BIOBIBLIOGRAPHIE
Jean Portante est né à Differdange (Luxembourg), en 1950. Il est d’origine italienne. Il vit actuellement entre Paris et Luxembourg. Il est poète, romancier, traducteur, journaliste. Son œuvre, écrite en français et largement traduite, comprend une trentaine de livres: des recueils de poèmes, des récits, des pièces de théâtre et des romans. Il a traduit une dizaine de livres de la littérature mondiale (dont les poètes Juan Gelman, Jerome Rothenberg, Maria Luisa Spaziani…) .
Au Luxembourg, il dirige la collection de poésie “graphiti” des éditions PHI.
En France, il est membre du P.E.N. Club français. Il fait partie du jury du Prix Apollinaire et, depuis octobre 2006, de l’Académie Mallarmé.
Au Luxembourg, il a reçu le Prix Tony Bourg 1993 pour son recueil Ouvert Fermé, le Prix Servais du meilleur livre de l’année 1994 pour son roman Mrs. Haroy ou la mémoire de la baleine.
En France, il a obtenu le Prix Rutebeuf de la poésie pour son livre Horizon, vertige & italie intercalaire en 1986, le Prix Mallarmé en 2003 pour son livre L’étrange langue et le Grand prix d’automne de la Société des gens de lettres 2003 pour “ l’ensemble de son œuvre ”.
En juin 2005, Le Castor Astral a publié sous le titre La Cendre des mots une anthologie de sa poésie écrite entre 1989 et 2005.
En 2008, il a créé avec Jacques Darras et Jean-Yves Reuzeau la revue Inuits dans la jungle.
Bibliographie :
Proses
Projets pour un naufrage prémédité. Récit. Ed. PHI, Luxembourg, 1987
Un deux cha cha cha, Roman. Ed. PHI, Luxembourg, 1990
La mémoire de la baleine. Roman (préfacé par Ismail Kadaré). PHI, Luxembourg 1993; Réédition: Le Castor Astral, Paris 1999 (traduit en allemand, italien et roumain).
Mourir partout sauf à Differdange. Roman. Editions PHI, Luxembourg, 2003 (traduit en roumain)
Poésie
Feu et boue, Editions Caractères, Paris 1983
L’instant des nœuds, Editions Saint-Germain-des-Prés, Paris 1984
Méandres, Editions du Guichet, Paris 1985
Horizon, vertige & italie intercalaire, Editions Arcam, Paris 1986
Ex-odes, Editions PHI, Luxembourg 1991
Ouvert fermé, Editions PHI-L’Orange Bleue (Luxembourg-Belgique-Québec-Senegal) 1994 (Traduit en espagnol et italien)
Effaçonner, poèmes. Editions PHI/Ecrits des Forges. Luxembourg/Québec 1996 (Traduit en espagnol)
Point. Poèmes. Editions PHI-L’Orange Bleue (Luxembourg-Belgique-Québec-Senegal), 1999. (Traduit en anglais, traduit en allemand sous le titre Die Arbeit des Schattens)
La morte del padre. En plein edizioni. Milan 1999
La pluie comme un œil. Poèmes. Editions Empreintes, Lausanne 2001
L’étrange langue. Poèmes. Editions Le Taillis Pré, Namur 2002
L’arbre de la disparition, poèmes, Editions PHI/Ecrits des forges, Luxembourg/Québec 2004 (en traduction en portugais et en grec)
La cendre des mots. Anthologie personnelle. Editions Le Castor Astral, Paris. Juin 2005. (traduit en slovaque)
Le travail du poumon, Editions Le Castor Astral, Paris, mars 2007.
Je veux dire, poème, Editions Estuaires, Luxembourg, novembre 2007
En réalité, poème, Editions PHI, Luxembourg, juin 2008
Théâtre
Le mariage de Pythagore, Teatro Vivace, Luxembourg 1995
Destin Destination. Théâtre. Editions PHI, Luxembourg 1998
Essai, Anthologie
Allen Ginsberg. L’autre Amérique. Essai. Le Castor Astral, Paris, 1999.
Anthologie luxembourgeoise. Poésie. Ecrits des Forges, Trois-Rivières 1999
Livres d’artistes
Promenade nocturne dans l’étang en fleur. Poèmes. Avec le peintre Paul di Felice et le compositeur Roland Kaber. Editions Kulturfabrik, Luxembourg 1984
Point dappui. Poèmes. Avec le peintre Scanreigh. Café des attributions, éditeur. Eymoutiers, 1999
Point de suspension. Poèmes. Avec le peintre Marek Sczcesny. Editions PHI, Luxembourg, 1999
L’olive provisoire, poèmes, avec la peintre Anne Slacik. Editions Trans-Signum, Paris mars 2004
Rue du Nord, poèmes, avec la peintre Yarmilla Vesovic, Editions l’Eventail, Tours mars 2004
La hache du pourquoi, poèmes avec Anne Slacik, Paris mai 2004
Le charbon descend, poèmes, avec Anne Slacik, Ed. Lucien Schweitzer, juillet 2004
Tous les feux sont éteints, poèmes, avec la peintre roumaine Augusta de Schucani. Éditions ICI & AILLEURS, Paris décembre 2004.
L’histoire est finie, poèmes avec le peintre luxembourgeois Jean-Marie Biwer, Ed. Red Fox, Irlande, mars 2005
Puisque je fouille dans les mots humides, avec la peintre française Anne Slacik. Éditions Brèche, Alain-Lucien Benoît, Rochefort du Gard, France, avril 2005
Les amants/le souffle, avec la peintre Génia Golendorf. Editions TransSignum, Paris, mars 2006.
Le partage des (p)eaux, avec la peintre Wanda Miluheac. Editions TransSignum, Paris, 2008.
Traductions
La dernière traversée de la Manche, de Pierre Joris. Poèmes. Editions PHI, Luxembourg 1995
Hiver clinique, de Ioana Craciunescu. Poèmes. Editions PHI, Luxembourg 1996
L’épiphanie de l’alphabet, de Maria Luisa Spaziani, Editions PHI. Poèmes Luxembourg 1997
La cathédrale en flammes, de Guy Rewenig. Roman. Editions du Castor Astral. Paris 1997
Obscur ouvert, de Juan Gelman. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 1997
Christ avec renard urbain, de John F. Deane, Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 1999
Poèmes quotidiens, de Esteban S. Cobas. Editions Indigo, Paris 1999
La nuit avant de monter à bord, de Daniel Samoilovitch. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 2001
Salaires de l’impie et autres poèmes, de Juan Gelman. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 2002
Un nirvana cruel, de Jerome Rotheberg. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 2002
L’illuminé, de Gonzalo Rojas. Editions Myriam Solal. Poèmes. Paris 2003
Par dessus l’épaule du poème, de Millan Richter, traduction collective, dans le cadre des ateliers de traduction de la poésie contemporaine de l’IPW. Editions PHI, Luxembourg, 2005.
Quelques sites Internet
www.phi.lu
www.printempsdespoetes.fr
www.lyrikline.de
www.cnl.lu
Au Luxembourg, il dirige la collection de poésie “graphiti” des éditions PHI.
En France, il est membre du P.E.N. Club français. Il fait partie du jury du Prix Apollinaire et, depuis octobre 2006, de l’Académie Mallarmé.
Au Luxembourg, il a reçu le Prix Tony Bourg 1993 pour son recueil Ouvert Fermé, le Prix Servais du meilleur livre de l’année 1994 pour son roman Mrs. Haroy ou la mémoire de la baleine.
En France, il a obtenu le Prix Rutebeuf de la poésie pour son livre Horizon, vertige & italie intercalaire en 1986, le Prix Mallarmé en 2003 pour son livre L’étrange langue et le Grand prix d’automne de la Société des gens de lettres 2003 pour “ l’ensemble de son œuvre ”.
En juin 2005, Le Castor Astral a publié sous le titre La Cendre des mots une anthologie de sa poésie écrite entre 1989 et 2005.
En 2008, il a créé avec Jacques Darras et Jean-Yves Reuzeau la revue Inuits dans la jungle.
Bibliographie :
Proses
Projets pour un naufrage prémédité. Récit. Ed. PHI, Luxembourg, 1987
Un deux cha cha cha, Roman. Ed. PHI, Luxembourg, 1990
La mémoire de la baleine. Roman (préfacé par Ismail Kadaré). PHI, Luxembourg 1993; Réédition: Le Castor Astral, Paris 1999 (traduit en allemand, italien et roumain).
Mourir partout sauf à Differdange. Roman. Editions PHI, Luxembourg, 2003 (traduit en roumain)
Poésie
Feu et boue, Editions Caractères, Paris 1983
L’instant des nœuds, Editions Saint-Germain-des-Prés, Paris 1984
Méandres, Editions du Guichet, Paris 1985
Horizon, vertige & italie intercalaire, Editions Arcam, Paris 1986
Ex-odes, Editions PHI, Luxembourg 1991
Ouvert fermé, Editions PHI-L’Orange Bleue (Luxembourg-Belgique-Québec-Senegal) 1994 (Traduit en espagnol et italien)
Effaçonner, poèmes. Editions PHI/Ecrits des Forges. Luxembourg/Québec 1996 (Traduit en espagnol)
Point. Poèmes. Editions PHI-L’Orange Bleue (Luxembourg-Belgique-Québec-Senegal), 1999. (Traduit en anglais, traduit en allemand sous le titre Die Arbeit des Schattens)
La morte del padre. En plein edizioni. Milan 1999
La pluie comme un œil. Poèmes. Editions Empreintes, Lausanne 2001
L’étrange langue. Poèmes. Editions Le Taillis Pré, Namur 2002
L’arbre de la disparition, poèmes, Editions PHI/Ecrits des forges, Luxembourg/Québec 2004 (en traduction en portugais et en grec)
La cendre des mots. Anthologie personnelle. Editions Le Castor Astral, Paris. Juin 2005. (traduit en slovaque)
Le travail du poumon, Editions Le Castor Astral, Paris, mars 2007.
Je veux dire, poème, Editions Estuaires, Luxembourg, novembre 2007
En réalité, poème, Editions PHI, Luxembourg, juin 2008
Théâtre
Le mariage de Pythagore, Teatro Vivace, Luxembourg 1995
Destin Destination. Théâtre. Editions PHI, Luxembourg 1998
Essai, Anthologie
Allen Ginsberg. L’autre Amérique. Essai. Le Castor Astral, Paris, 1999.
Anthologie luxembourgeoise. Poésie. Ecrits des Forges, Trois-Rivières 1999
Livres d’artistes
Promenade nocturne dans l’étang en fleur. Poèmes. Avec le peintre Paul di Felice et le compositeur Roland Kaber. Editions Kulturfabrik, Luxembourg 1984
Point dappui. Poèmes. Avec le peintre Scanreigh. Café des attributions, éditeur. Eymoutiers, 1999
Point de suspension. Poèmes. Avec le peintre Marek Sczcesny. Editions PHI, Luxembourg, 1999
L’olive provisoire, poèmes, avec la peintre Anne Slacik. Editions Trans-Signum, Paris mars 2004
Rue du Nord, poèmes, avec la peintre Yarmilla Vesovic, Editions l’Eventail, Tours mars 2004
La hache du pourquoi, poèmes avec Anne Slacik, Paris mai 2004
Le charbon descend, poèmes, avec Anne Slacik, Ed. Lucien Schweitzer, juillet 2004
Tous les feux sont éteints, poèmes, avec la peintre roumaine Augusta de Schucani. Éditions ICI & AILLEURS, Paris décembre 2004.
L’histoire est finie, poèmes avec le peintre luxembourgeois Jean-Marie Biwer, Ed. Red Fox, Irlande, mars 2005
Puisque je fouille dans les mots humides, avec la peintre française Anne Slacik. Éditions Brèche, Alain-Lucien Benoît, Rochefort du Gard, France, avril 2005
Les amants/le souffle, avec la peintre Génia Golendorf. Editions TransSignum, Paris, mars 2006.
Le partage des (p)eaux, avec la peintre Wanda Miluheac. Editions TransSignum, Paris, 2008.
Traductions
La dernière traversée de la Manche, de Pierre Joris. Poèmes. Editions PHI, Luxembourg 1995
Hiver clinique, de Ioana Craciunescu. Poèmes. Editions PHI, Luxembourg 1996
L’épiphanie de l’alphabet, de Maria Luisa Spaziani, Editions PHI. Poèmes Luxembourg 1997
La cathédrale en flammes, de Guy Rewenig. Roman. Editions du Castor Astral. Paris 1997
Obscur ouvert, de Juan Gelman. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 1997
Christ avec renard urbain, de John F. Deane, Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 1999
Poèmes quotidiens, de Esteban S. Cobas. Editions Indigo, Paris 1999
La nuit avant de monter à bord, de Daniel Samoilovitch. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 2001
Salaires de l’impie et autres poèmes, de Juan Gelman. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 2002
Un nirvana cruel, de Jerome Rotheberg. Editions PHI. Poèmes. Luxembourg 2002
L’illuminé, de Gonzalo Rojas. Editions Myriam Solal. Poèmes. Paris 2003
Par dessus l’épaule du poème, de Millan Richter, traduction collective, dans le cadre des ateliers de traduction de la poésie contemporaine de l’IPW. Editions PHI, Luxembourg, 2005.
Quelques sites Internet
www.phi.lu
www.printempsdespoetes.fr
www.lyrikline.de
www.cnl.lu
EXTRAITS
De En réalité, Editions PHI, juin 2008, Luxembourg
Dans la grotte initiale en absence de lumière les organismes ont d’un commun accord choisi d’être aveugles et aquatiques.
c’est banal mais il fallait y penser.
le désert a lui aussi appris à force d’effacer
les traces à fermer les yeux.
tout ça a l’air d’un complot cosmique censé réconcilier les éléments comme si l’accomplissement d’une prophétie lointaine se rappelait à leur souvenir : je veux dire : ce n’est pas cela que je voulais quand j’ai commencé à verser l’eau noire dans la tasse que tu me tendais.
Je parle d’un temps où dans la cuisine
on fabriquait moins de farine que de poussière.
de la blancheur d’antan ne restaient que les tasses fêlées et la cafetière du temps : je veux dire : y vivre était un incessant va-et-vient d’une toile d’araignée à l’autre.
quand l’appel venait il prenait
la forme d’une sirène.
dans l’usine des souvenirs il suffisait
de décrocher ou d’accrocher quelques wagons.
le reste : je veux dire : ce qui s’usinait non loin de là ne comptait ni les morts ni les vivants quand après le passage des soldats manquaient dans les tiroirs les fourchettes et les couteaux :
je veux dire : ce qui se mangeait alors avait traversé le miroir et ne nous faisait jamais signe de le rejoindre.
Comme tu l’as dit le miracle de respirer
ne se répète qu’une fois.
les fleuves eux non plus ne charrient pas sans cesse la même lassitude : je veux dire : chaque élément a son double quelque part.
à l’air correspond un gigantesque souvenir
à l’eau un début timide : je veux dire :
de l’un à l’autre s’étend le moyen
le plus subtil de nous dire provisoirement bonjour comment ça va.
vois-tu le drapeau planté là-bas à deux pas
de la fontaine lumineuse.
ce n’était pas difficile de le hisser mais désormais il est en fuite : je veux dire : quand le lien entre les éléments m’échappe
je fais appel à cette deuxième vie qui ne nous est pas due.
Ce mois-là s’ouvrait comme une fermeture éclair et sous le tissu la peau des jours ressemblait à des mots jetés à la hâte dans le grand réservoir de la beauté.
qu’on y allumât des feux ou qu’on y fît filer les étoiles ne changeait rien : je veux dire : quand tu mets dans ta voix des feuilles d’olivier ou de figuier mes oreilles perçoivent le frémissement des éléments.
pas la peine de déchirer la fenêtre : je veux dire : brûler les rideaux est largement suffisant quand ton regard devient une étoile filante.
À un certain moment de la journée
les deux maisons ne se faisaient plus face.
le ciel avait amassé tant de nuages que pleuvoir était une question de vie ou de mort : je veux dire : le trompe-l’œil de la lourdeur qui dehors faisait taire les animaux et les hommes n’était que le reflet de la vapeur insurmontable entourant ce qui me restait d’ombre.
je veux dire : n’est en suspens que ce qui secrètement se regarde.
nulle condensation à l’horizon hormis celle que secrètement je glisse dans ta poche.
Le soleil ne s’en échappe jamais : je veux dire : si tu ouvres la main ce n’est pas un cerf-
volant qui part mais une aile d’ange : je
voulais dire : des deux maisons
il n’en restera à la longue plus aucune.
Inexorablement de chemin en chemin
les pierres se faisaient rares.
ce n’était pas que l’époque était à la calcination : je veux dire : rien dans l’aspect du paysage n’avait disparu.
tout était à sa place : mieux : là où il n’y avait eu qu’un chemin il y en avait deux ou trois désormais et les ailes du moulin dévastées par la tempête étaient devenues les hélices d’un charbon qui ferait pâlir les alchimistes : je veux dire : quand hier tu m’as dit au téléphone que la lune au-dessus du lac était redevenue une j’ai ramassé l’autre et l’ai rangée dans la boîte où je conserve les soleils séchés.
Elle se colore soudain cette terre
quand tu la prends dans ta main et la réduis en poussière comme si tu étais le tamis et elle l’or de nos derniers jours et moi le chercheur aux mains vides.
et alors qu’elle se rapproche d’elle-même : je veux dire : en tombant la poussière devient simple éternité prise entre les deux pôles de son existence sa chute répond moins à la règle du constant retour qu’aux contraintes
d’une gravité qui quand ta main devient poussiéreuse s’empare de la matière.
c’est de là qu’est née la tristesse cosmique.
j’en vois l’effet mais pas la cause.
la perte de couleur universelle n’a pour moi d’autre explication que le geste grave
de ta poignée qui prise de panique colorerait
le système entier si derrière lui : je veux dire : derrière le geste et non le système ne se cachait pas la source d’où tout vient mais
rien ne part.
Quand le vent s’est reposé et que rien
ne s’est plus plié à ses ordres je n’ai pu m’empêcher de chuchoter dans ton oreille des mots courbés ramassés à la hâte avant la tempête.
puis j’ai repensé aux météorologues.
de nous ils ne savent que ce que l’humidité leur a appris.
c’est mieux ainsi.
avant la tempête : je veux dire : avant la grande échelle du début le vent traînait
à ma fenêtre les parfums les plus osés.
tout en était imbibé comme si du jardin universel nos fleurs préférées nous faisaient
un signe désespéré avant de se disperser.
puis rien ne s’est plus plié aux ordres du vent et le gros chêne devant la maison s’est conformément à la fable brisé en deux : je veux dire : deux est la moindre des choses :
je veux dire n’as-tu pas vu que ces deux
troncs là-bas sont les derniers travers de la grande échelle.
Tu as de la poussière cosmique sur le visage comme si le météorite du début avait fait escale en toi.
cela met la sérénité des vastes espaces dans ta respiration et me fait repenser à la charrette tiré par des bœufs ou au cerceau dévalant la pente de mon enfance.
la rose noire était déjà cultivée : je veux dire : avant tout cela quelqu’un avait fait signe aux éléments de se travestir.
l’un d’eux qu’on nommait alors encore le feu s’est souvenu de sa vie antérieure.
une autre charrette encastrée dans les rails
du premier chemin de fer lui avait été fatale : je veux dire : ceux dont je viens et vers qui je vais sont ciselés sur le marbre de la stèle du monument aux morts.
il y a de la poussière sur leurs noms : je veux dire : en ce siècle-là on ne se nourrissait pas encore de pain et d’oignon mais de pépites ancestrales que les cœurs amassaient.
J’ai fait un tour au cimetière pour entendre ce que les noms des tombes me diraient.
avec toi à mes côtés le passé était facilement déclinable.
non que de l’assemblage aléatoire de l’alphabet gravé dans la pierre une généalogie particulière ait vu le jour.
des noms parcourus aucun ne faisait allusion
à ma destinée : je veux dire : c’est étonnant pour un cimetière de ne pas se soumettre
au devoir de me rappeler que mon sort n’est
en rien plus enviable que celui de tous ces gisants anonymes immortalisés par l’écriture.
Un beau jour de cinquante comme tous ceux de ma génération je suis tombé dans la parenthèse.
ceux qui avant tuaient industriellement étaient encore là : je veux dire : il y a eu un moment dans ma vie où côtoyé par des tueurs aînés j’ai continué à croire à l’innocence génétique.
puis on s’est mis à marcher sur la lune sans que cela modifie les axes élémentaires
du système : je veux dire : personne n’a vu que ces petits pas là ne faisaient pas l’éloge
de l’ombre mais sortaient comme d’une fumée familière.
quelqu’un s’est alors mis à recompter les étoiles et parvenu à la tienne plus brillante que jamais il a dit ce qu’on dit toujours en pareille situation : je veux dire : si après les charniers la nostalgie est encore possible ce n’est pas une parenthèse lunaire qui arrêtera la poésie : je veux dire : ne faudrait-il pas maintenant qu’un mur s’écroule.
Dans le couchant qui rougit ta chevelure
les serpents de l’horizon s’emmêlent
les peaux : je veux dire : te voilà serpentant dans l’air incandescent et rien de ce qui fait
le jour et la nuit ne te dissipe.
c’est ainsi que je te rêve et te rêve à nouveau jusqu’à ce qu’aux éléments de base s’ajoute
le travail tranquille et secret de ma bibliothèque intime.
ce n’est pas facile à faire.
entre les blocs solides et liquides il n’y a guère de concurrence : je veux dire : être l’un
ou l’autre n’est pas un choix.
mais quand ce qui est corps se déroule
dans l’âme en une lente soirée de fin d’été et qu’une main repeint à l’intérieur ce que l’extérieur lui soustrait c’est comme si de la terre à l’eau et plus loin encore les porte-paroles du dedans sculptaient statue après statue dans le creux des nuages : je veux dire : là-bas entre chair et os notre amour ressemble moins aux serpents qu’à l’incandescence rituelle qui fait et défait l’horizon.
Je ne me suis jamais posé la question
du retour : je veux dire : que l’on parte ou qu’on revienne est dans la logique des choses : je veux dire : il ne suffit pas que le voyage soit définitif pour qu’il cesse d’être voyage.
quand je m’avançais vers toi ne comptait
que la distance parcourue.
elle était toujours constante comme si au fur et à mesure que je marchais le sol sous mes pas et celui sous les tiens se déplaçaient également : je veux dire : ce qui voyageait en nous était ce lopin de terre dont nous étions les extrémités immobiles.
Quand dans l’embrasure d’une porte
que je voudrais extérieure apparaîtra et disparaîtra ta silhouette je recompterai jusqu’à huit.
il y en a qui s’arrêtent à sept ou a trois
d’autres vont jusqu’à douze.
que chacun soit le comptable de sa propre mythologie.
mon huit à moi c’est deux fois quatre : je veux dire : quand les quatre branches du bois droit
du cerf se sont plantées entre toi et moi et que les quatre du bois gauche ont catapulté la bête dans l’air leur somme n’était pas un calcul prémédité.
je suis sûr qu’il n’y avait pas huit cartouches dans les fusils des chasseurs à la sortie
de la ville puisque ce n’était pas encore au tour de l’animal du dedans de mourir cette nuit-là : je veux dire : des huit possibilités du mourir plantées cette nuit-là entre toi et moi aucune ne ressemblait autant à la nôtre.
Dans la grotte initiale en absence de lumière les organismes ont d’un commun accord choisi d’être aveugles et aquatiques.
c’est banal mais il fallait y penser.
le désert a lui aussi appris à force d’effacer
les traces à fermer les yeux.
tout ça a l’air d’un complot cosmique censé réconcilier les éléments comme si l’accomplissement d’une prophétie lointaine se rappelait à leur souvenir : je veux dire : ce n’est pas cela que je voulais quand j’ai commencé à verser l’eau noire dans la tasse que tu me tendais.
Je parle d’un temps où dans la cuisine
on fabriquait moins de farine que de poussière.
de la blancheur d’antan ne restaient que les tasses fêlées et la cafetière du temps : je veux dire : y vivre était un incessant va-et-vient d’une toile d’araignée à l’autre.
quand l’appel venait il prenait
la forme d’une sirène.
dans l’usine des souvenirs il suffisait
de décrocher ou d’accrocher quelques wagons.
le reste : je veux dire : ce qui s’usinait non loin de là ne comptait ni les morts ni les vivants quand après le passage des soldats manquaient dans les tiroirs les fourchettes et les couteaux :
je veux dire : ce qui se mangeait alors avait traversé le miroir et ne nous faisait jamais signe de le rejoindre.
Comme tu l’as dit le miracle de respirer
ne se répète qu’une fois.
les fleuves eux non plus ne charrient pas sans cesse la même lassitude : je veux dire : chaque élément a son double quelque part.
à l’air correspond un gigantesque souvenir
à l’eau un début timide : je veux dire :
de l’un à l’autre s’étend le moyen
le plus subtil de nous dire provisoirement bonjour comment ça va.
vois-tu le drapeau planté là-bas à deux pas
de la fontaine lumineuse.
ce n’était pas difficile de le hisser mais désormais il est en fuite : je veux dire : quand le lien entre les éléments m’échappe
je fais appel à cette deuxième vie qui ne nous est pas due.
Ce mois-là s’ouvrait comme une fermeture éclair et sous le tissu la peau des jours ressemblait à des mots jetés à la hâte dans le grand réservoir de la beauté.
qu’on y allumât des feux ou qu’on y fît filer les étoiles ne changeait rien : je veux dire : quand tu mets dans ta voix des feuilles d’olivier ou de figuier mes oreilles perçoivent le frémissement des éléments.
pas la peine de déchirer la fenêtre : je veux dire : brûler les rideaux est largement suffisant quand ton regard devient une étoile filante.
À un certain moment de la journée
les deux maisons ne se faisaient plus face.
le ciel avait amassé tant de nuages que pleuvoir était une question de vie ou de mort : je veux dire : le trompe-l’œil de la lourdeur qui dehors faisait taire les animaux et les hommes n’était que le reflet de la vapeur insurmontable entourant ce qui me restait d’ombre.
je veux dire : n’est en suspens que ce qui secrètement se regarde.
nulle condensation à l’horizon hormis celle que secrètement je glisse dans ta poche.
Le soleil ne s’en échappe jamais : je veux dire : si tu ouvres la main ce n’est pas un cerf-
volant qui part mais une aile d’ange : je
voulais dire : des deux maisons
il n’en restera à la longue plus aucune.
Inexorablement de chemin en chemin
les pierres se faisaient rares.
ce n’était pas que l’époque était à la calcination : je veux dire : rien dans l’aspect du paysage n’avait disparu.
tout était à sa place : mieux : là où il n’y avait eu qu’un chemin il y en avait deux ou trois désormais et les ailes du moulin dévastées par la tempête étaient devenues les hélices d’un charbon qui ferait pâlir les alchimistes : je veux dire : quand hier tu m’as dit au téléphone que la lune au-dessus du lac était redevenue une j’ai ramassé l’autre et l’ai rangée dans la boîte où je conserve les soleils séchés.
Elle se colore soudain cette terre
quand tu la prends dans ta main et la réduis en poussière comme si tu étais le tamis et elle l’or de nos derniers jours et moi le chercheur aux mains vides.
et alors qu’elle se rapproche d’elle-même : je veux dire : en tombant la poussière devient simple éternité prise entre les deux pôles de son existence sa chute répond moins à la règle du constant retour qu’aux contraintes
d’une gravité qui quand ta main devient poussiéreuse s’empare de la matière.
c’est de là qu’est née la tristesse cosmique.
j’en vois l’effet mais pas la cause.
la perte de couleur universelle n’a pour moi d’autre explication que le geste grave
de ta poignée qui prise de panique colorerait
le système entier si derrière lui : je veux dire : derrière le geste et non le système ne se cachait pas la source d’où tout vient mais
rien ne part.
Quand le vent s’est reposé et que rien
ne s’est plus plié à ses ordres je n’ai pu m’empêcher de chuchoter dans ton oreille des mots courbés ramassés à la hâte avant la tempête.
puis j’ai repensé aux météorologues.
de nous ils ne savent que ce que l’humidité leur a appris.
c’est mieux ainsi.
avant la tempête : je veux dire : avant la grande échelle du début le vent traînait
à ma fenêtre les parfums les plus osés.
tout en était imbibé comme si du jardin universel nos fleurs préférées nous faisaient
un signe désespéré avant de se disperser.
puis rien ne s’est plus plié aux ordres du vent et le gros chêne devant la maison s’est conformément à la fable brisé en deux : je veux dire : deux est la moindre des choses :
je veux dire n’as-tu pas vu que ces deux
troncs là-bas sont les derniers travers de la grande échelle.
Tu as de la poussière cosmique sur le visage comme si le météorite du début avait fait escale en toi.
cela met la sérénité des vastes espaces dans ta respiration et me fait repenser à la charrette tiré par des bœufs ou au cerceau dévalant la pente de mon enfance.
la rose noire était déjà cultivée : je veux dire : avant tout cela quelqu’un avait fait signe aux éléments de se travestir.
l’un d’eux qu’on nommait alors encore le feu s’est souvenu de sa vie antérieure.
une autre charrette encastrée dans les rails
du premier chemin de fer lui avait été fatale : je veux dire : ceux dont je viens et vers qui je vais sont ciselés sur le marbre de la stèle du monument aux morts.
il y a de la poussière sur leurs noms : je veux dire : en ce siècle-là on ne se nourrissait pas encore de pain et d’oignon mais de pépites ancestrales que les cœurs amassaient.
J’ai fait un tour au cimetière pour entendre ce que les noms des tombes me diraient.
avec toi à mes côtés le passé était facilement déclinable.
non que de l’assemblage aléatoire de l’alphabet gravé dans la pierre une généalogie particulière ait vu le jour.
des noms parcourus aucun ne faisait allusion
à ma destinée : je veux dire : c’est étonnant pour un cimetière de ne pas se soumettre
au devoir de me rappeler que mon sort n’est
en rien plus enviable que celui de tous ces gisants anonymes immortalisés par l’écriture.
Un beau jour de cinquante comme tous ceux de ma génération je suis tombé dans la parenthèse.
ceux qui avant tuaient industriellement étaient encore là : je veux dire : il y a eu un moment dans ma vie où côtoyé par des tueurs aînés j’ai continué à croire à l’innocence génétique.
puis on s’est mis à marcher sur la lune sans que cela modifie les axes élémentaires
du système : je veux dire : personne n’a vu que ces petits pas là ne faisaient pas l’éloge
de l’ombre mais sortaient comme d’une fumée familière.
quelqu’un s’est alors mis à recompter les étoiles et parvenu à la tienne plus brillante que jamais il a dit ce qu’on dit toujours en pareille situation : je veux dire : si après les charniers la nostalgie est encore possible ce n’est pas une parenthèse lunaire qui arrêtera la poésie : je veux dire : ne faudrait-il pas maintenant qu’un mur s’écroule.
Dans le couchant qui rougit ta chevelure
les serpents de l’horizon s’emmêlent
les peaux : je veux dire : te voilà serpentant dans l’air incandescent et rien de ce qui fait
le jour et la nuit ne te dissipe.
c’est ainsi que je te rêve et te rêve à nouveau jusqu’à ce qu’aux éléments de base s’ajoute
le travail tranquille et secret de ma bibliothèque intime.
ce n’est pas facile à faire.
entre les blocs solides et liquides il n’y a guère de concurrence : je veux dire : être l’un
ou l’autre n’est pas un choix.
mais quand ce qui est corps se déroule
dans l’âme en une lente soirée de fin d’été et qu’une main repeint à l’intérieur ce que l’extérieur lui soustrait c’est comme si de la terre à l’eau et plus loin encore les porte-paroles du dedans sculptaient statue après statue dans le creux des nuages : je veux dire : là-bas entre chair et os notre amour ressemble moins aux serpents qu’à l’incandescence rituelle qui fait et défait l’horizon.
Je ne me suis jamais posé la question
du retour : je veux dire : que l’on parte ou qu’on revienne est dans la logique des choses : je veux dire : il ne suffit pas que le voyage soit définitif pour qu’il cesse d’être voyage.
quand je m’avançais vers toi ne comptait
que la distance parcourue.
elle était toujours constante comme si au fur et à mesure que je marchais le sol sous mes pas et celui sous les tiens se déplaçaient également : je veux dire : ce qui voyageait en nous était ce lopin de terre dont nous étions les extrémités immobiles.
Quand dans l’embrasure d’une porte
que je voudrais extérieure apparaîtra et disparaîtra ta silhouette je recompterai jusqu’à huit.
il y en a qui s’arrêtent à sept ou a trois
d’autres vont jusqu’à douze.
que chacun soit le comptable de sa propre mythologie.
mon huit à moi c’est deux fois quatre : je veux dire : quand les quatre branches du bois droit
du cerf se sont plantées entre toi et moi et que les quatre du bois gauche ont catapulté la bête dans l’air leur somme n’était pas un calcul prémédité.
je suis sûr qu’il n’y avait pas huit cartouches dans les fusils des chasseurs à la sortie
de la ville puisque ce n’était pas encore au tour de l’animal du dedans de mourir cette nuit-là : je veux dire : des huit possibilités du mourir plantées cette nuit-là entre toi et moi aucune ne ressemblait autant à la nôtre.