan Bouchery, mars 2008, retouche de Ronsard, Quand vous serez bien vieille le soir à la chandelle, Guyancourt
Le calendrier
Six mois d’un
Côté
Griffonné au
Stylo au
Fluo
Des notes impossibles à
Déchiffrer
Parfois
Le retourner
Fin juin
Le temps à
L’arrière
Avance
L’effort de chaque
Jour
Se lever
Se mettre
Debout
Face devant
Dan Bouchery, inédit Sillons, Sillages SOC et FOC
À Jacques
Mon amour n’est pas de mot, mon amour est de chair,
De chaleur et de peau, de sueur et de bave,
Mon amour n’est pas de mot, mon amour est de corps,
De ventre, de main, de lèvre et de pli,
De bouche et de trou, la chair comme une glaise,
Mon amour n’est pas de mot, mon amour ruisselle,
Il coule du dehors au-dedans, du dedans au dedans,
Mon amour, mon amour, mon amour,
Se glisse et se perd, se prend et se donne,
Mon amour,
Notre amour n’est pas de mot, notre amour est de vent,
Il roule, il tourne, il brûle, il souffle,
C’est une coupure, une blessure, un chaos,
Notre amour, notre amour,
Notre amour n’est pas de mot, notre amour est
De lien, de tien, de mien, de chien,
Animal et féroce, carnivore, cannibale,
Notre amour n’est pas de mot,
Notre amour est de chair,
Attendu, attendant,
Avide,
À vif.
Dan Bouchery
Une souris noire
J’engueule mon chat
Quand il tue
Les oiseaux
J’engueule mon chat
Quand il tue les souris
Il veut me faire
Cadeau
Je l’engueule
Mais
Ne frappe
Pas
Je ne frappe
Ni les bêtes
Ni les enfants
Ni personne
Oui
J’engueule mon chat
Quand il tue
Les souris
Mais ce chat-là était
Gros
Très gros
Avec un uniforme
Et
Un révolver
D’ailleurs
Ce n’était pas un
Chat
Ils étaient trois
Tous habillés
Pareils
Trois révolvers
J’ai eu peur
Ils étaient près de
Moi
Dans le train
Paris-Cherbourg
Vous savez bien
Ce port tourné vers
L’Angleterre
C’était hier
Il faisait beau
Dehors
Tout était
Calme
Le compartiment était presque
Vide
C’était vers midi
La souris n’était pas
Verte
Comme dans la chanson
J’aurais bien aimé
J’aurais su que c’était une
Farce
Comme celles qu’on fait aux enfants
Cette souris était noire
Une énorme souris noire
Prête à pondre son
Petit
Une souris noire
Discrète
Avec des papiers
Des papiers
Des papiers
Pas les bons
Les trois chats ont gardé leur
Souris
Jusqu’à la prochaine
Gare
Une petite gare de
Province
Où je descendais
Moi
Aussi
D’autres chats attendaient
Avec une fourgonnette
Pour emmener leur souris
Noire
J’ai pris un café au distributeur
Je les ai regardés
Traverser cette toute petite
Gare
Elle la souris
Eux les cinq chats qui lui
Faisaient une haie de
Déshonneur
Je me suis demandé
Ce qu’elle ressentait
J’ai pensé à ce bébé
Il ne naîtrait
Pas en liberté
Dans notre pays
Prétendu terre
D’accueil
Mon café avait mauvais
Goût
Ainsi que ma conscience
Les mots ne peuvent
Rien
La brûlure est profonde
Le réalisme de la télé n’est
Rien
Les articles de journaux ne sont
Rien
Ils disent de l’extérieur
Mais le vivre
C’est terrible la brûlure du
Vivre
L’espoir ou le désespoir
Qui a poussé cette femme
À partir
L’espoir de ceux qu’elle a quittés
Je ne veux pas oublier
Cette femme
Son allure
Digne et fière
Ni
Sa docilité
J’engueule toujours mon chat
Quand il tue les
Souris
Les chats du train étaient
Armés
Plus nombreux
Et
Plus forts que
Moi
Je n’ai rien fait
Est-ce que cela me regarde
Cela m’a regardée.
Dan Bouchery
Inédit 12/10/07 pour mémoire