JACQUES RANCOURT BIOBIBLIOGRAPHIE
Jacques Rancourt est né au Québec, à Lac-Mégantic, en 1946, et vit à Paris depuis 1971. Titulaire d’une maîtrise à Nanterre sur la jeune poésie française dans la revue le Pont de l’épée et d’un doctorat à la Sorbonne sur la poésie africaine et antillaise, il a publié à ce jour une vingtaine de recueils de poèmes et livres d’artiste, plusieurs essais et anthologies consacrés à la poésie contemporaine de langue française, ainsi que des traductions de poésie anglaise. Il a été responsable du prix France-Québec de 1996 à 2004. Il dirige depuis le début des années quatre-ving le Festival franco-anglais de poésie et la revue la Traductière, qu’il a fondée en 1983. Publié dans plusieurs revues à travers le monde, il participe régulièrement à des manifestations internationales autour de la poésie, en France et à l’étranger, et plus particulièrement, en 2007-2008, en Roumanie, Belgique, Angleterre, au Québec et au Canada, au Nicaragua et en Australie.
Bibliographie
Poésie
La journée est bien partie pour durer (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1973)
L’eau bascule (Méry-sur-Oise, RMQS, H.C., 1974)
Le pont verbal (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1980)
Les choses sensibles (Montréal, l’Hexagone, 1989)
Les quinze apôtres (livre-objet réalisé par l’auteur, avec dessin de Michel Mousseau, en 1989, repris et enrichi de nouveaux poèmes en 1994 sous le titre Les trente apôtres)
La condition terrestre (Charlieu, La Bartavelle, 1995)
The Distribution do Bodies (édition bilingue, poèmes choisis et traduits par John F. Deane, Dublin, Dedalus Press, 1995)
La nuit des millepertuis (Montréal, éd. Trois / Paris, le Temps des cerises, 2002)
L’instant prodigue (Amay, Belgique, l’Arbre à paroles, coll. « le Buisson ardent », 2003)
La pluie des pluies (Grenoble, le Pré carré, 2005)
Livres d’artiste
Le soir avec les autres (quatre poèmes, avec bois gravés d’Alix Haxthausen, Paris, G.D., 1978)
L’eau (poème, avec sept lavis d’Yves-Marie-Heude, sous coffret bois, Paris, 1994)
Gravitations (sept poèmes, avec eaux-fortes de Michèle Dadolle et traductions an anglais de John F. Deane, Paris, Signum, 2001)
Comme un huart (poème, avec gravures d’Atsuko Ishii, Paris, TransSignum, 2004)
Savoirs (deux poèmes, avec collages de Claudie Laks, coll. « Eventail », Daniel Leuwers, 2005)
Cicatrices (cinq poèmes, avec collogravures d’Irène Scheinmann, Paris, TranSignum, 2005)
Un amour isocèle (trois poèmes avec gravures d’Atsuko Ishii, éd. Tandem, Belgique, 2006)
Les pièces du paysage (sept poèmes, avec images, dessins, collages de Sarah Wiame et traductions de Susan Wicks, Paris, Céphéides, 2006)
Sculptures sur prose (neuf poèmes, avec dessins de Wanda Mihuleac et traductions de Jan Owen, Paris, Transignum, 2007)
Participation à des livres d’artiste avec des peintres : Bernard Mandeville illustré par quarante-deux poètes (1978), Neige (gravures d’Alix Haxthausen, 1980), A la lisière du geste : à Michel Mousseau (1998), Méditerranée, d’une terre l’autre, sur des photos d’Adrienne Arth (2007).
Jacques Rancourt est né au Québec, à Lac-Mégantic, en 1946, et vit à Paris depuis 1971. Titulaire d’une maîtrise à Nanterre sur la jeune poésie française dans la revue le Pont de l’épée et d’un doctorat à la Sorbonne sur la poésie africaine et antillaise, il a publié à ce jour une vingtaine de recueils de poèmes et livres d’artiste, plusieurs essais et anthologies consacrés à la poésie contemporaine de langue française, ainsi que des traductions de poésie anglaise. Il a été responsable du prix France-Québec de 1996 à 2004. Il dirige depuis le début des années quatre-ving le Festival franco-anglais de poésie et la revue la Traductière, qu’il a fondée en 1983. Publié dans plusieurs revues à travers le monde, il participe régulièrement à des manifestations internationales autour de la poésie, en France et à l’étranger, et plus particulièrement, en 2007-2008, en Roumanie, Belgique, Angleterre, au Québec et au Canada, au Nicaragua et en Australie.
Bibliographie
Poésie
La journée est bien partie pour durer (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1973)
L’eau bascule (Méry-sur-Oise, RMQS, H.C., 1974)
Le pont verbal (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1980)
Les choses sensibles (Montréal, l’Hexagone, 1989)
Les quinze apôtres (livre-objet réalisé par l’auteur, avec dessin de Michel Mousseau, en 1989, repris et enrichi de nouveaux poèmes en 1994 sous le titre Les trente apôtres)
La condition terrestre (Charlieu, La Bartavelle, 1995)
The Distribution do Bodies (édition bilingue, poèmes choisis et traduits par John F. Deane, Dublin, Dedalus Press, 1995)
La nuit des millepertuis (Montréal, éd. Trois / Paris, le Temps des cerises, 2002)
L’instant prodigue (Amay, Belgique, l’Arbre à paroles, coll. « le Buisson ardent », 2003)
La pluie des pluies (Grenoble, le Pré carré, 2005)
Livres d’artiste
Le soir avec les autres (quatre poèmes, avec bois gravés d’Alix Haxthausen, Paris, G.D., 1978)
L’eau (poème, avec sept lavis d’Yves-Marie-Heude, sous coffret bois, Paris, 1994)
Gravitations (sept poèmes, avec eaux-fortes de Michèle Dadolle et traductions an anglais de John F. Deane, Paris, Signum, 2001)
Comme un huart (poème, avec gravures d’Atsuko Ishii, Paris, TransSignum, 2004)
Savoirs (deux poèmes, avec collages de Claudie Laks, coll. « Eventail », Daniel Leuwers, 2005)
Cicatrices (cinq poèmes, avec collogravures d’Irène Scheinmann, Paris, TranSignum, 2005)
Un amour isocèle (trois poèmes avec gravures d’Atsuko Ishii, éd. Tandem, Belgique, 2006)
Les pièces du paysage (sept poèmes, avec images, dessins, collages de Sarah Wiame et traductions de Susan Wicks, Paris, Céphéides, 2006)
Sculptures sur prose (neuf poèmes, avec dessins de Wanda Mihuleac et traductions de Jan Owen, Paris, Transignum, 2007)
Participation à des livres d’artiste avec des peintres : Bernard Mandeville illustré par quarante-deux poètes (1978), Neige (gravures d’Alix Haxthausen, 1980), A la lisière du geste : à Michel Mousseau (1998), Méditerranée, d’une terre l’autre, sur des photos d’Adrienne Arth (2007).
JACQUES RANCOURT EXTRAITS
Retour
On ne revient pas sur tout
quand on revient de loin
on ne revient peut-être pas
d’ailleurs
surtout quand on revient de loin
on s’enfonce plutôt
dans son for intérieur
on s’y enfonce plus tôt
et l’on n’en sort pas toujours
si l’on en sort
et l’on n’en sort jamais
si l’on en sort
à moins de sentir
peut-être
à moins de se sentir
sans doute
indubitablement fort
Le fond de l’air
Halte à la poésie
je ne pourrai bientôt plus dormir
avec ces grappes de mots qui s’organisent en vers
et ces autres qui surgissent
et me demandent leur reste
l’air décidément
est bien trop plein de phrases latentes
qui se mélangent aux paroles gelées
même avec les deux narines
vous ne filtrez que le vent
ainsi je vais de strophe en strophe
traçant les vers comme des sillons
mesurant la distance
j’aimerais bien dormir
mais je repars vers l’aube avec ma main ardente
Un jour comme aujourd’hui
Aujourd’hui comme aujourd’hui
la pluie passe du soleil au vent
deux et deux font quatre et deux fois deux aussi
tandis que la poussière colle moins qu’on ne le pense
un jour comme celui-ci
vous devriez gratter jusqu’aux racines
vous devriez descendre au ras du cœur
et en extraire la racine carrée
il retrouvera tout seul sa énième puissance
un jour comme celui-ci
la pluie devrait compter double
et le soleil quadruple
vous pourriez revenir à vous-même
revenir au même et repartir plus loin
la lune n’est pas encore levée
et les heures jouent en votre faveur
ne laissez pas repartir à perte
les étoiles de plein jour
ne remplissez pas la coupe quand elle est déjà pleine
ne battez pas votre coulpe à la petite semaine
un jour comme aujourd’hui
il demi-pleut
et le soleil est à peine humide
c’est le moment tout indiqué pour avancer sur vos deux pieds
pour habiter de l’intérieur votre espèce tout humaine
Saine ou sauve ?
La poésie est-elle une maladie ?
c’est un peu la question que vous posiez
mais vous n’aviez pas de réponse
c’est bien normal, elle ne répond pas
elle parle mais elle ne répond pas
mais si par hasard vous êtes
vous-même un peu malade
elle a peut-être
elle pourrait bien avoir
la même maladie que vous
(poèmes inédits, à paraître en 2009 dans la revue australienne
The AALitra Review, avec traductions de Chris Andrews)
Le poème et l’auteur
Si ce poème veut aller jusqu’au bout
il va devoir y mettre du sien
car l’auteur pour le moment n’a pas rien de mûr à lui soumettre
entre parenthèses
quant à l’accélération de l’effet de serre et à ses conséquences possibles
entre crochets
sur l’accumulation des effets de guerre
car l’auteur se gardera bien de penser à la place du poème
entre guillemets
si ce n’est déjà fait
Ce poème a plutôt l’air parti
quant à lui
dans la direction des promesses à tenir entre générations
et qui ne font pas l’unanimité
il se pose ainsi la question de savoir
mais sans s’y investir inconsidérément
si les fonds de pension se tailleront longtemps la part du lion
il s’interroge à propos de la transmission du patrimoine et de ses effets pervers
à propos de la transmission de la pauvreté et de ses victimes ciblées
lui-même au demeurant
par correction ou loyauté
voyage toujours à vide
et c’est aussi pour lui une question d’hygiène mentale
si les loups sortent du bois il aurait tort de détourner les yeux
ou si la manne tombe avec la neige il doit être l’une et l’autre
et la descente et le réceptacle
puis si un détail de vocabulaire vient à lui manquer
il pourra toujours consulter l’auteur
il faut bien que l’auteur joue un rôle dans l’écriture de son poème
après tout
c’est quand même lui qui signe
Portrait ambulant
Le poète
ce veilleur sans sommeil
n’a pas pris la voie la plus directe
pour aller droit devant lui
il y arrivera en bout de course
sans avoir fait que marcher
il voit déjà, il ne voit pas
les cercles lumineux à l’horizon
parfois il s’assied
pour reposer son âme
qui a pris la vie bien au sérieux
il laisse respirer son âme
fort attachée tout compte fait
à ce corps de passage
il trouve des mots avec son âme
il les teste avec elle
marchant marchant
ils écrivent ils écrivent
ils s’épaulent ils s’épaulent
ils se sont longtemps demandé
lequel des deux à la fin
partirait à cause de l’autre
ils n’y songent plus guère
à présent
tant ils se sentent interchangeables
indissociables
ils s’attendraient plutôt
s’ils doivent s’attendre à quelque chose
à une dernière lévitation
(inédits, à paraître en 2009 dans la revue australienne Wet Ink,
avec traductions de Chris Andrews, et au Temps des Cerises
dans Veilleur sans sommeil, poèmes 1974-2008)
Respiration
Comment ne pas redire
le glissement de la matière
sur elle-même
l’air est chargé de poudre de blé
c’est le vent qui le pousse
la tige tire sur les racines
on est en voyage au sein des éléments
opérationnels de temps immémorial
nous n’avons que des yeux à offrir
le ciel plombe
la matière tient bon
nous n’avons pour présence que nos yeux
pendant ce temps et pour toujours
le monde en rut
respire de toutes ses composantes
(poème paru dans Méditerranée – D’une terre l’autre,
d’Adrienne Arth, Paris, éditions de l’Amandier, 2007)
Où va la nuit ?
Sans sortir du décor il arrive
néanmoins qu'on y entre
plus brusquement que prévu et c'est
alors la fosse aux lamentations
avec les pneus qui fument et
les poitrines qui saignent.
Le mal est déjà fait quand le
vertige arrive. La route battait
dans tous les sens, les arbres
suivaient, puis c'est le ciel qui
a capoté. On perd parfois son
nom dans de telles circonstances
et qui sait lorsqu'il se
réincarne sur une pierre tombale
si le calme est revenu dans le
corps sous la terre
ou si défilent encore
devant lui des phares
des coudes des portières
des morceaux de chaussures
contre une croûte d'étoiles
bloquée là à jamais.
(paru dans les Pièces du paysage, livre d’artiste avec Sarah Wiame
et traductions anglaises de Susan Wicks, Paris, Céphéides, 2006)
Parbleu !
Si j'étais Dieu
moi
en supposant que j'existe
je ne serais pas toujours fier
je crois
de mes propres croyants
si j'étais Dieu
mon vieux
avec une cravate bleue
et des semelles cloutées
je n'apprécierais guère
crois-moi
qu'on me prie à tous vents
bouche en cœur ou poings fermés
pour faire la guerre dans la foulée
à mon troupeau de non-croyants
si j'étais Dieu
pardi
sur le bord du grand fleuve
à regarder passer les baleines
je ne prêterais pas l'oreille
aux querelles de mes monothéistes
je pourrais même en venir
qui sait
à ne plus croire en eux
Fussé-je Dieu
mon Dieu
à la jonction de l'espace-temps
dans la lumière de la nuit noire
je finirais peut-être par me dissoudre
dans l'étendue de ma nature
je finirais peut-être par oublier
ma propre présence dans ce monde en roue libre
et pour un temps
comment savoir
redevenir moi-même athée
(Parbleu ! poème avec avec acrylique originale
d’Erolf Totort, Paris, TranSignum, 2008)
Retour
On ne revient pas sur tout
quand on revient de loin
on ne revient peut-être pas
d’ailleurs
surtout quand on revient de loin
on s’enfonce plutôt
dans son for intérieur
on s’y enfonce plus tôt
et l’on n’en sort pas toujours
si l’on en sort
et l’on n’en sort jamais
si l’on en sort
à moins de sentir
peut-être
à moins de se sentir
sans doute
indubitablement fort
Le fond de l’air
Halte à la poésie
je ne pourrai bientôt plus dormir
avec ces grappes de mots qui s’organisent en vers
et ces autres qui surgissent
et me demandent leur reste
l’air décidément
est bien trop plein de phrases latentes
qui se mélangent aux paroles gelées
même avec les deux narines
vous ne filtrez que le vent
ainsi je vais de strophe en strophe
traçant les vers comme des sillons
mesurant la distance
j’aimerais bien dormir
mais je repars vers l’aube avec ma main ardente
Un jour comme aujourd’hui
Aujourd’hui comme aujourd’hui
la pluie passe du soleil au vent
deux et deux font quatre et deux fois deux aussi
tandis que la poussière colle moins qu’on ne le pense
un jour comme celui-ci
vous devriez gratter jusqu’aux racines
vous devriez descendre au ras du cœur
et en extraire la racine carrée
il retrouvera tout seul sa énième puissance
un jour comme celui-ci
la pluie devrait compter double
et le soleil quadruple
vous pourriez revenir à vous-même
revenir au même et repartir plus loin
la lune n’est pas encore levée
et les heures jouent en votre faveur
ne laissez pas repartir à perte
les étoiles de plein jour
ne remplissez pas la coupe quand elle est déjà pleine
ne battez pas votre coulpe à la petite semaine
un jour comme aujourd’hui
il demi-pleut
et le soleil est à peine humide
c’est le moment tout indiqué pour avancer sur vos deux pieds
pour habiter de l’intérieur votre espèce tout humaine
Saine ou sauve ?
La poésie est-elle une maladie ?
c’est un peu la question que vous posiez
mais vous n’aviez pas de réponse
c’est bien normal, elle ne répond pas
elle parle mais elle ne répond pas
mais si par hasard vous êtes
vous-même un peu malade
elle a peut-être
elle pourrait bien avoir
la même maladie que vous
(poèmes inédits, à paraître en 2009 dans la revue australienne
The AALitra Review, avec traductions de Chris Andrews)
Le poème et l’auteur
Si ce poème veut aller jusqu’au bout
il va devoir y mettre du sien
car l’auteur pour le moment n’a pas rien de mûr à lui soumettre
entre parenthèses
quant à l’accélération de l’effet de serre et à ses conséquences possibles
entre crochets
sur l’accumulation des effets de guerre
car l’auteur se gardera bien de penser à la place du poème
entre guillemets
si ce n’est déjà fait
Ce poème a plutôt l’air parti
quant à lui
dans la direction des promesses à tenir entre générations
et qui ne font pas l’unanimité
il se pose ainsi la question de savoir
mais sans s’y investir inconsidérément
si les fonds de pension se tailleront longtemps la part du lion
il s’interroge à propos de la transmission du patrimoine et de ses effets pervers
à propos de la transmission de la pauvreté et de ses victimes ciblées
lui-même au demeurant
par correction ou loyauté
voyage toujours à vide
et c’est aussi pour lui une question d’hygiène mentale
si les loups sortent du bois il aurait tort de détourner les yeux
ou si la manne tombe avec la neige il doit être l’une et l’autre
et la descente et le réceptacle
puis si un détail de vocabulaire vient à lui manquer
il pourra toujours consulter l’auteur
il faut bien que l’auteur joue un rôle dans l’écriture de son poème
après tout
c’est quand même lui qui signe
Portrait ambulant
Le poète
ce veilleur sans sommeil
n’a pas pris la voie la plus directe
pour aller droit devant lui
il y arrivera en bout de course
sans avoir fait que marcher
il voit déjà, il ne voit pas
les cercles lumineux à l’horizon
parfois il s’assied
pour reposer son âme
qui a pris la vie bien au sérieux
il laisse respirer son âme
fort attachée tout compte fait
à ce corps de passage
il trouve des mots avec son âme
il les teste avec elle
marchant marchant
ils écrivent ils écrivent
ils s’épaulent ils s’épaulent
ils se sont longtemps demandé
lequel des deux à la fin
partirait à cause de l’autre
ils n’y songent plus guère
à présent
tant ils se sentent interchangeables
indissociables
ils s’attendraient plutôt
s’ils doivent s’attendre à quelque chose
à une dernière lévitation
(inédits, à paraître en 2009 dans la revue australienne Wet Ink,
avec traductions de Chris Andrews, et au Temps des Cerises
dans Veilleur sans sommeil, poèmes 1974-2008)
Respiration
Comment ne pas redire
le glissement de la matière
sur elle-même
l’air est chargé de poudre de blé
c’est le vent qui le pousse
la tige tire sur les racines
on est en voyage au sein des éléments
opérationnels de temps immémorial
nous n’avons que des yeux à offrir
le ciel plombe
la matière tient bon
nous n’avons pour présence que nos yeux
pendant ce temps et pour toujours
le monde en rut
respire de toutes ses composantes
(poème paru dans Méditerranée – D’une terre l’autre,
d’Adrienne Arth, Paris, éditions de l’Amandier, 2007)
Où va la nuit ?
Sans sortir du décor il arrive
néanmoins qu'on y entre
plus brusquement que prévu et c'est
alors la fosse aux lamentations
avec les pneus qui fument et
les poitrines qui saignent.
Le mal est déjà fait quand le
vertige arrive. La route battait
dans tous les sens, les arbres
suivaient, puis c'est le ciel qui
a capoté. On perd parfois son
nom dans de telles circonstances
et qui sait lorsqu'il se
réincarne sur une pierre tombale
si le calme est revenu dans le
corps sous la terre
ou si défilent encore
devant lui des phares
des coudes des portières
des morceaux de chaussures
contre une croûte d'étoiles
bloquée là à jamais.
(paru dans les Pièces du paysage, livre d’artiste avec Sarah Wiame
et traductions anglaises de Susan Wicks, Paris, Céphéides, 2006)
Parbleu !
Si j'étais Dieu
moi
en supposant que j'existe
je ne serais pas toujours fier
je crois
de mes propres croyants
si j'étais Dieu
mon vieux
avec une cravate bleue
et des semelles cloutées
je n'apprécierais guère
crois-moi
qu'on me prie à tous vents
bouche en cœur ou poings fermés
pour faire la guerre dans la foulée
à mon troupeau de non-croyants
si j'étais Dieu
pardi
sur le bord du grand fleuve
à regarder passer les baleines
je ne prêterais pas l'oreille
aux querelles de mes monothéistes
je pourrais même en venir
qui sait
à ne plus croire en eux
Fussé-je Dieu
mon Dieu
à la jonction de l'espace-temps
dans la lumière de la nuit noire
je finirais peut-être par me dissoudre
dans l'étendue de ma nature
je finirais peut-être par oublier
ma propre présence dans ce monde en roue libre
et pour un temps
comment savoir
redevenir moi-même athée
(Parbleu ! poème avec avec acrylique originale
d’Erolf Totort, Paris, TranSignum, 2008)