BIOBIBLIOGRAPHIE
Jean-Louis Clarac est né en 1951 à Limoux, dans la rigole des Corbières. Il vit à Aurillac, au pied du volcan. Il est membre du comité de rédaction d’Encres Vives, et de l’association internationale La Porte des Poètes.
Il est l’auteur à l’Université Toulouse-Mirail des travaux universitaires « Antonin Artaud ou la langue double » et « La langue poétique – Itinerrance dans la poésie de René Nelli ».
Il a obtenu le Prix Troubadours 2010 pour Passages au jardin et le Grand Prix de la Ville de Béziers 2011 pour Vers les confins.
Il anime depuis 2006 Les Moments poétiques au Théâtre d’Aurillac, où il a invité plus de 90 poètes.
Il participe depuis 1981 à des manifestations et des festivals de poésie : « Rencontres internationales des poésies contemporaines-Tribu » à Toulouse, « Les Journées de poésie des Ecrivains du Rouergue » à Rodez, « Lectures sous le cèdre » à Massiac, « La Maison des Mémoires-Joë Bousquet » à Carcassonne (2011) « Le mitan du chemin » à Camps la Source (2015), « Les Voix Vives » à Sète (2017).
En 1968 il fait la rencontre déterminante de René Nelli à Carcassonne. Dix ans plus tard il fait la connaissance de Ginette Augier, qui fut la « child wife » de Joë Bousquet. Peu après il découvre la revue-édition L’Ether Vague et se lie d’amitié avec son directeur de publication Patrice Thierry. Puis Serge Pey le publie en 1984 chez Tribu. Dans la même période Armand Gatti l’intègre dans deux de ses créations à L’Archéoptéryx, une adaptation d’une pièce de William Butler Yeats en lien avec la répression des Irlandais en Grande-Bretagne et une adaptation de « Compère Général Soleil » de Jacques Stephen Alexis. Ensuite il rencontre Michel Cosem et entre au comité de rédaction de sa revue Encres Vives en 1993.
Il publie poèmes et articles en revues : A contre silence, Loess, L' Ether Vague, Tribu, Encres Vives, Traces, Friches, Monde en Oc, Lo Convise, Froissart, La Sape, Souffles, Lieux d'être, Arpa, De l’autre côté du mur, Bulletin des Cahiers des amis de François Ozenda, Linea, Décharge, Diérèse, Triages, Saraswati, Nu(e), Spered Gouez, La sœur de l’ange, Coup de soleil …
Poésie :
- Le vacarme du monde (Fugitifs, Etrangers suivi de Chemins 1, Les hommes sont des arbres étranges précédé de Chemins 2), 3 recueils illustrés par Françoise Cuxac , rassemblés sous étui, réédité par Encres Vives, coll. Encres Blanches (2017)
- Ceux qui passent dans les saisons, Carnet des Lierles (2016)
- Visages, encres de Catherine Dupire, éditions le frau (2014) - Vibrations en partage, les moments poétiques 2006-2013, La Porte des Poètes-Théâtre d’Aurillac (2014)
- Lignes de Crète Fond d’Egée, Encres Vives, coll. Lieu (2012)
- Vers les confins, éd. Encre et Lumière (2012) - Le vacarme du monde, éd. de l’Atlantique (2011) - Passages au jardin, Cahiers de Poésie Verte (2010)
- Lisières, CD audio, musiques de Daniel Coste, poèmes dits par l’auteur, à la rêveuse matière (2007) - Laisses levées, Encres Vives (2005)
- Dans les traces, compositions de Françoise Cuxac, à la rêveuse matière (2005)
- Laisses brisées, Encres Vives (2003) - Lieux-dits du dépaysement, Panorama 2001, Jean-Pierre Metge (2001) - L’ibérante échappée, Encres Vives, coll. Lieu, (1999)
- Paysages de l'inépuisable, éd. Clapas (1998)
- Variations de l'inespéré, Traces (1995)
- Végétale orchestrée, Franche Lippée, éd. Clapas (1994)
- Fécos, Encres Vives (1993)
- Brèves solaires, Encres Vives (1993)
- Carnaval/Ode, L'Ether Vague (1985)
- Maquis le feu mis aux sarments, Tribu (1984)
- La terre a goût de langue, PA Edition (1982)
- Dans l'écart au coeur, Millas Martin (1978),
Livres d’artistes : près d’une vingtaine avec Françoise Cuxac, d’autres avec Michel Philippon, Thierry Lambert, Marie-Jeanne Faravel, Eric Démélis, Françoise Giraud-Grossi,
Livres pauvres (collections Daniel Leuwers) : avec Françoise Cuxac, Thierry Lambert,
Anthologies : « Le livre pauvre Autour de Paul Valéry », Donation Daniel Leuwers, Musée Paul Valéry/Sète, (2017) - « Voix Vives de méditerranée en méditerranée », Editions Bruno Doucey (2017) - « Liberté de créer, liberté de crier », PEN CLUB français, Editions Henry (2014) - « Visages de poésie (tome 6) », Jacques Basse, portraits crayon, Rafael de Surtis (2012) - « Terres d’Afrique », dirigé par Gabriel Okoundji, éditions NDZÉ (2012) - « Nous, la multitude », dirigé par Françoise Coulmin, éditions Le Temps des Cerises (2011) - « L’expérience poétique », éditions Saraswati (2009) - « L’année poétique 2009 », éditions Seghers (2009) - « Anthologie bilingue franco-latinoaméricaine », éditions La Porte des Poètes (1999) - L’infime l’infini, dans « Terres du Sud », (anthologie conçue et présentée par Gilles Lades) coll. Le vert sacré, Hautécriture (1994) - « Une échelle de poèmes pour Escalasud », Traces (1992),
Il a rassemblé les textes du numéro « spécial hommage : Joseph Delteil », Encres Vives (Juin 1994) et du numéro « Joë Bousquet », Encres Vives (Mai 1997). Il est l’auteur de Joë Bousquet : veilleur du non lieu, du silence, de l’irraison, dans « Joë Bousquet ou le génie de la vie », Cahier Joë Bousquet et son temps n° 2, sous la direction d’Alain Freixe (2000).
Il est répertorié sur les sites : http://www.printempsdespoetes.com et http://revue-texture.fr/
Articles sur sa poésie (extraits) :
« Les poèmes de JL Clarac sont hantés de brisures, de cassures, de ruptures. L’orage gronde, quand ce n’est pas le volcan. Toujours on est près de la fin, et de l’impensable : le silence. Comment faire la part du silence recueilli, « l’éblouissement du silence », « juste / ce qu’il faut / de silence / pour fleurir / le regard », et celui qui est en échec, abdication, quand on finit par se demander « à quoi bon parler », puisqu’aussi bien il ne s’en trouve « pas un pour rompre / le quignon du poème » ? » Philippe-Marie Bernadou, Encres Vives 354 spécial Jean-Louis Clarac
« Maquis le feu mis aux sarments entend « témoigner du monde au monde ». Constatant que « l’insuffisance est le plein de l’être », JL Clarac nous invite à « l’échappée belle ». A prendre le maquis, fût-ce en plein centre de Toulouse, ou « dans le clinquant de la nuit », ou même aux lisières du corps aimé. Une distance intérieure qui est refus de s’en laisser conter, un regard qui décortique les apparences, une ironie qui est résistance. » Pierre Maubé, Encres Vives 354
« Entre Déserts, Mondes et Terres se jouent ces Variations de l’inespéré de JL Clarac où se développe la quête indécise du lieu entre langage et matière, sur le fil tendu du poème. (…)
On le voit, nous sommes au sud, une terre que la parole poétique sait devoir arracher à la pesanteur qu’ici comme ailleurs les hommes lui infligent pour la rendre à des « mots lavés d’espoirs » qui « ont la fraîcheur / aurorale / après des nuits de givre ». Des mots qui dans les poèmes, ces lampes allumées dans la nuit, font ampoules, boules jaunes qu’un vent du soir anime. » Alain Freixe, Encres Vives 354
JL Clarac déclare que sa propre quête passe par la matière – « l’acte perdurant dans les restes » -, par l’ancrage en ce monde à travers ce qu’il voit, entend, sent, goûte et touche. Nulle hésitation quand il dit qu’il est très « terre à terre », matérialiste même et que sa recherche intérieure est « strictement humaine et terrestre ». Et d’ajouter qu’il est « plein des êtres, plein d’amour ». Cette empathie annoncée dépasse largement le « terre à terre » dont il s’enorgueillit. » Jean-Pierre Roque, Encres Vives 354
« C’est un être comblé, rassemblé, qui reçoit l’univers comme la force profonde de sa propre unité et c’est dans cet élan que JL Clarac peut écrire : « la vibration matérielle d’une durée sans fin » ; il immortalise désormais les traces du sens des choses, dans l’harmonie parfaite des mots livrés dans une partition exemplaire : « comme une absence en creux / est présence de la rondeur du jour / invisible ». Anne-Marie Bernad, Encres Vives 354
« Dans Laisses brisées il aborde le monde sous un autre aspect, celui de ses désordres, sa face obscure. Le poète doute et remet en question la parole poétique elle-même. Que vaut-elle face à un tel chaos ? « Autant penser que le poème / ne réussit jamais à se dire / comme si la bouche morcelait les mots / jusqu’à les vider de leur sens ». Chantal Dupuy-Dunier, Encres Vives 354
« Le recueil Fécos fait de Limoux et de son carnaval une « aphrodite Contrée » ; par ailleurs, la désorientation apparente y est une réordonnance intime. La pulsion érotique est à la source de cette « mostra du peuple » : au poète de la déchiffrer, à lui de dire le dionysiaque sans l’affadir, en suggérant par exemple qu’il préside à une sorte de magie primitive des échanges d’énergie : « se douer du feu d’autrui », qu’il est l’aliment comme naturel du baroque, qu’il fait naître des « fleurs sonores » chez les acteurs du carnaval. » Gilles Lades, Encres Vives 354
« Et c’est amoureusement que Chairs vient titrer un ensemble de poèmes de Maquis le feu mis aux sarments, dédié à Françoise, ta Dame et épouse : « J’écris avec la braise / la fleur absolue de l’amour de la vie / de l’amour de toi ». Avec cette Elégie des amants-joie s’inaugure une Erotique qui ne se démentira jamais, et nous mènera aux torrides Rythmes de Laisses Levées.
Il faut avouer que tes fréquentations littéraires ne pouvaient que te disposer à cela : du Joseph Delteil de « Sur le fleuve Amour » au René Nelli de l’essai « L’amour et les mythes du cœur », en passant par cette mystique de la volupté à l’œuvre chez Joë Bousquet, et ce lyrisme fidèlement énamouré d’un Jean Malrieu. » Claude Barrère, Encres Vives 354
« La colère, la rébellion contre l’ordre des choses, la purification par le feu, par le sang, par le sel de la mer, par l’insolence de l’enfance seront donc nécessaires, alors « la subversion propagera l’appel charnel », alors « dans l’aurore tremblée / la trame de la vie » car le monde convoité est celui « des vacarmes du désir », « du plaisir », « cette voix de sirène… qui mûrit le sourire des verges », celui des « sourires démesurés », « des prairies folles des rêves réalisés », celui où « les heures coulent leur douce voie », un monde enfin où « l’horizon est définissable », où « le soleil court pour nous ».
Poète de la recherche éperdue d’un univers épuré, la poésie de JL Clarac est une poésie de l’élan vital, peut-être, avant toute chose. » Annie Briet, Encres Vives 354
« Lisières. Divisé en deux parties (« Lisières », « Orbe ») ce recueil (de 20 pages) est illustré par Françoise Cuxac et ses huit compositions convergeant vers le détail (nervures de feuilles, l’œil et son cristallin). « De l’axe de l’œil » à « la boucle du temps », de « l’ellipse du jour » « au dépliement du rêve », les poèmes de Jean-Louis Clarac oscillent entre petitesse (du lieu intime) et grandeur (de l’espace). Par des chemins de mots et d’images, Jean-Louis Clarac nous conduit aux franges de l’impossible et l’espace fendu par le vent se superpose (comme un palimpseste) étrangement à la faille de l’intime. » Gérard Paris, Diérèse 46
« Lignes de Crète Fond d’Egée. Chaque page de cette évocation d’un voyage en Crète comporte deux volets : un poème et un récit en prose au gré des circonstances. De sorte que c’est le carnet de voyage qui donne un crédit supplémentaire à l’engagement lyrique, bien que chacun des deux registres ait son autonomie.
Le récit se tisse d’observations et de notes sur l’accueil, la gastronomie, les coutumes et les traditions, les échappées sur le paysage : « Un triangle bleu entre les collines plutôt ocres et vertes. La mer ». (…)
Un des points de focalisation est la manière d’être des Crétois : « le calme qui les habite » … « cette superbe posture » … « jour après jour / ils vérifient la présence / du soleil ». Entre deux strophes surgit le secret (ils sont) « forts de l’expérience / de l’éternité renouvelée ». Eloignés de l’artifice, et comme insensibles aux manipulations monétaires actuelles. (…)
La dernière halte à Cnossos assume et dépasse les impressions diffuses : facilité, grâce, attente, lumière du bleu, comme si cette civilisation avait résolu, un temps, l’éternelle équation humaine :
« Dans les jarres palpitent les mythes / ils perdurent jusqu’à ce jour / qui nous imprègne de ce feu et de / cette eau lustrale ». » Gilles Lades, Friches 113
« Passages au jardin. Tant chez le troubadour médiéval que chez le slameur du 9/3, il s’agit d’installer la friche dans la parole, le poème dans les conditions de la vie réelle. A cet égard, le jardinage en est bien plus qu’une poétique métaphore intéressante, c’est un faire-valoir poétique concret particulièrement pertinent : « dans la terre germent les mots / et les mots déterrent le sens » ; que dire de plus à propos de la fonction de la poésie ? Ce livre rappelle les fondamentaux de la poésie entre raison d’être du verger et son vertige aussi, Francis Ponge comme un épouvantail ou encore les lombrics qui subliment l’action du jardinier : la main à la charrue est la même que celle qui tient la plume. Louis Dubost, Décharge 149
« Passages au jardin. Faire pousser des mots comme on le fait des fleurs ou des légumes : la tentation est grande de filler la métaphore et Jean-Louis Clarac avoue se risquer « au passage de la friche au poème ».
Francis Ponge passe furtivement dans les allées à l’évocation des choses et du parti pris de leur donner la parole. Il me semble que Jean-Louis Clarac est en quête de ce dialogue, mots et choses se répondant. Car au jardin, on apprend aussi à « écouter la langue dans ses murmures de feuilles » Michel Baglin Texture
« Vers les confins. Poèmes de marcheur, ouvert sur les paysages alpins, qui cheminent sur les crêtes et dans les éboulis, « en étrange pays », « entre imaginaire et réel », en lisières donc. Ainsi Jean-Louis Clarac dit-il le vertige du marcheur et l’étonnement des vivants. Non, « la marche n’épuise pas la séparation », car nous restons « étrangers au territoire », ce qui n’interdit ni les enchantements ni l’ivresse. Et au-delà de la beauté des choses et des sentes rocailleuses, ce qui importe tient à ces « quelques lieux habitables / Le parage des mots /Les regards échangés / Les gestes partagés ». Michel Baglin, Texture
«Vers les confins. En ces lieux, l’homme n’attiserait-il les puissances du monde que pour les fuir au plus vite ? La dévotion au plus dépouillé du paysage et à l’héritage ancestral : falaise, abri de berger, oratoire, serait-elle vaine ? Non, car :
« Dans l’encadrement de la crête / enfin atteinte / l’ivresse nous emporte jusqu’à / la roue jubilante / du parage ». » Gilles Lades, Friches 115
« Vers les confins. (…) Un poème (oui un seul poème en fait si l’on y regarde de près) de marcheur attentif, patient, délicat, je dirais même scrupuleux (en atteste un lexique très ouvragé) ou, pour le dire mieux, et j’y reviendrai : aimant. Un marcheur qui sait si bien que le paysage est à la fois étrange et familier et que le familier est justement dans l’étrange, l’étrange dans le familier. (…)
J’aime que Jean-Louis Clarac écrive « à bout de silence » mais aussi au bout de la sueur : « le chemin est ardent/ qui mène à la sueur ». Pour aimer il faut gravir, pour écrire aussi : « Pays porté à la transe/ par les sentes rocailleuses/ par des cahots de langues ». Au bout « tout devient léger et sucré/ et facile et si simple »
J’ose une métaphore, si le paysage est poème, la marche vers les confins, cette lente et ardente ascension jusqu’à la sueur, est acte d’amour en même temps qu’écriture. Au bout du chemin, gravi sans nul doute avec la compagne Françoise, quand, encore une fois, « tout devient léger et sucré », s’illumine l’autre visage dans un sourire, un liseré gratuit, comme un interstice « entre langue et terre ». Comme l’offrande du vivant. L’éternel du présent… »
« Le vacarme du monde. Aller en chemin vers les confins ne transforme pas Jean-Louis Clarac en un ermite qui déserterait le monde et ses misères et ses injustices. Le chemin de Jean-Louis ne mène pas à une tour d’ivoire. Tout au contraire il est sans doute ce recueillement nécessaire pour revenir avec une lucidité encore plus étincelante vers ce monde d’en bas, ce monde de l’usine, de la misère, de l’injustice. De la « Barbarie civilisée ». Il faut vivre le bonheur du marcheur et de l’amour pour pouvoir plus justement sans doute dénoncer l’ignominie. (…)
Et quand alors le marcheur « se dérobe » justement, ou semble se dérober, « au vacarme du monde » il en accuse encore plus fortement les « fossoyeurs des mots » qui sont « ces mêmes fossoyeurs des hommes parfois ». Il n’en dénonce que plus fortement « l’ordre ordurier/ des marchands de poudre aux yeux ».
L’autre voix doit passer par-dessus le vacarme du monde. Plus que voix elle est parfois vomissure et : « Y aura-t-il assez de vomissures/ Pour recouvrir leur abjection ordinaire ». (…)
Voix fraternelle, près des fugitifs et des étrangers d’abord en ce qu’ils sont sans doute la plus parfaite image de l’exploitation, voix fraternelle qui ne prend pas de gant pour accuser ce « sourire acéré des héritiers » qui « plante sa lame /dans le cœur des hommes ». Voix fraternelle qui prend les mots à bras le corps et tend le poing contre les trafics : « trafic d’homme / trafic de femme / trafic d’âme / trafic de larme / trafic de mort » Guy Allix, Spered Gouez 20, (Extrait de Jean-Louis Clarac à hauteur d’homme)
« Le vacarme du monde aux éditions de l’Atlantique est un cri de colère. Et si l’on peut parler d’une poésie de courage, alors c’est bien celle de Jean-Louis Clarac. Poésie jaillie du cœur et animée par la passion de parler vrai, ce texte clame haut et fort l’injustice de ce monde. Il est difficile d’écrire une poésie engagée qui soit belle en même temps mais ce livre y parvient où chaque mot a son poids de sincérité. Poésie de l’homme qui refuse de céder aux tentations de la facilité. Poésie de la souffrance et de la passion qui anime celui qui veut ouvrir les yeux. » Jean-Pierre Farines, ARPA 104
« Le vacarme du monde est un recueil humaniste et engagé qui se compose de quatre parties. Dans la première, Fugitifs, Jean-Louis Clarac parle de ces hommes qui fuient leur pays, et ce n’est pas d’apitoiement qu’il s’agit, mais d’admiration devant la grandeur des rêves qui les animent. (…)S’ensuit une critique féroce du capitalisme et de son corollaire, la misère.
(…)La seconde partie, Etranger(s), évoque ces hommes venus d’ailleurs, et que l’auteur considère comme des frères de cœur, êtres pétris de vie et d’humanité. (…)Dans Chemins, il est question de passage, de marche, d’errance, et de la relation de l’homme au monde. A l’écoute du chant / qui s’ élève / dans la parcelle du monde / le passant d’un même geste / embrasse / l’astre et le paysage. (…)La dernière partie est à mon sens la plus belle, parce que métaphorique : Les hommes sont des arbres / étranges/ les racines enfouies dans leur tête / puisent au terreau des mots / ce qui exhausse leur silhouette / aller là-bas / toujours plus loin / derrière l’horizon (…) Les hommes sont des arbres / déracinés / on les suit à la trace / sur les chemins qu’ils inventent / sur les chemins de fuite / ils ont des mots plein la tête / des mots de feuilles / des mots d’oiseaux / des mots de vents. » Valéry Canat de Chizy, Verso
Il est l’auteur à l’Université Toulouse-Mirail des travaux universitaires « Antonin Artaud ou la langue double » et « La langue poétique – Itinerrance dans la poésie de René Nelli ».
Il a obtenu le Prix Troubadours 2010 pour Passages au jardin et le Grand Prix de la Ville de Béziers 2011 pour Vers les confins.
Il anime depuis 2006 Les Moments poétiques au Théâtre d’Aurillac, où il a invité plus de 90 poètes.
Il participe depuis 1981 à des manifestations et des festivals de poésie : « Rencontres internationales des poésies contemporaines-Tribu » à Toulouse, « Les Journées de poésie des Ecrivains du Rouergue » à Rodez, « Lectures sous le cèdre » à Massiac, « La Maison des Mémoires-Joë Bousquet » à Carcassonne (2011) « Le mitan du chemin » à Camps la Source (2015), « Les Voix Vives » à Sète (2017).
En 1968 il fait la rencontre déterminante de René Nelli à Carcassonne. Dix ans plus tard il fait la connaissance de Ginette Augier, qui fut la « child wife » de Joë Bousquet. Peu après il découvre la revue-édition L’Ether Vague et se lie d’amitié avec son directeur de publication Patrice Thierry. Puis Serge Pey le publie en 1984 chez Tribu. Dans la même période Armand Gatti l’intègre dans deux de ses créations à L’Archéoptéryx, une adaptation d’une pièce de William Butler Yeats en lien avec la répression des Irlandais en Grande-Bretagne et une adaptation de « Compère Général Soleil » de Jacques Stephen Alexis. Ensuite il rencontre Michel Cosem et entre au comité de rédaction de sa revue Encres Vives en 1993.
Il publie poèmes et articles en revues : A contre silence, Loess, L' Ether Vague, Tribu, Encres Vives, Traces, Friches, Monde en Oc, Lo Convise, Froissart, La Sape, Souffles, Lieux d'être, Arpa, De l’autre côté du mur, Bulletin des Cahiers des amis de François Ozenda, Linea, Décharge, Diérèse, Triages, Saraswati, Nu(e), Spered Gouez, La sœur de l’ange, Coup de soleil …
Poésie :
- Le vacarme du monde (Fugitifs, Etrangers suivi de Chemins 1, Les hommes sont des arbres étranges précédé de Chemins 2), 3 recueils illustrés par Françoise Cuxac , rassemblés sous étui, réédité par Encres Vives, coll. Encres Blanches (2017)
- Ceux qui passent dans les saisons, Carnet des Lierles (2016)
- Visages, encres de Catherine Dupire, éditions le frau (2014) - Vibrations en partage, les moments poétiques 2006-2013, La Porte des Poètes-Théâtre d’Aurillac (2014)
- Lignes de Crète Fond d’Egée, Encres Vives, coll. Lieu (2012)
- Vers les confins, éd. Encre et Lumière (2012) - Le vacarme du monde, éd. de l’Atlantique (2011) - Passages au jardin, Cahiers de Poésie Verte (2010)
- Lisières, CD audio, musiques de Daniel Coste, poèmes dits par l’auteur, à la rêveuse matière (2007) - Laisses levées, Encres Vives (2005)
- Dans les traces, compositions de Françoise Cuxac, à la rêveuse matière (2005)
- Laisses brisées, Encres Vives (2003) - Lieux-dits du dépaysement, Panorama 2001, Jean-Pierre Metge (2001) - L’ibérante échappée, Encres Vives, coll. Lieu, (1999)
- Paysages de l'inépuisable, éd. Clapas (1998)
- Variations de l'inespéré, Traces (1995)
- Végétale orchestrée, Franche Lippée, éd. Clapas (1994)
- Fécos, Encres Vives (1993)
- Brèves solaires, Encres Vives (1993)
- Carnaval/Ode, L'Ether Vague (1985)
- Maquis le feu mis aux sarments, Tribu (1984)
- La terre a goût de langue, PA Edition (1982)
- Dans l'écart au coeur, Millas Martin (1978),
Livres d’artistes : près d’une vingtaine avec Françoise Cuxac, d’autres avec Michel Philippon, Thierry Lambert, Marie-Jeanne Faravel, Eric Démélis, Françoise Giraud-Grossi,
Livres pauvres (collections Daniel Leuwers) : avec Françoise Cuxac, Thierry Lambert,
Anthologies : « Le livre pauvre Autour de Paul Valéry », Donation Daniel Leuwers, Musée Paul Valéry/Sète, (2017) - « Voix Vives de méditerranée en méditerranée », Editions Bruno Doucey (2017) - « Liberté de créer, liberté de crier », PEN CLUB français, Editions Henry (2014) - « Visages de poésie (tome 6) », Jacques Basse, portraits crayon, Rafael de Surtis (2012) - « Terres d’Afrique », dirigé par Gabriel Okoundji, éditions NDZÉ (2012) - « Nous, la multitude », dirigé par Françoise Coulmin, éditions Le Temps des Cerises (2011) - « L’expérience poétique », éditions Saraswati (2009) - « L’année poétique 2009 », éditions Seghers (2009) - « Anthologie bilingue franco-latinoaméricaine », éditions La Porte des Poètes (1999) - L’infime l’infini, dans « Terres du Sud », (anthologie conçue et présentée par Gilles Lades) coll. Le vert sacré, Hautécriture (1994) - « Une échelle de poèmes pour Escalasud », Traces (1992),
Il a rassemblé les textes du numéro « spécial hommage : Joseph Delteil », Encres Vives (Juin 1994) et du numéro « Joë Bousquet », Encres Vives (Mai 1997). Il est l’auteur de Joë Bousquet : veilleur du non lieu, du silence, de l’irraison, dans « Joë Bousquet ou le génie de la vie », Cahier Joë Bousquet et son temps n° 2, sous la direction d’Alain Freixe (2000).
Il est répertorié sur les sites : http://www.printempsdespoetes.com et http://revue-texture.fr/
Articles sur sa poésie (extraits) :
« Les poèmes de JL Clarac sont hantés de brisures, de cassures, de ruptures. L’orage gronde, quand ce n’est pas le volcan. Toujours on est près de la fin, et de l’impensable : le silence. Comment faire la part du silence recueilli, « l’éblouissement du silence », « juste / ce qu’il faut / de silence / pour fleurir / le regard », et celui qui est en échec, abdication, quand on finit par se demander « à quoi bon parler », puisqu’aussi bien il ne s’en trouve « pas un pour rompre / le quignon du poème » ? » Philippe-Marie Bernadou, Encres Vives 354 spécial Jean-Louis Clarac
« Maquis le feu mis aux sarments entend « témoigner du monde au monde ». Constatant que « l’insuffisance est le plein de l’être », JL Clarac nous invite à « l’échappée belle ». A prendre le maquis, fût-ce en plein centre de Toulouse, ou « dans le clinquant de la nuit », ou même aux lisières du corps aimé. Une distance intérieure qui est refus de s’en laisser conter, un regard qui décortique les apparences, une ironie qui est résistance. » Pierre Maubé, Encres Vives 354
« Entre Déserts, Mondes et Terres se jouent ces Variations de l’inespéré de JL Clarac où se développe la quête indécise du lieu entre langage et matière, sur le fil tendu du poème. (…)
On le voit, nous sommes au sud, une terre que la parole poétique sait devoir arracher à la pesanteur qu’ici comme ailleurs les hommes lui infligent pour la rendre à des « mots lavés d’espoirs » qui « ont la fraîcheur / aurorale / après des nuits de givre ». Des mots qui dans les poèmes, ces lampes allumées dans la nuit, font ampoules, boules jaunes qu’un vent du soir anime. » Alain Freixe, Encres Vives 354
JL Clarac déclare que sa propre quête passe par la matière – « l’acte perdurant dans les restes » -, par l’ancrage en ce monde à travers ce qu’il voit, entend, sent, goûte et touche. Nulle hésitation quand il dit qu’il est très « terre à terre », matérialiste même et que sa recherche intérieure est « strictement humaine et terrestre ». Et d’ajouter qu’il est « plein des êtres, plein d’amour ». Cette empathie annoncée dépasse largement le « terre à terre » dont il s’enorgueillit. » Jean-Pierre Roque, Encres Vives 354
« C’est un être comblé, rassemblé, qui reçoit l’univers comme la force profonde de sa propre unité et c’est dans cet élan que JL Clarac peut écrire : « la vibration matérielle d’une durée sans fin » ; il immortalise désormais les traces du sens des choses, dans l’harmonie parfaite des mots livrés dans une partition exemplaire : « comme une absence en creux / est présence de la rondeur du jour / invisible ». Anne-Marie Bernad, Encres Vives 354
« Dans Laisses brisées il aborde le monde sous un autre aspect, celui de ses désordres, sa face obscure. Le poète doute et remet en question la parole poétique elle-même. Que vaut-elle face à un tel chaos ? « Autant penser que le poème / ne réussit jamais à se dire / comme si la bouche morcelait les mots / jusqu’à les vider de leur sens ». Chantal Dupuy-Dunier, Encres Vives 354
« Le recueil Fécos fait de Limoux et de son carnaval une « aphrodite Contrée » ; par ailleurs, la désorientation apparente y est une réordonnance intime. La pulsion érotique est à la source de cette « mostra du peuple » : au poète de la déchiffrer, à lui de dire le dionysiaque sans l’affadir, en suggérant par exemple qu’il préside à une sorte de magie primitive des échanges d’énergie : « se douer du feu d’autrui », qu’il est l’aliment comme naturel du baroque, qu’il fait naître des « fleurs sonores » chez les acteurs du carnaval. » Gilles Lades, Encres Vives 354
« Et c’est amoureusement que Chairs vient titrer un ensemble de poèmes de Maquis le feu mis aux sarments, dédié à Françoise, ta Dame et épouse : « J’écris avec la braise / la fleur absolue de l’amour de la vie / de l’amour de toi ». Avec cette Elégie des amants-joie s’inaugure une Erotique qui ne se démentira jamais, et nous mènera aux torrides Rythmes de Laisses Levées.
Il faut avouer que tes fréquentations littéraires ne pouvaient que te disposer à cela : du Joseph Delteil de « Sur le fleuve Amour » au René Nelli de l’essai « L’amour et les mythes du cœur », en passant par cette mystique de la volupté à l’œuvre chez Joë Bousquet, et ce lyrisme fidèlement énamouré d’un Jean Malrieu. » Claude Barrère, Encres Vives 354
« La colère, la rébellion contre l’ordre des choses, la purification par le feu, par le sang, par le sel de la mer, par l’insolence de l’enfance seront donc nécessaires, alors « la subversion propagera l’appel charnel », alors « dans l’aurore tremblée / la trame de la vie » car le monde convoité est celui « des vacarmes du désir », « du plaisir », « cette voix de sirène… qui mûrit le sourire des verges », celui des « sourires démesurés », « des prairies folles des rêves réalisés », celui où « les heures coulent leur douce voie », un monde enfin où « l’horizon est définissable », où « le soleil court pour nous ».
Poète de la recherche éperdue d’un univers épuré, la poésie de JL Clarac est une poésie de l’élan vital, peut-être, avant toute chose. » Annie Briet, Encres Vives 354
« Lisières. Divisé en deux parties (« Lisières », « Orbe ») ce recueil (de 20 pages) est illustré par Françoise Cuxac et ses huit compositions convergeant vers le détail (nervures de feuilles, l’œil et son cristallin). « De l’axe de l’œil » à « la boucle du temps », de « l’ellipse du jour » « au dépliement du rêve », les poèmes de Jean-Louis Clarac oscillent entre petitesse (du lieu intime) et grandeur (de l’espace). Par des chemins de mots et d’images, Jean-Louis Clarac nous conduit aux franges de l’impossible et l’espace fendu par le vent se superpose (comme un palimpseste) étrangement à la faille de l’intime. » Gérard Paris, Diérèse 46
« Lignes de Crète Fond d’Egée. Chaque page de cette évocation d’un voyage en Crète comporte deux volets : un poème et un récit en prose au gré des circonstances. De sorte que c’est le carnet de voyage qui donne un crédit supplémentaire à l’engagement lyrique, bien que chacun des deux registres ait son autonomie.
Le récit se tisse d’observations et de notes sur l’accueil, la gastronomie, les coutumes et les traditions, les échappées sur le paysage : « Un triangle bleu entre les collines plutôt ocres et vertes. La mer ». (…)
Un des points de focalisation est la manière d’être des Crétois : « le calme qui les habite » … « cette superbe posture » … « jour après jour / ils vérifient la présence / du soleil ». Entre deux strophes surgit le secret (ils sont) « forts de l’expérience / de l’éternité renouvelée ». Eloignés de l’artifice, et comme insensibles aux manipulations monétaires actuelles. (…)
La dernière halte à Cnossos assume et dépasse les impressions diffuses : facilité, grâce, attente, lumière du bleu, comme si cette civilisation avait résolu, un temps, l’éternelle équation humaine :
« Dans les jarres palpitent les mythes / ils perdurent jusqu’à ce jour / qui nous imprègne de ce feu et de / cette eau lustrale ». » Gilles Lades, Friches 113
« Passages au jardin. Tant chez le troubadour médiéval que chez le slameur du 9/3, il s’agit d’installer la friche dans la parole, le poème dans les conditions de la vie réelle. A cet égard, le jardinage en est bien plus qu’une poétique métaphore intéressante, c’est un faire-valoir poétique concret particulièrement pertinent : « dans la terre germent les mots / et les mots déterrent le sens » ; que dire de plus à propos de la fonction de la poésie ? Ce livre rappelle les fondamentaux de la poésie entre raison d’être du verger et son vertige aussi, Francis Ponge comme un épouvantail ou encore les lombrics qui subliment l’action du jardinier : la main à la charrue est la même que celle qui tient la plume. Louis Dubost, Décharge 149
« Passages au jardin. Faire pousser des mots comme on le fait des fleurs ou des légumes : la tentation est grande de filler la métaphore et Jean-Louis Clarac avoue se risquer « au passage de la friche au poème ».
Francis Ponge passe furtivement dans les allées à l’évocation des choses et du parti pris de leur donner la parole. Il me semble que Jean-Louis Clarac est en quête de ce dialogue, mots et choses se répondant. Car au jardin, on apprend aussi à « écouter la langue dans ses murmures de feuilles » Michel Baglin Texture
« Vers les confins. Poèmes de marcheur, ouvert sur les paysages alpins, qui cheminent sur les crêtes et dans les éboulis, « en étrange pays », « entre imaginaire et réel », en lisières donc. Ainsi Jean-Louis Clarac dit-il le vertige du marcheur et l’étonnement des vivants. Non, « la marche n’épuise pas la séparation », car nous restons « étrangers au territoire », ce qui n’interdit ni les enchantements ni l’ivresse. Et au-delà de la beauté des choses et des sentes rocailleuses, ce qui importe tient à ces « quelques lieux habitables / Le parage des mots /Les regards échangés / Les gestes partagés ». Michel Baglin, Texture
«Vers les confins. En ces lieux, l’homme n’attiserait-il les puissances du monde que pour les fuir au plus vite ? La dévotion au plus dépouillé du paysage et à l’héritage ancestral : falaise, abri de berger, oratoire, serait-elle vaine ? Non, car :
« Dans l’encadrement de la crête / enfin atteinte / l’ivresse nous emporte jusqu’à / la roue jubilante / du parage ». » Gilles Lades, Friches 115
« Vers les confins. (…) Un poème (oui un seul poème en fait si l’on y regarde de près) de marcheur attentif, patient, délicat, je dirais même scrupuleux (en atteste un lexique très ouvragé) ou, pour le dire mieux, et j’y reviendrai : aimant. Un marcheur qui sait si bien que le paysage est à la fois étrange et familier et que le familier est justement dans l’étrange, l’étrange dans le familier. (…)
J’aime que Jean-Louis Clarac écrive « à bout de silence » mais aussi au bout de la sueur : « le chemin est ardent/ qui mène à la sueur ». Pour aimer il faut gravir, pour écrire aussi : « Pays porté à la transe/ par les sentes rocailleuses/ par des cahots de langues ». Au bout « tout devient léger et sucré/ et facile et si simple »
J’ose une métaphore, si le paysage est poème, la marche vers les confins, cette lente et ardente ascension jusqu’à la sueur, est acte d’amour en même temps qu’écriture. Au bout du chemin, gravi sans nul doute avec la compagne Françoise, quand, encore une fois, « tout devient léger et sucré », s’illumine l’autre visage dans un sourire, un liseré gratuit, comme un interstice « entre langue et terre ». Comme l’offrande du vivant. L’éternel du présent… »
« Le vacarme du monde. Aller en chemin vers les confins ne transforme pas Jean-Louis Clarac en un ermite qui déserterait le monde et ses misères et ses injustices. Le chemin de Jean-Louis ne mène pas à une tour d’ivoire. Tout au contraire il est sans doute ce recueillement nécessaire pour revenir avec une lucidité encore plus étincelante vers ce monde d’en bas, ce monde de l’usine, de la misère, de l’injustice. De la « Barbarie civilisée ». Il faut vivre le bonheur du marcheur et de l’amour pour pouvoir plus justement sans doute dénoncer l’ignominie. (…)
Et quand alors le marcheur « se dérobe » justement, ou semble se dérober, « au vacarme du monde » il en accuse encore plus fortement les « fossoyeurs des mots » qui sont « ces mêmes fossoyeurs des hommes parfois ». Il n’en dénonce que plus fortement « l’ordre ordurier/ des marchands de poudre aux yeux ».
L’autre voix doit passer par-dessus le vacarme du monde. Plus que voix elle est parfois vomissure et : « Y aura-t-il assez de vomissures/ Pour recouvrir leur abjection ordinaire ». (…)
Voix fraternelle, près des fugitifs et des étrangers d’abord en ce qu’ils sont sans doute la plus parfaite image de l’exploitation, voix fraternelle qui ne prend pas de gant pour accuser ce « sourire acéré des héritiers » qui « plante sa lame /dans le cœur des hommes ». Voix fraternelle qui prend les mots à bras le corps et tend le poing contre les trafics : « trafic d’homme / trafic de femme / trafic d’âme / trafic de larme / trafic de mort » Guy Allix, Spered Gouez 20, (Extrait de Jean-Louis Clarac à hauteur d’homme)
« Le vacarme du monde aux éditions de l’Atlantique est un cri de colère. Et si l’on peut parler d’une poésie de courage, alors c’est bien celle de Jean-Louis Clarac. Poésie jaillie du cœur et animée par la passion de parler vrai, ce texte clame haut et fort l’injustice de ce monde. Il est difficile d’écrire une poésie engagée qui soit belle en même temps mais ce livre y parvient où chaque mot a son poids de sincérité. Poésie de l’homme qui refuse de céder aux tentations de la facilité. Poésie de la souffrance et de la passion qui anime celui qui veut ouvrir les yeux. » Jean-Pierre Farines, ARPA 104
« Le vacarme du monde est un recueil humaniste et engagé qui se compose de quatre parties. Dans la première, Fugitifs, Jean-Louis Clarac parle de ces hommes qui fuient leur pays, et ce n’est pas d’apitoiement qu’il s’agit, mais d’admiration devant la grandeur des rêves qui les animent. (…)S’ensuit une critique féroce du capitalisme et de son corollaire, la misère.
(…)La seconde partie, Etranger(s), évoque ces hommes venus d’ailleurs, et que l’auteur considère comme des frères de cœur, êtres pétris de vie et d’humanité. (…)Dans Chemins, il est question de passage, de marche, d’errance, et de la relation de l’homme au monde. A l’écoute du chant / qui s’ élève / dans la parcelle du monde / le passant d’un même geste / embrasse / l’astre et le paysage. (…)La dernière partie est à mon sens la plus belle, parce que métaphorique : Les hommes sont des arbres / étranges/ les racines enfouies dans leur tête / puisent au terreau des mots / ce qui exhausse leur silhouette / aller là-bas / toujours plus loin / derrière l’horizon (…) Les hommes sont des arbres / déracinés / on les suit à la trace / sur les chemins qu’ils inventent / sur les chemins de fuite / ils ont des mots plein la tête / des mots de feuilles / des mots d’oiseaux / des mots de vents. » Valéry Canat de Chizy, Verso
EXTRAITS
POEMES (choisis dans les recueils publiés)
L’ibérante échappée, 1999, Encres Vives
Dans la peupleraie à portée de sanglot
de Fuente Vaqueros
quel est l’oiseau qui porte ta voix
Federico
jusqu’à la blancheur de la sierra là-bas
quelle est la feuille d’or
qui bruit de ton génie
Quel est ce pleur quel est ce rire que nous propageons
parmi les feuilles et les oiseaux
sinon ceux de tous les enfants-poètes
qui égrènent le Cante Jondo
sur le luth que caresse le vent de l’inoubli
*
Dans les traces, 2005, A la rêveuse matière
Entre présence
et absence
dans l’entre-deux
intermittente ou
résurgente
comme en un dépliement
de rêve
lentement palpite
la fleur légère
ou
l’éphémère plume
ce je ne sais quoi
d’évanescence tangible
de la patience
désirable
*
Passages au jardin, Prix Troubadours 2010, Cahiers de Poésie Verte
Mottes
Errement terrement
de la terre à sa motte
écoulement des sens
de matière en matière
fragile grenue
les sens du tangible
subliment le printemps
friables les mots
arides les paroles
poussières les écrits
*
Passages au jardin, Prix Troubadours 2010, Cahiers de Poésie Verte
Ivre du vent
le regard découvre
l’espace
Ondoyante vastitude
de l’insoupçonnable
Des astres au chiendent
le territoire en ses limites
natales et dérisoires
que dépayse l’étrange
Dans la frondaison
énigmes de la matière
toujours grisantes
C’est du silence
qu’un des fouaillements possibles
foisonne dans la
parole
*
Le vacarme du monde, 2011, éditions de l’Atlantique
Les hommes sont faits du bois
qui fait vibrer la langue
ils ont l’anche facile
leurs plaintes ou leurs joies
résonnent ici là-bas
Quand ils se parlent
tout un chant de roseaux s’élève
chaud et doux
qui estompe le vacarme alentour
juste le temps d’échapper au désespoir
le temps inespéré
où ils s’accordent au diapason
du vent
*
Le vacarme du monde, 2011, éditions de l’Atlantique
Ils ont les yeux chargés des souvenirs
où terres eaux et feux
en toutes saisons
sont inventions du paysage
Des yeux qui percent l’horizon
là-bas
vers un futur inespéré
Ils ont des mots mûris
qui fleurent bon
la chair du monde
Des mots ouverts
qui conjurent la haine
Des mots offerts
où palpite un désir de beauté
*
Vers les confins, 2012, Grand Prix de la Ville de Béziers, éditions Encre et lumière
Dérives des hauteurs
nous cherchons entre imaginaire et réel
le motif du voyage
pénétrer le monde
déguster ses matières
Avec une pointe de langage
pour combler la distance ou
quelques cailloux tangibles
pour délimiter le paysage
le brouiller aussi
Et l’érosion là encore
sous le soleil la pluie
l’érosion du regard sur l’esquille
du monde
Reste l’empreinte
incarnée dans les pierres effritées
d’une mémoire à desceller
Ruines immuables
à l’ombre desquelles nous faisons halte
avant de grimper
plus haut dans les dérives
*
Vers les confins, 2012, Grand Prix de la Ville de Béziers, éditions Encre et lumière
Labeur du temps
pesée présente des gestes anciens
hommes à l’épreuve
quand la main besogneuse porte le monde
aux terres en leur faîte
Dans cette vallée haute
aux fronces des châtaigniers
les hommes ont accordé les pierres les ardoises
à la courbure de leur échine
Ils ont hissé le monde à frôler ses limites
à l’encontre des autres
là-bas sur l’autre versant
ils cherchent eux aussi les lointains
Ah bientôt d’estivales festives
effaceront les frontières
qui sait
L’arrière-pays des uns
est l’avant-monde des autres
*
Lignes de Crète Fond d’Egée, 2012, Encres Vives
Suspendus aux cordages
de la barque
sèchent les poulpes
sous le feu de midi
Calicots légers
au gré du roulis
ils oscillent
leurs bras enroulés déroulés
déboutonnent le jour
Plus tard
ils jetteront de l’encre dans la nuit
il y aura des reflets violets
dans l’écume scintillante
des reflets lunaires aussi
virtuelles sardines
ciselant l’eau du port
de leurs traits de lumière
La voûte du ciel miroitera
de ses milliards d’écailles
tandis que sèchent les poulpes
sur la partition du silence
*
visages, 2014, éditions le frau
Ils n’ont pas de visages
ils sont mille visages
Dans la transfiguration
de l’anonymat
passe l’innocence
aux ailes de feu
l’innocence de ceux qui
au ras du bitume
sont laissés pour compte
de la vie à la mort
Ils sont la vie à la mort
invisibles et visibles
ils sont une part de nous-mêmes
à la vie à la mort
immensurables
infinitésimaux
définitivement
présents
*
Ceux qui passent dans les saisons, 2015, Carnet des Lierles
Le temps blanchit
Calcaires et bois
Poussières
Vapeurs
Le monde estompe
Les silhouettes humaines
Minérales végétales
Reliefs réduits
A des fantômes d’êtres
Une résurgence caniculaire
S’empare du corps
Qui se répand en sueurs
Et dilue l’âme
A l’état de maquis-brouillon
INEDITS
Dépaysements (extraits)
TERRAIN VAGUE
Limites criantes
marges pleines
plaines larges
De gorge en colline
de causse en piémont
de plateau en vallée
les hommes bâtissent un site
de chairs de sang de vie
les hommes énoncent des mots
de rocs de rus et d’arbres
les hommes inventent l’utopie
Entre flamme et braise
au risque de la cendre
il s’agit d’aller au creuset
où naissent les paroles
Et tremble peut-être le poème
au futur en découverte
l’air au corps proféré
Dans l’effacement de la stupeur
dans l’amorce de la transe
*
Dans le mépris
ou l’indifférence
les sonneurs de vers
ceux qui font vibrer les langues
transhument sur les frontières ténues
en des cohortes invisibles inaudibles
aux ennemis du verbe
Cohortes bigarrées sonores
inaccessibles incompréhensibles
aux ennemis du verbe
Cohortes qui ouvrent des chemins
où s’entrecroisent les amours humaines
*
Terrain vague
offert
aux éléments
rendu aux amants
voué aux errants
que nous sommes parfois
Terrain vague
perdu
dans le regard
et par le regard
confondu
De l’un à l’autre
unis
par la beauté et la misère
du monde
MIDI
Un sourire annonce dans son effloraison
l’éclat d’un silence
gros de tout silence
Dès que le sens craque
la pulpe des sons dégorge ses secrets
La figue mûrit
à la lèvre
l’essence
du désir
Ô délice des jardins
riches promesses de ce soleil
en bouche
subtiles senteurs que la parole
délivre trop rarement
*
Dans la faille du temps
écoulé quotidien
s’exhalent les odeurs terriennes
Au sud
les sites
perturbent les géographies
Dans la bombance des carnavals
les mots mûrissent les fruits ivres
de soleil
Ô Midi
que nimbe amandier
que fiche cyprès
que marbre olivier
qu’érotise colline
que voûte azur
qu’éclate astre
Ô Midi
dans la griserie des pampres
les hommes aiguisent leur désir
à l’infini de ton tranchant
*
Comme aérienne
tu traverses la Rambla
Dans la nuée de la lumière
Les éclisses blanches
des papillons du plaisir
embrasent
l’instant ralenti et furtif
Les oiseaux
sont aussi légers que
la matière de leur chant
*
La rumeur le fracas
Entre la courbure de pierres et la plage
Un soleil étrange mou translucide émerge
D’entre les soleils morcelés dans les trous d’eau
Reflets moirés des éléments du monde
Il tremble s’étiole et git
Comme médusé d’échapper à la vie
Comme pétrifié par la mort
Désastre quotidien des marées permanentes
Nous-mêmes médusés
Saisis
Par l’émergence lente là-bas à l’horizon
À la frange du visible d’une barre flottante se mouvant
Et d’une autre et d’une autre
Serait-ce un ignominieux Nocher moderne menant le monde
Moyennant péage abject
Vers l’oubli de l’humanité
Serait-ce le passeur des cauchemars ou des rêves
De la mort ou de la vie
Serait-ce le passeur ignoble des futurs trépassés
Combien de radeaux de la Méduse
Dérivent sans fin
En une cohorte exacerbée
Des violences humaines
Le temps est obscène où
Entre daurades déchiquetées
Poulpes amputés
Raies désailées
Où entre ces cadavres animaux
Flottent les corps d’enfants de femmes d’hommes sans vie
Jusqu’à leur chute dans les abysses ou
Jusqu’à leur échouage sur les rives
Des océans et des mers
Nous ne savons si ces bateaux dans les lointains
Sont les passeurs de la mort
Ou les ouvreurs de la vie
Nous scrutons l’horizon flou tandis qu’au plus près
Mouettes et goélands se disputent
Les étoiles maintenant éteintes
Nous savons que ces embarcations peuvent être
Des convois de mort ou des lieux de vie
Charrois orientés par des Charon sans vergogne
Alimentant les cimetières marins de charognes humaines
Ou bateaux de pêche manœuvrés par les travailleurs de la mer
Nourrissant enfants femmes hommes
Et ces mouettes et ces goélands
Qui ajoutent au fracas du monde
Leurs stridences
Dans le sillage des bateaux
Sont-ils simples oiseaux qui dentellent leurs chaluts
À l’affût des restes
Ou esprits des humains s’échappant des cercueils flottants
Entre deux eaux avant de sombrer
Et vociférant leur colère et leur impuissance
En nous le fracas d’un monde
Sens dessus dessous
Disloqué émietté éparpillé
Ne cesse de propager ses ondes
Fracas ou rumeur
D’un moment et d’un lieu
D’un espace-temps dirait-on
De détresse
L’ibérante échappée, 1999, Encres Vives
Dans la peupleraie à portée de sanglot
de Fuente Vaqueros
quel est l’oiseau qui porte ta voix
Federico
jusqu’à la blancheur de la sierra là-bas
quelle est la feuille d’or
qui bruit de ton génie
Quel est ce pleur quel est ce rire que nous propageons
parmi les feuilles et les oiseaux
sinon ceux de tous les enfants-poètes
qui égrènent le Cante Jondo
sur le luth que caresse le vent de l’inoubli
*
Dans les traces, 2005, A la rêveuse matière
Entre présence
et absence
dans l’entre-deux
intermittente ou
résurgente
comme en un dépliement
de rêve
lentement palpite
la fleur légère
ou
l’éphémère plume
ce je ne sais quoi
d’évanescence tangible
de la patience
désirable
*
Passages au jardin, Prix Troubadours 2010, Cahiers de Poésie Verte
Mottes
Errement terrement
de la terre à sa motte
écoulement des sens
de matière en matière
fragile grenue
les sens du tangible
subliment le printemps
friables les mots
arides les paroles
poussières les écrits
*
Passages au jardin, Prix Troubadours 2010, Cahiers de Poésie Verte
Ivre du vent
le regard découvre
l’espace
Ondoyante vastitude
de l’insoupçonnable
Des astres au chiendent
le territoire en ses limites
natales et dérisoires
que dépayse l’étrange
Dans la frondaison
énigmes de la matière
toujours grisantes
C’est du silence
qu’un des fouaillements possibles
foisonne dans la
parole
*
Le vacarme du monde, 2011, éditions de l’Atlantique
Les hommes sont faits du bois
qui fait vibrer la langue
ils ont l’anche facile
leurs plaintes ou leurs joies
résonnent ici là-bas
Quand ils se parlent
tout un chant de roseaux s’élève
chaud et doux
qui estompe le vacarme alentour
juste le temps d’échapper au désespoir
le temps inespéré
où ils s’accordent au diapason
du vent
*
Le vacarme du monde, 2011, éditions de l’Atlantique
Ils ont les yeux chargés des souvenirs
où terres eaux et feux
en toutes saisons
sont inventions du paysage
Des yeux qui percent l’horizon
là-bas
vers un futur inespéré
Ils ont des mots mûris
qui fleurent bon
la chair du monde
Des mots ouverts
qui conjurent la haine
Des mots offerts
où palpite un désir de beauté
*
Vers les confins, 2012, Grand Prix de la Ville de Béziers, éditions Encre et lumière
Dérives des hauteurs
nous cherchons entre imaginaire et réel
le motif du voyage
pénétrer le monde
déguster ses matières
Avec une pointe de langage
pour combler la distance ou
quelques cailloux tangibles
pour délimiter le paysage
le brouiller aussi
Et l’érosion là encore
sous le soleil la pluie
l’érosion du regard sur l’esquille
du monde
Reste l’empreinte
incarnée dans les pierres effritées
d’une mémoire à desceller
Ruines immuables
à l’ombre desquelles nous faisons halte
avant de grimper
plus haut dans les dérives
*
Vers les confins, 2012, Grand Prix de la Ville de Béziers, éditions Encre et lumière
Labeur du temps
pesée présente des gestes anciens
hommes à l’épreuve
quand la main besogneuse porte le monde
aux terres en leur faîte
Dans cette vallée haute
aux fronces des châtaigniers
les hommes ont accordé les pierres les ardoises
à la courbure de leur échine
Ils ont hissé le monde à frôler ses limites
à l’encontre des autres
là-bas sur l’autre versant
ils cherchent eux aussi les lointains
Ah bientôt d’estivales festives
effaceront les frontières
qui sait
L’arrière-pays des uns
est l’avant-monde des autres
*
Lignes de Crète Fond d’Egée, 2012, Encres Vives
Suspendus aux cordages
de la barque
sèchent les poulpes
sous le feu de midi
Calicots légers
au gré du roulis
ils oscillent
leurs bras enroulés déroulés
déboutonnent le jour
Plus tard
ils jetteront de l’encre dans la nuit
il y aura des reflets violets
dans l’écume scintillante
des reflets lunaires aussi
virtuelles sardines
ciselant l’eau du port
de leurs traits de lumière
La voûte du ciel miroitera
de ses milliards d’écailles
tandis que sèchent les poulpes
sur la partition du silence
*
visages, 2014, éditions le frau
Ils n’ont pas de visages
ils sont mille visages
Dans la transfiguration
de l’anonymat
passe l’innocence
aux ailes de feu
l’innocence de ceux qui
au ras du bitume
sont laissés pour compte
de la vie à la mort
Ils sont la vie à la mort
invisibles et visibles
ils sont une part de nous-mêmes
à la vie à la mort
immensurables
infinitésimaux
définitivement
présents
*
Ceux qui passent dans les saisons, 2015, Carnet des Lierles
Le temps blanchit
Calcaires et bois
Poussières
Vapeurs
Le monde estompe
Les silhouettes humaines
Minérales végétales
Reliefs réduits
A des fantômes d’êtres
Une résurgence caniculaire
S’empare du corps
Qui se répand en sueurs
Et dilue l’âme
A l’état de maquis-brouillon
INEDITS
Dépaysements (extraits)
TERRAIN VAGUE
Limites criantes
marges pleines
plaines larges
De gorge en colline
de causse en piémont
de plateau en vallée
les hommes bâtissent un site
de chairs de sang de vie
les hommes énoncent des mots
de rocs de rus et d’arbres
les hommes inventent l’utopie
Entre flamme et braise
au risque de la cendre
il s’agit d’aller au creuset
où naissent les paroles
Et tremble peut-être le poème
au futur en découverte
l’air au corps proféré
Dans l’effacement de la stupeur
dans l’amorce de la transe
*
Dans le mépris
ou l’indifférence
les sonneurs de vers
ceux qui font vibrer les langues
transhument sur les frontières ténues
en des cohortes invisibles inaudibles
aux ennemis du verbe
Cohortes bigarrées sonores
inaccessibles incompréhensibles
aux ennemis du verbe
Cohortes qui ouvrent des chemins
où s’entrecroisent les amours humaines
*
Terrain vague
offert
aux éléments
rendu aux amants
voué aux errants
que nous sommes parfois
Terrain vague
perdu
dans le regard
et par le regard
confondu
De l’un à l’autre
unis
par la beauté et la misère
du monde
MIDI
Un sourire annonce dans son effloraison
l’éclat d’un silence
gros de tout silence
Dès que le sens craque
la pulpe des sons dégorge ses secrets
La figue mûrit
à la lèvre
l’essence
du désir
Ô délice des jardins
riches promesses de ce soleil
en bouche
subtiles senteurs que la parole
délivre trop rarement
*
Dans la faille du temps
écoulé quotidien
s’exhalent les odeurs terriennes
Au sud
les sites
perturbent les géographies
Dans la bombance des carnavals
les mots mûrissent les fruits ivres
de soleil
Ô Midi
que nimbe amandier
que fiche cyprès
que marbre olivier
qu’érotise colline
que voûte azur
qu’éclate astre
Ô Midi
dans la griserie des pampres
les hommes aiguisent leur désir
à l’infini de ton tranchant
*
Comme aérienne
tu traverses la Rambla
Dans la nuée de la lumière
Les éclisses blanches
des papillons du plaisir
embrasent
l’instant ralenti et furtif
Les oiseaux
sont aussi légers que
la matière de leur chant
*
La rumeur le fracas
Entre la courbure de pierres et la plage
Un soleil étrange mou translucide émerge
D’entre les soleils morcelés dans les trous d’eau
Reflets moirés des éléments du monde
Il tremble s’étiole et git
Comme médusé d’échapper à la vie
Comme pétrifié par la mort
Désastre quotidien des marées permanentes
Nous-mêmes médusés
Saisis
Par l’émergence lente là-bas à l’horizon
À la frange du visible d’une barre flottante se mouvant
Et d’une autre et d’une autre
Serait-ce un ignominieux Nocher moderne menant le monde
Moyennant péage abject
Vers l’oubli de l’humanité
Serait-ce le passeur des cauchemars ou des rêves
De la mort ou de la vie
Serait-ce le passeur ignoble des futurs trépassés
Combien de radeaux de la Méduse
Dérivent sans fin
En une cohorte exacerbée
Des violences humaines
Le temps est obscène où
Entre daurades déchiquetées
Poulpes amputés
Raies désailées
Où entre ces cadavres animaux
Flottent les corps d’enfants de femmes d’hommes sans vie
Jusqu’à leur chute dans les abysses ou
Jusqu’à leur échouage sur les rives
Des océans et des mers
Nous ne savons si ces bateaux dans les lointains
Sont les passeurs de la mort
Ou les ouvreurs de la vie
Nous scrutons l’horizon flou tandis qu’au plus près
Mouettes et goélands se disputent
Les étoiles maintenant éteintes
Nous savons que ces embarcations peuvent être
Des convois de mort ou des lieux de vie
Charrois orientés par des Charon sans vergogne
Alimentant les cimetières marins de charognes humaines
Ou bateaux de pêche manœuvrés par les travailleurs de la mer
Nourrissant enfants femmes hommes
Et ces mouettes et ces goélands
Qui ajoutent au fracas du monde
Leurs stridences
Dans le sillage des bateaux
Sont-ils simples oiseaux qui dentellent leurs chaluts
À l’affût des restes
Ou esprits des humains s’échappant des cercueils flottants
Entre deux eaux avant de sombrer
Et vociférant leur colère et leur impuissance
En nous le fracas d’un monde
Sens dessus dessous
Disloqué émietté éparpillé
Ne cesse de propager ses ondes
Fracas ou rumeur
D’un moment et d’un lieu
D’un espace-temps dirait-on
De détresse