PHOTOGRAPHIE ADRIENNE ARTH
site Adrienne Arth
DANS LA FÔRET DES SIGNES
TEXTES DE
Chawki Abdelamir, Gabrielle Althen, Jacques Ancet, Guillaume Apollinaire, Françoise Ascal, John Ashbery, Marie-Claire Bancquart, Nicole Barrière, Jean-Marie Barnaud, Arnaud Beaujeu, Albertine Benedetto, Mohammed Bennis, Claude Ber, Eva-Maria Berg, Daniel Biga, Kim Blaeser, Julien Blaine, Anne-Lise Blanchard, Claudine Bohi, Béatrice Bonhomme, Jacques Bonhomme, Tanella Boni, Volker Braun, Marie-Christine Brière, Emily Brontë, France Burghelle Rey, Laure Cambau, Gérard Cartier, Michel Cassir, Patricia Castex, Varlam Chalamov, René Char, Roland Chopard, Paul Celan, Michel Collot, Francis Combes, Benoit Connort , Gabriel Cosculluela, Marie-Josée Christien, Léon Gontran Damas, Jacques Darras, Mahmoud Darwich, Françoise Delorme, Marcelle Delpastre, Philippe Denis, Louis-René des Forêts, Denise Desautels, Jean-Luc Despax, Ananda Devi, Emily Dickinson, Hélène Dorion, Patrick Dubost, Ariane Dreyfus, Chantal Dupuy-Dunier, Antoine Emaz, Evelyne Encelot, Mireille Fargier-Caruso, Femmes Dalit, Bluma Finkelstein, Benjamin Fondane, Laurent Fourcaut, Alain Freixe, Raphaële George, Jean-Louis Giovannoni, Liliane Giraudon, Jean-Marie Gleize, Guillevic, Brigitte Gyr, Marilyn Hacker, Georges Haldas, Ernst Herbeck, Nazim Hikmet, Sabine Huynh, Edmond Jabès, Philippe Jacottet, Patrick Joquel, Yves Jouan, Jacques Jouet, Roberto Juarroz, Charles Juliet, Daniel Kay, Yitskhok Katzenhelson, Paloma Kirchmann, Abdellatif Laâbi, Alain Lance, Werner Lambersy, Christophe Lamiot, Denise Le Dantec, Régis Lefort, Gabriel Le Gal, Claudie Lenzi, Sophie Loizeau, Bronwyn Louw, Antonio Machado, Béatrice Machet, Daniel Maximin, Thierry Metz, Sébastien Minaux, Luis Mizon, Hala Mohammad, Simone Molina, Armand Monjo, Sarah Mostrel, José Muchnik, Yves Namur, Samira Negrouche, Pablo Neruda, Bernard Noël, Paul Nougé, Colette Nys-Mazure, Alice Notley, Cécile Oumhani, Yves Peyré, Angèle Paoli, Pier Paolo Pasolini, Michèle Passignani, Alexis Pelletier, Saint-John Perse, Fernando Pessoa, Serge Pey, Anthony Phelps, Poème sanscrit, Poésie traditionnelle des indiens d'Amérique, Bernard Pozier, Patrick Quillier, Marion Renauld, Tita Reut, Rainer Maria Rilke, Arthur Rimbaud, Serge Ritman, Lisa Robertson, Germain Roesz, John Ross, Valérie Rouzeau, James Sacré, Anne Salager, Saint-Amant, Jasna Samic, Dominique Sampiero, Hélène Sanguinetti, Gisèle Sans, José Saramago, Fabio Scotto, Aaron Shabtaï, Antoine Simon, Solirenne, Anne Talvaz, Jean Tardieu, Habib Tengour, Jean-Pierre Thuillat, Luminitza C. Tigirlas, André Ughetto, José Angel Valente, Bernard Vargaftig, Sanda Voïca, Wisława Szymborska, Dominique Zinenberg, Nina Zivancevic...
IMAGES DE
Adrienne Arth, Giney Ayme, Serge Chamchinov, Chiara Mulas, Anne Slacik, Germain Roesz
DANS LA FÔRET DES SIGNES
TEXTES DE
Chawki Abdelamir, Gabrielle Althen, Jacques Ancet, Guillaume Apollinaire, Françoise Ascal, John Ashbery, Marie-Claire Bancquart, Nicole Barrière, Jean-Marie Barnaud, Arnaud Beaujeu, Albertine Benedetto, Mohammed Bennis, Claude Ber, Eva-Maria Berg, Daniel Biga, Kim Blaeser, Julien Blaine, Anne-Lise Blanchard, Claudine Bohi, Béatrice Bonhomme, Jacques Bonhomme, Tanella Boni, Volker Braun, Marie-Christine Brière, Emily Brontë, France Burghelle Rey, Laure Cambau, Gérard Cartier, Michel Cassir, Patricia Castex, Varlam Chalamov, René Char, Roland Chopard, Paul Celan, Michel Collot, Francis Combes, Benoit Connort , Gabriel Cosculluela, Marie-Josée Christien, Léon Gontran Damas, Jacques Darras, Mahmoud Darwich, Françoise Delorme, Marcelle Delpastre, Philippe Denis, Louis-René des Forêts, Denise Desautels, Jean-Luc Despax, Ananda Devi, Emily Dickinson, Hélène Dorion, Patrick Dubost, Ariane Dreyfus, Chantal Dupuy-Dunier, Antoine Emaz, Evelyne Encelot, Mireille Fargier-Caruso, Femmes Dalit, Bluma Finkelstein, Benjamin Fondane, Laurent Fourcaut, Alain Freixe, Raphaële George, Jean-Louis Giovannoni, Liliane Giraudon, Jean-Marie Gleize, Guillevic, Brigitte Gyr, Marilyn Hacker, Georges Haldas, Ernst Herbeck, Nazim Hikmet, Sabine Huynh, Edmond Jabès, Philippe Jacottet, Patrick Joquel, Yves Jouan, Jacques Jouet, Roberto Juarroz, Charles Juliet, Daniel Kay, Yitskhok Katzenhelson, Paloma Kirchmann, Abdellatif Laâbi, Alain Lance, Werner Lambersy, Christophe Lamiot, Denise Le Dantec, Régis Lefort, Gabriel Le Gal, Claudie Lenzi, Sophie Loizeau, Bronwyn Louw, Antonio Machado, Béatrice Machet, Daniel Maximin, Thierry Metz, Sébastien Minaux, Luis Mizon, Hala Mohammad, Simone Molina, Armand Monjo, Sarah Mostrel, José Muchnik, Yves Namur, Samira Negrouche, Pablo Neruda, Bernard Noël, Paul Nougé, Colette Nys-Mazure, Alice Notley, Cécile Oumhani, Yves Peyré, Angèle Paoli, Pier Paolo Pasolini, Michèle Passignani, Alexis Pelletier, Saint-John Perse, Fernando Pessoa, Serge Pey, Anthony Phelps, Poème sanscrit, Poésie traditionnelle des indiens d'Amérique, Bernard Pozier, Patrick Quillier, Marion Renauld, Tita Reut, Rainer Maria Rilke, Arthur Rimbaud, Serge Ritman, Lisa Robertson, Germain Roesz, John Ross, Valérie Rouzeau, James Sacré, Anne Salager, Saint-Amant, Jasna Samic, Dominique Sampiero, Hélène Sanguinetti, Gisèle Sans, José Saramago, Fabio Scotto, Aaron Shabtaï, Antoine Simon, Solirenne, Anne Talvaz, Jean Tardieu, Habib Tengour, Jean-Pierre Thuillat, Luminitza C. Tigirlas, André Ughetto, José Angel Valente, Bernard Vargaftig, Sanda Voïca, Wisława Szymborska, Dominique Zinenberg, Nina Zivancevic...
IMAGES DE
Adrienne Arth, Giney Ayme, Serge Chamchinov, Chiara Mulas, Anne Slacik, Germain Roesz
EMILY DICKINSON
Nous nous accoutumons à l’obscurité
Quand on éloigne la lumière ;
Si la voisine tient la lampe
Pour nous dire au revoir,
Pendant un moment nos pas sont incertains À cause de la nouveauté de la nuit, Puis nous adaptons notre vue à l’obscurité Et marchons droit au-devant de la route !
Il en est de même des ténèbres plus sombres, Ces nuits du cerveau Où pas une lune ne montre un signe, Où pas une étoile ne luit en notre for intérieur.
Les plus braves tâtonnent un peu Et parfois cognent contre un arbre Directement sur le front ;
Puis ils apprennent à voir.
C’est que l’obscurité change Ou bien quelque chose dans la vue S’adapte à minuit, Et la vie avance presque tout droit.
Emily Dickinson
In Poèmes choisis Éditions Montaigne
Envoi Anne Vuagnoux, L'Antre Lieux]
Pendant un moment nos pas sont incertains À cause de la nouveauté de la nuit, Puis nous adaptons notre vue à l’obscurité Et marchons droit au-devant de la route !
Il en est de même des ténèbres plus sombres, Ces nuits du cerveau Où pas une lune ne montre un signe, Où pas une étoile ne luit en notre for intérieur.
Les plus braves tâtonnent un peu Et parfois cognent contre un arbre Directement sur le front ;
Puis ils apprennent à voir.
C’est que l’obscurité change Ou bien quelque chose dans la vue S’adapte à minuit, Et la vie avance presque tout droit.
Emily Dickinson
In Poèmes choisis Éditions Montaigne
Envoi Anne Vuagnoux, L'Antre Lieux]
JULIEN BLAINE
Une fantastique soirée
poétique !
C’est « ça » que je voulais dire :
Médire
Redire
Surdire pour combattre la surdité des possédants et des gouvernants
Ce que je voulais crier :
Décrier
M’écrier
Dans ce monde sans merci.
Dans cet immonde monde que ces jeunes gens et ces vieilles personnes de la politique élégante et des religions monothéistes arrivent – tout compte fait et toute résistance accomplie et maintenue – à nous imposer…
Je suis libertaire made in myself et animiste de mes propres dieux mais par leur insistance médiatique, leur présence ininterrompue dans mon univers où que je sois où que je fuis, fait que je ne peux que les subir !
Ils sont là, tantôt par leurs intermédiaires, tantôt par leurs vassaux, tantôt par eux-mêmes : ils sont là ! Je les vomis et je dois réingurgiter mon dégueulis.
Les radicaux, les intégristes, les fondamentalistes, les libéraux, les progressistes, les insoumis, les frontistes, les crétins, les incultes, les barbares qui tous réunis sont largement minoritaires, par leur violence, leur présence, leurs discours, leurs tueries, leur connerie, s’imposent…
Ainsi sont-ils, aussi, plus nombreux, les journalistes, les footballeurs, les nouveaux philosophes, les petits merdeux, les vieux cons : omniprésents.
Alors, nous, être ensemble & :
Dire et crier
Hurler et chanter
Vociférer et dénoncer
Brailler et invectiver
S’égosiller et beugler
S’époumoner puis redire et murmurer…
Alors
Reprendre comme en cours élémentaire (première année) ou en poésie élémentaire (dans la fusion des 4 ou 5 éléments voire 6 *) tous les parler des animaux :
Siffler tel le serpent, craqueter telle la grue, couiner comme le porc, mugir comme le bœuf, ululer comme la chouette, braire comme l’âne, hennir comme le zèbre, hurler comme le loup, chanter comme la baleine, bêler comme le bouc, carcailler comme la caille, miauler comme le chat, barrir comme l’éléphant, jacasser comme la pie, ricaner comme la hyène, trompéter comme le cygne, croasser comme le crapaud, roucouler comme le pigeon, crouler comme la bécasse, gazouiller comme l’oiseau dans l’arbre ou fredonner comme l’arbre sous le vent…
Alors mes amis m’entourèrent tandis que je me mêlais à eux :
Alors musiciens et poètes se mirent à siffler tel le serpent, craqueter telle la grue, couiner comme le porc, mugir comme le bœuf, ululer comme la chouette, braire comme l’âne, hennir comme le zèbre, hurler comme le loup, chanter comme la baleine, bêler comme le bouc, carcailler comme la caille, miauler comme le chat, barrir comme l’éléphant, jacasser comme la pie, ricaner comme la hyène, trompéter comme le cygne, croasser comme le crapaud, roucouler comme le pigeon, crouler comme la bécasse, gazouiller comme l’oiseau dans l’arbre ou fredonner comme l’arbre sous le vent…
Alors musiciens et poètes jouèrent, jouirent : il y eut les cordes multiples et sonores, les cuivres plein de souffles et de vents, les peaux tendus retentissantes, des instruments vibrants, tonnants, bourdonnants, vrombissants, bruissants et des voix, nos voix…
Et elles&ils, tous ces elles&ils étaient là devant nous, sur les côtés, partout, pour nous entendre, pour nous écouter tous ces elles&ils, tous là, dans l’ile, à la nuit tombée
Une fantastique soirée poésique !
Dans ce monde sans merci…
Alors, ici, dans l’ile, de ci, de là
Je vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Tu vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Il vit
Quel est à l’infinitif le verbe ?
Ils virent
Ils visent
Ils vivent
Il vi ent
Ils vident
Il vi ent
De quel groupe ces verbes ?
Il viiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!!!!!!
De ci, de là
Je vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Tu vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Elle vit
Quel est à l’infinitif le verbe ?
Elle viiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Ils virent
Ils visent
Ils vivent
Il vi ent
Ils vident
Je vi ens
Quel est l’infinitif des verbes ?
Il vit
Elle vit
Viiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Ils virent
Ils visent
Ils vivent
Il vi ent
Ils vident
Je vi ens
Où suis-je ?
Que vis-je ?
Qui suis-je ?
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Que vit-il ?
Que vit-elle ?
Eh bien, nous visons un compte à rebours,
Eh bien, nous vidons un compte à rebours,
Eh bien, nous virons un compte à rebours,
Eh bien, nous vivons un compte à rebours :
LES 3
3
L’ETROIT :
UNIVERS
L’ETROIT :
EUX TOUS
L’ETROIT :
SOI
LES 3
2
L’ETROIT :
COSMOS
L’ETROIT :
ELLE & LUI
L’ETROIT :
MOI
LES 3
1
L’ETROIT :
LE MONDE
L’ETROIT :
LES AUTRES
L’ETROIT :
MOI & SOI
LES 3
0
L’ETROIT :
LA PLANETE
L’ETROIT :
L’AUTRE
L’ETROIT :
JE
Julien Blaine
Ile de Vassivières au centre d’art national du paysage,2014
inédit
poétique !
C’est « ça » que je voulais dire :
Médire
Redire
Surdire pour combattre la surdité des possédants et des gouvernants
Ce que je voulais crier :
Décrier
M’écrier
Dans ce monde sans merci.
Dans cet immonde monde que ces jeunes gens et ces vieilles personnes de la politique élégante et des religions monothéistes arrivent – tout compte fait et toute résistance accomplie et maintenue – à nous imposer…
Je suis libertaire made in myself et animiste de mes propres dieux mais par leur insistance médiatique, leur présence ininterrompue dans mon univers où que je sois où que je fuis, fait que je ne peux que les subir !
Ils sont là, tantôt par leurs intermédiaires, tantôt par leurs vassaux, tantôt par eux-mêmes : ils sont là ! Je les vomis et je dois réingurgiter mon dégueulis.
Les radicaux, les intégristes, les fondamentalistes, les libéraux, les progressistes, les insoumis, les frontistes, les crétins, les incultes, les barbares qui tous réunis sont largement minoritaires, par leur violence, leur présence, leurs discours, leurs tueries, leur connerie, s’imposent…
Ainsi sont-ils, aussi, plus nombreux, les journalistes, les footballeurs, les nouveaux philosophes, les petits merdeux, les vieux cons : omniprésents.
Alors, nous, être ensemble & :
Dire et crier
Hurler et chanter
Vociférer et dénoncer
Brailler et invectiver
S’égosiller et beugler
S’époumoner puis redire et murmurer…
Alors
Reprendre comme en cours élémentaire (première année) ou en poésie élémentaire (dans la fusion des 4 ou 5 éléments voire 6 *) tous les parler des animaux :
Siffler tel le serpent, craqueter telle la grue, couiner comme le porc, mugir comme le bœuf, ululer comme la chouette, braire comme l’âne, hennir comme le zèbre, hurler comme le loup, chanter comme la baleine, bêler comme le bouc, carcailler comme la caille, miauler comme le chat, barrir comme l’éléphant, jacasser comme la pie, ricaner comme la hyène, trompéter comme le cygne, croasser comme le crapaud, roucouler comme le pigeon, crouler comme la bécasse, gazouiller comme l’oiseau dans l’arbre ou fredonner comme l’arbre sous le vent…
Alors mes amis m’entourèrent tandis que je me mêlais à eux :
Alors musiciens et poètes se mirent à siffler tel le serpent, craqueter telle la grue, couiner comme le porc, mugir comme le bœuf, ululer comme la chouette, braire comme l’âne, hennir comme le zèbre, hurler comme le loup, chanter comme la baleine, bêler comme le bouc, carcailler comme la caille, miauler comme le chat, barrir comme l’éléphant, jacasser comme la pie, ricaner comme la hyène, trompéter comme le cygne, croasser comme le crapaud, roucouler comme le pigeon, crouler comme la bécasse, gazouiller comme l’oiseau dans l’arbre ou fredonner comme l’arbre sous le vent…
Alors musiciens et poètes jouèrent, jouirent : il y eut les cordes multiples et sonores, les cuivres plein de souffles et de vents, les peaux tendus retentissantes, des instruments vibrants, tonnants, bourdonnants, vrombissants, bruissants et des voix, nos voix…
Et elles&ils, tous ces elles&ils étaient là devant nous, sur les côtés, partout, pour nous entendre, pour nous écouter tous ces elles&ils, tous là, dans l’ile, à la nuit tombée
Une fantastique soirée poésique !
Dans ce monde sans merci…
Alors, ici, dans l’ile, de ci, de là
Je vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Tu vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Il vit
Quel est à l’infinitif le verbe ?
Ils virent
Ils visent
Ils vivent
Il vi ent
Ils vident
Il vi ent
De quel groupe ces verbes ?
Il viiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!!!!!!
De ci, de là
Je vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Tu vis
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Elle vit
Quel est à l’infinitif le verbe ?
Elle viiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Ils virent
Ils visent
Ils vivent
Il vi ent
Ils vident
Je vi ens
Quel est l’infinitif des verbes ?
Il vit
Elle vit
Viiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Ils virent
Ils visent
Ils vivent
Il vi ent
Ils vident
Je vi ens
Où suis-je ?
Que vis-je ?
Qui suis-je ?
Quel est à l’infinitif le verbe ?
De ci, de là
Que vit-il ?
Que vit-elle ?
Eh bien, nous visons un compte à rebours,
Eh bien, nous vidons un compte à rebours,
Eh bien, nous virons un compte à rebours,
Eh bien, nous vivons un compte à rebours :
LES 3
3
L’ETROIT :
UNIVERS
L’ETROIT :
EUX TOUS
L’ETROIT :
SOI
LES 3
2
L’ETROIT :
COSMOS
L’ETROIT :
ELLE & LUI
L’ETROIT :
MOI
LES 3
1
L’ETROIT :
LE MONDE
L’ETROIT :
LES AUTRES
L’ETROIT :
MOI & SOI
LES 3
0
L’ETROIT :
LA PLANETE
L’ETROIT :
L’AUTRE
L’ETROIT :
JE
Julien Blaine
Ile de Vassivières au centre d’art national du paysage,2014
inédit
MARIE-CLAIRE BANCQUART
Hors
Infinitive et douce
parole de forêt
vendange des sucs dans la terre.
Entre résine et sang
le soleil attendri des feuilles
filtre un long rêve sur ces verbes
dont on chuchote
sans passé ni futur
un acte sans défaut:
boire
vivre
joindre son corps aux aiguilles de pin.
Couché à moitié hors de soi
on est une seconde d'arbre heureux.
Marie-Claire Bancquart,
Opéra des limites, Corti, 1988
Envoi Corinne Leenhardt
***
Derrière la lune, il y a la nuit.
Je prends ta main, il est temps encore
Je te parle de
tout ce qui
est devant :
Des toits bleus, des luisances
sous la pluie qui peut
vieillir et disparaître. De notre ville, et d’un futur voyage.
Tandis que mon étonnement ne faiblit pas
de mêler tes doigts à ma vie
tout doucement s’avance
derrière nous
un noir plus obscur que la nuit. Nous le savons.
La minute en est de saveur plus douce.
Marie-Claire Bancquart
In Entre marge et présence, éd. Les Ecrits du Nord, 2009
envpo Jacques Fournier
Infinitive et douce
parole de forêt
vendange des sucs dans la terre.
Entre résine et sang
le soleil attendri des feuilles
filtre un long rêve sur ces verbes
dont on chuchote
sans passé ni futur
un acte sans défaut:
boire
vivre
joindre son corps aux aiguilles de pin.
Couché à moitié hors de soi
on est une seconde d'arbre heureux.
Marie-Claire Bancquart,
Opéra des limites, Corti, 1988
Envoi Corinne Leenhardt
***
Derrière la lune, il y a la nuit.
Je prends ta main, il est temps encore
Je te parle de
tout ce qui
est devant :
Des toits bleus, des luisances
sous la pluie qui peut
vieillir et disparaître. De notre ville, et d’un futur voyage.
Tandis que mon étonnement ne faiblit pas
de mêler tes doigts à ma vie
tout doucement s’avance
derrière nous
un noir plus obscur que la nuit. Nous le savons.
La minute en est de saveur plus douce.
Marie-Claire Bancquart
In Entre marge et présence, éd. Les Ecrits du Nord, 2009
envpo Jacques Fournier
ROBERTO JUARROZ
Une invasion de paroles
tente d'assiéger le silence,
mais, comme toujours, échoue.
Elle essaie alors de coincer les choses
qui habitent le silence,
mais n'y arrive pas davantage.
Elle va finalement encercler les paroles
qui cohabitent avec le silence,
alors se produit l'imprévu :
le silence se convertit en paroles
pour mieux protéger les paroles
qui cohabitent avec lui.
Et pendant que l'invasion des autres paroles
se dissipe comme un souffle furtif,
l'insolite s'accomplit :
les paroles qui restent
ressemblent alors beaucoup plus au silence
qu'aux autres paroles.
(...)
Il ne suffit pas de lever les mains ..
Ni de les abaisser
ou de dissimuler ces deux gestes
sous les embarras intermédiaires.
Aucun geste n'est suffisant,
même s'il s'immobilise comme un défi.
Reste une seule solution possible :
ouvrir les mains
comme si elles étaient des feuilles.
Roberto Juarroz
In Onzième poésie verticale, Éditions Lettres vives.
tente d'assiéger le silence,
mais, comme toujours, échoue.
Elle essaie alors de coincer les choses
qui habitent le silence,
mais n'y arrive pas davantage.
Elle va finalement encercler les paroles
qui cohabitent avec le silence,
alors se produit l'imprévu :
le silence se convertit en paroles
pour mieux protéger les paroles
qui cohabitent avec lui.
Et pendant que l'invasion des autres paroles
se dissipe comme un souffle furtif,
l'insolite s'accomplit :
les paroles qui restent
ressemblent alors beaucoup plus au silence
qu'aux autres paroles.
(...)
Il ne suffit pas de lever les mains ..
Ni de les abaisser
ou de dissimuler ces deux gestes
sous les embarras intermédiaires.
Aucun geste n'est suffisant,
même s'il s'immobilise comme un défi.
Reste une seule solution possible :
ouvrir les mains
comme si elles étaient des feuilles.
Roberto Juarroz
In Onzième poésie verticale, Éditions Lettres vives.
SOPHIE LOIZEAU
Le lai du Centaure
elle coupe en vélo à travers les bois du [vert l'attire
fluo entre les branches qu'elle croit être
un gazon
des bidons suspendus là dégorgent
leur vieux sang
des affûts ce qu'elle trouve mais l'étang
recouvert d'une nappe
verte- que les lentilles d'eau ont tramée
au tour martelé d'empreintes
Hmm cette haleine
de résurrection par bouffées de la forêt
Vibrisse se cale dans des racines
attend la nuit puisque parmi les traces [celles d'un
grand Equus pieds nus
le couple en biscuit : cheval et cavalier
immobile et pâle
elle en reçoit la lumière hors
présence de la lune
les choses évoluent
toujours rivé à l'homme le cheval
sort son sexe et pisse
de longs rayons causant un trou
dans l'eau sans gicler
puis c'est le spectacle d'eux d'un seul-
ont-ils fusionné- au bain
de cette croupe de ce
pénis devenu queue
Vibrisse se fait toute
petite
***
Thot au bain
de marbre jaspé la cuve du cabinet des [bains de Thot
le reflet des lampes
est contenu là-dedans
et bleu nuit à des heures
une fosse-ici de six mètres une fois
descendues
les marches dans l'essence de Néroli et [s'évasant
en nappe
la cuve est un goulet
par là qu'en apnée Thot rejoint l'océan
du fond des Akpallus voient
ce trou positif de puits
Sophie Loizeau
in Féerie, Ed. Champ Vallon, parution prévue en octobre 2020.
elle coupe en vélo à travers les bois du [vert l'attire
fluo entre les branches qu'elle croit être
un gazon
des bidons suspendus là dégorgent
leur vieux sang
des affûts ce qu'elle trouve mais l'étang
recouvert d'une nappe
verte- que les lentilles d'eau ont tramée
au tour martelé d'empreintes
Hmm cette haleine
de résurrection par bouffées de la forêt
Vibrisse se cale dans des racines
attend la nuit puisque parmi les traces [celles d'un
grand Equus pieds nus
le couple en biscuit : cheval et cavalier
immobile et pâle
elle en reçoit la lumière hors
présence de la lune
les choses évoluent
toujours rivé à l'homme le cheval
sort son sexe et pisse
de longs rayons causant un trou
dans l'eau sans gicler
puis c'est le spectacle d'eux d'un seul-
ont-ils fusionné- au bain
de cette croupe de ce
pénis devenu queue
Vibrisse se fait toute
petite
***
Thot au bain
de marbre jaspé la cuve du cabinet des [bains de Thot
le reflet des lampes
est contenu là-dedans
et bleu nuit à des heures
une fosse-ici de six mètres une fois
descendues
les marches dans l'essence de Néroli et [s'évasant
en nappe
la cuve est un goulet
par là qu'en apnée Thot rejoint l'océan
du fond des Akpallus voient
ce trou positif de puits
Sophie Loizeau
in Féerie, Ed. Champ Vallon, parution prévue en octobre 2020.
Alexis PELLETIER
Quel est ton nom de nuit
quelle ta façon de faire face
que m'apprend ton silence
sinon encore et encore la vie
son évidence dans l'épuisement même
Il y a ceci en toi qui renouvelle
la force des mots dans chaque
instant tenu
ou plutôt chaque instant
ténu où l'évidence vacille
jusqu'au terme d'après qui
n'est jamais demain
mais toujours l'aujourd'hui
qui s'ouvre
Alexis Pelletier
Inédit
***
cela a commencé bien avant l’évidence du titre
des mots se sont notés
presque quotidiennement
sans avoir l’idée de quoi que ce soit
il fallait saisir un moment
ou plus exactement être avec ce qui se passait
le bruit de l’horloge en pleine nuit
avec le plaisir de noter des mots à la suite
et peut-être de s’interroger
presque naïvement sur
le temps qu’est-ce que c’est
qu’est-ce qui passe
qu’est-ce que ça veut dire
je t’aime et si cela garde du
sens quand ce n’est pas dit régulièrement
et de nuit ou de jour
c’est l’affirmation de la vieillesse
des mots qui vient donner à ce qui s’écrit
à la fois sa lourdeur et son évidence
comme un peu le vrombissement d’une mouche
avec le petit bruit caractéristique
du moment où
elle heurte le carreau d’une fenêtre
il y va de quelque chose du bonheur
mais celui-ci ne se sait pas et partant
reste si fragile
il fait tout le temps jour dans ce livre
même si parfois dans le grand silence
le vent s’impose et réveille
un espace plus grand que le jour ou la nuit
un espace où
chercher à nommer
le bruit qu’il fait dans l’air
quand il s’engouffre
dans les volets ou dans les branches
des arbres
et comment il se répercute
au lointain
dans la mer quand tu dors
à côté d’elle
et alors c’est le plus souvent
l’impression que rien n’aboutit
d’autant que les silences ou les bruits
ne sont jamais exactement
les mêmes d’une nuit à l’autre
d’un jour à l’autre dans le même espace
d’un espace à l’autre dans les mêmes jours ou nuits
et les angoisses aussi
avec l’équivalence de chacune d’elles
grandes comme petites
si différentes et prenantes
quelque chose s’allume rouge dans cette phrase
il fait tout le temps jour dans ce livre
même au plus profond minuit
pour reprendre ici des mots à Nietzsche
mis en musique par Mahler
3e symphonie 4e mouvement
le présent du présent c’est une masse informe
qui n’est pas une célébration
et j’ai l’impression d’être tenu
toujours par les mêmes questions
depuis l’adolescence
et qu’elles restent sans réponse
par exemple je ne sais
si je rêve ton corps
si c’est le désir de toi qui me réveille
et qui es-tu dans la langue
avec la vieille rengaine
qui associe ce qui se tait
ce qui est tu et ce que tu es
que faire de toutes ces références
et puis c’est un mouvement subreptice
de ton bras gauche et l’impression
que je ne l’avais jamais vu
ainsi jusqu’à ce moment
le présent du présent
et ce qu’il devient dans cette page
quand je sais que j’aurais voulu
que mon bras arrête le tien
avec lenteur et le tienne
écoutant le silence entre le corps
de jour ou de nuit
toujours la lumière
présent ce qui échappe sans cesse
comme une impossibilité d’évaluer
le temps qui passe ou celui qu’il fait
comment savoir s’il faut se fier pour ce sujet
à ce que l’on ressent
à ce que dit le corps
comment faire avec le sentiment ou la sensation
il fait froid je vois ton bras gauche
et par le coin d’une fenêtre de toit
en bougeant dans la nuit
j’avais aperçu la Grande Ourse
Suffit-il donc que tu paraisses
puisque bien sûr la Grande Ourse
est mon auberge
avec une sensation de fraîcheur
phare dans la nuit ou dans le poème
ce n’est pas un refuge mais ça éclaire
et complète positivement
l’effroi emmagasiné ces jours derniers
le monde comme il tourne
en dehors de tout refuge
ce mot faisant partie de ceux
que j’ai le plus de mal
à faire entrer dans un poème
en ce qu’il apporte avec lui
un repli et une manière
de ne pas voir ni être vu
Suffit-il donc que tu paraisses
et c’est le présent mis au carré
avec ceci que tout ce que j’essaie d’écrire
voudra se limiter à
la conjonction et
j’entends le bruit de la mer et
celui du vent et
je viens de voir ton bras alors qu’il fait déjà jour et
j’ai un peu froid et
l’application à tenter d’écrire
se passe comme si toujours
il fallait ajouter une chose
une autre chose et
encore une autre
à ce qui est déjà venu jusqu’au poème
et cela dure sans vraiment que je sois
en mesure d’expliquer pourquoi
cela me tient et sans savoir aussi
si cela tient
Alexis Pelletier,
Le présent du présent, à paraître aux éditions Tarabuste en 2020
(Le présent du présent est une suite en 5 parties. Dans le livre à paraître chez Tarabuste, cette suite est précédée d’un prologue qui répond au titre Il faut que tu me suives. On lit ici le début de la première partie du présent du présent.)
quelle ta façon de faire face
que m'apprend ton silence
sinon encore et encore la vie
son évidence dans l'épuisement même
Il y a ceci en toi qui renouvelle
la force des mots dans chaque
instant tenu
ou plutôt chaque instant
ténu où l'évidence vacille
jusqu'au terme d'après qui
n'est jamais demain
mais toujours l'aujourd'hui
qui s'ouvre
Alexis Pelletier
Inédit
***
cela a commencé bien avant l’évidence du titre
des mots se sont notés
presque quotidiennement
sans avoir l’idée de quoi que ce soit
il fallait saisir un moment
ou plus exactement être avec ce qui se passait
le bruit de l’horloge en pleine nuit
avec le plaisir de noter des mots à la suite
et peut-être de s’interroger
presque naïvement sur
le temps qu’est-ce que c’est
qu’est-ce qui passe
qu’est-ce que ça veut dire
je t’aime et si cela garde du
sens quand ce n’est pas dit régulièrement
et de nuit ou de jour
c’est l’affirmation de la vieillesse
des mots qui vient donner à ce qui s’écrit
à la fois sa lourdeur et son évidence
comme un peu le vrombissement d’une mouche
avec le petit bruit caractéristique
du moment où
elle heurte le carreau d’une fenêtre
il y va de quelque chose du bonheur
mais celui-ci ne se sait pas et partant
reste si fragile
il fait tout le temps jour dans ce livre
même si parfois dans le grand silence
le vent s’impose et réveille
un espace plus grand que le jour ou la nuit
un espace où
chercher à nommer
le bruit qu’il fait dans l’air
quand il s’engouffre
dans les volets ou dans les branches
des arbres
et comment il se répercute
au lointain
dans la mer quand tu dors
à côté d’elle
et alors c’est le plus souvent
l’impression que rien n’aboutit
d’autant que les silences ou les bruits
ne sont jamais exactement
les mêmes d’une nuit à l’autre
d’un jour à l’autre dans le même espace
d’un espace à l’autre dans les mêmes jours ou nuits
et les angoisses aussi
avec l’équivalence de chacune d’elles
grandes comme petites
si différentes et prenantes
quelque chose s’allume rouge dans cette phrase
il fait tout le temps jour dans ce livre
même au plus profond minuit
pour reprendre ici des mots à Nietzsche
mis en musique par Mahler
3e symphonie 4e mouvement
le présent du présent c’est une masse informe
qui n’est pas une célébration
et j’ai l’impression d’être tenu
toujours par les mêmes questions
depuis l’adolescence
et qu’elles restent sans réponse
par exemple je ne sais
si je rêve ton corps
si c’est le désir de toi qui me réveille
et qui es-tu dans la langue
avec la vieille rengaine
qui associe ce qui se tait
ce qui est tu et ce que tu es
que faire de toutes ces références
et puis c’est un mouvement subreptice
de ton bras gauche et l’impression
que je ne l’avais jamais vu
ainsi jusqu’à ce moment
le présent du présent
et ce qu’il devient dans cette page
quand je sais que j’aurais voulu
que mon bras arrête le tien
avec lenteur et le tienne
écoutant le silence entre le corps
de jour ou de nuit
toujours la lumière
présent ce qui échappe sans cesse
comme une impossibilité d’évaluer
le temps qui passe ou celui qu’il fait
comment savoir s’il faut se fier pour ce sujet
à ce que l’on ressent
à ce que dit le corps
comment faire avec le sentiment ou la sensation
il fait froid je vois ton bras gauche
et par le coin d’une fenêtre de toit
en bougeant dans la nuit
j’avais aperçu la Grande Ourse
Suffit-il donc que tu paraisses
puisque bien sûr la Grande Ourse
est mon auberge
avec une sensation de fraîcheur
phare dans la nuit ou dans le poème
ce n’est pas un refuge mais ça éclaire
et complète positivement
l’effroi emmagasiné ces jours derniers
le monde comme il tourne
en dehors de tout refuge
ce mot faisant partie de ceux
que j’ai le plus de mal
à faire entrer dans un poème
en ce qu’il apporte avec lui
un repli et une manière
de ne pas voir ni être vu
Suffit-il donc que tu paraisses
et c’est le présent mis au carré
avec ceci que tout ce que j’essaie d’écrire
voudra se limiter à
la conjonction et
j’entends le bruit de la mer et
celui du vent et
je viens de voir ton bras alors qu’il fait déjà jour et
j’ai un peu froid et
l’application à tenter d’écrire
se passe comme si toujours
il fallait ajouter une chose
une autre chose et
encore une autre
à ce qui est déjà venu jusqu’au poème
et cela dure sans vraiment que je sois
en mesure d’expliquer pourquoi
cela me tient et sans savoir aussi
si cela tient
Alexis Pelletier,
Le présent du présent, à paraître aux éditions Tarabuste en 2020
(Le présent du présent est une suite en 5 parties. Dans le livre à paraître chez Tarabuste, cette suite est précédée d’un prologue qui répond au titre Il faut que tu me suives. On lit ici le début de la première partie du présent du présent.)
BÉATRICE BONHOMME
Le matin des mots
Je pourrais écrire sur le matin
L’arbre à petites roses jaunes
L’arbre à roses sauvages
L’aéroport au loin n’est pas encore construit
Il gagne du terrain sur la mer
Tu n’as encore jamais pris l’avion
Tu entends parfois lorsqu’ils
Franchissent le mur du son
Bang
Tu ne comprends pas de quel mur il s’agit.
Un peu en haut de la route
Il y a une petite colline de terre
On gravit par un chemin friable
Comme un gâteau de galets
Tenu par une farine de sable
Une sorte de pudding minéral
Elle s’assoit avec le livre
Tu t’appuies contre elle
Elle pose le livre sur tes genoux
Tu lis dans la lumière
Le matin te donne ton premier mot.
C’est le matin qu’elle est là
La porte ouverte sur le jour
Dans le parfum des seringas.
Les glycines en grappes violettes
Dégringolent la tonnelle
Le chat moussu s’avance
Le pelage éclairé de rayons.
J’ai toujours
Rendez-vous avec elle
Il y a les choses simples le thé
Café au lait, odeur de pain grillé
Et elle posée sur le monde
Riant de la joie
Que le jour lui promet.
Elle ne me parle pas toujours
Elle est là et c’est tout
Je sens le silence gagner en moi
Pour lui faire place
Et laisser passer la lumière.
Le silence gagne en nous
En ces jours de solitude
Permettant la venue de l’aube
Et du jasmin.
Quand le temps qui n’existe plus
Me laisse être à elle
L’accueillir la recevoir
Alors elle s’assoit tranquillement
Dans la clarté du jour
Et rend aux choses leur présence.
Si nous savons l’accueillir
Quand elle vient
La peur s’en va
Et le soleil
Se pose sur la terre.
Elle nous donne les mots
Ils ont les couleurs des saisons
Il fait beau sur la page du livre
Elle nous dit que le mot est sincère
Aussi vrai que l’ocre de la terre.
Elle construit des architectures
De monde et de fruits
Avec quelques lettres d’un alphabet
Incarné dans la pierre.
Je la rencontre dans le temps du monde
Celui sans montre et sans aiguilles
Et si je lui fais place
Elle installe le silence.
Elle offre le matin et les mots
Et c’est même chose sur le papier
C’est même gravure et gestes
D’arbre.
Béatrice Bonhomme
Inédit, mars-avril 2020
Je pourrais écrire sur le matin
L’arbre à petites roses jaunes
L’arbre à roses sauvages
L’aéroport au loin n’est pas encore construit
Il gagne du terrain sur la mer
Tu n’as encore jamais pris l’avion
Tu entends parfois lorsqu’ils
Franchissent le mur du son
Bang
Tu ne comprends pas de quel mur il s’agit.
Un peu en haut de la route
Il y a une petite colline de terre
On gravit par un chemin friable
Comme un gâteau de galets
Tenu par une farine de sable
Une sorte de pudding minéral
Elle s’assoit avec le livre
Tu t’appuies contre elle
Elle pose le livre sur tes genoux
Tu lis dans la lumière
Le matin te donne ton premier mot.
C’est le matin qu’elle est là
La porte ouverte sur le jour
Dans le parfum des seringas.
Les glycines en grappes violettes
Dégringolent la tonnelle
Le chat moussu s’avance
Le pelage éclairé de rayons.
J’ai toujours
Rendez-vous avec elle
Il y a les choses simples le thé
Café au lait, odeur de pain grillé
Et elle posée sur le monde
Riant de la joie
Que le jour lui promet.
Elle ne me parle pas toujours
Elle est là et c’est tout
Je sens le silence gagner en moi
Pour lui faire place
Et laisser passer la lumière.
Le silence gagne en nous
En ces jours de solitude
Permettant la venue de l’aube
Et du jasmin.
Quand le temps qui n’existe plus
Me laisse être à elle
L’accueillir la recevoir
Alors elle s’assoit tranquillement
Dans la clarté du jour
Et rend aux choses leur présence.
Si nous savons l’accueillir
Quand elle vient
La peur s’en va
Et le soleil
Se pose sur la terre.
Elle nous donne les mots
Ils ont les couleurs des saisons
Il fait beau sur la page du livre
Elle nous dit que le mot est sincère
Aussi vrai que l’ocre de la terre.
Elle construit des architectures
De monde et de fruits
Avec quelques lettres d’un alphabet
Incarné dans la pierre.
Je la rencontre dans le temps du monde
Celui sans montre et sans aiguilles
Et si je lui fais place
Elle installe le silence.
Elle offre le matin et les mots
Et c’est même chose sur le papier
C’est même gravure et gestes
D’arbre.
Béatrice Bonhomme
Inédit, mars-avril 2020
Wislawa SZYMBORSKA
Nuages
La description des nuages
exige de faire diligence -
en une fraction de seconde
ils ne sont plus tels, ils sont autres.
Leur trait principal consiste
à ne jamais reproduire
ni formes, ni teintes, ni poses, ni dessins.
Jamais porteurs d'aucune mémoire,
légers, ils survolent la gravité des faits.
Témoins de quelque chose - vous voulez rire !
au moindre souffle, voilà qu'ils s'éparpillent.
En regard des nuages
la vie semble solide,
presque enracinée et quasi éternelle.
A côté des nuages
les pierres sont nos soeurs,
sur elles nous pouvons compter,
tandis qu'eux, mon Dieu, des cousins lointains et volages.
Que les gens soient, s'ils y tiennent,
et qu'ils meurent ensuite un à un,
les nuages n'en ont rien à faire
de ces affaires
extraordinaires.
Au-dessus de ta vie parfaite,
de la mienne, imparfaite pour l'instant,
ils paradent, fastueux comme avant.
De périr avec nous ils ne sont point tenus.
Pour voguer, nul besoin d'être vu.
Wisława SZYMBORSKA
in Instant, 2002, repris dans De la Mort sans exagérer, Poèmes 1957-2009, Gallimard NRF Poésie,
traduction du polonais revue et corrigée par Piotr Kaminski, 2018.
Envoi Jacques Fournier
La description des nuages
exige de faire diligence -
en une fraction de seconde
ils ne sont plus tels, ils sont autres.
Leur trait principal consiste
à ne jamais reproduire
ni formes, ni teintes, ni poses, ni dessins.
Jamais porteurs d'aucune mémoire,
légers, ils survolent la gravité des faits.
Témoins de quelque chose - vous voulez rire !
au moindre souffle, voilà qu'ils s'éparpillent.
En regard des nuages
la vie semble solide,
presque enracinée et quasi éternelle.
A côté des nuages
les pierres sont nos soeurs,
sur elles nous pouvons compter,
tandis qu'eux, mon Dieu, des cousins lointains et volages.
Que les gens soient, s'ils y tiennent,
et qu'ils meurent ensuite un à un,
les nuages n'en ont rien à faire
de ces affaires
extraordinaires.
Au-dessus de ta vie parfaite,
de la mienne, imparfaite pour l'instant,
ils paradent, fastueux comme avant.
De périr avec nous ils ne sont point tenus.
Pour voguer, nul besoin d'être vu.
Wisława SZYMBORSKA
in Instant, 2002, repris dans De la Mort sans exagérer, Poèmes 1957-2009, Gallimard NRF Poésie,
traduction du polonais revue et corrigée par Piotr Kaminski, 2018.
Envoi Jacques Fournier
Jean Gabriel COSCULLUELA
LE JOUR D’APRÈS
Le jour d’après, il me reste à déplier la lumière. Elle a dit adieu aux murs, à la maison, sans doute hier soir, peut-être hier soir, je ne sais plus, quel jour sommes-nous ? A-t-il fait nuit ? A-t-il fait jour ? Je ne sais plus. Le temps a-t-il eu lieu d’être ? Le temps a-t-il eu lieu d’être ici en ce retrait ?
La lumière revient, il me reste à déplier la lumière, à déplier le monde, à faire nu avec le monde, la vie, l’écriture, chercher un chant pauvre, après avoir guetté et veillé une rambleur, la moindre rambleur au creux de la nuit, au cœur de la nuit, mais c’était peut-être le jour, je ne sais plus.
Je ne sais plus que ces mots que je retrouve dans un carnet, notés sans doute le temps du retrait : le « noir de source » « je ne suis moi que hors des heures, à la rencontre du jour qui fait les formes et de la nuit qui leur donne des yeux », « crois-tu que le jour t’éclairerait si tu n’étais pas l’œuvre de la nuit » (Joë Bousquet), « l’outrenoir » (Pierre Soulages).
La lumière reste peut-être tout contre le noir.
Peu importe, désormais, peu m’importe, la nuit, debout, le jour, debout. Peu m’importe, le jour d’après, quand la lumière revient sur les murs, sur la maison, je reprends un pas d’oubli, un autre pas d’oubli, me promenant autour de la maison. La lumière fait les formes et un oiseau laisse soudain une phrase dans le bleu du ciel, qu’il me faut lire, les yeux levés dans la lumière et les formes.
Comment m’accorder à ce peu ? Sauf, l’oubli. L’oubli est sauf.
L’oubli a peut-être lieu d’être ici, nous avions oublié l’oubli, et il est resté avec quelques mots dans l’abri, la resserre, près des outils à main, de terre à ciel.
Comment oublier le peu ?
L’oubli n’est pas irréparable, le peu n’est pas irréparable.
Jean Gabriel Cosculluela
Inédit 10 avril 2020
Ce texte est pour : Catherine Smits, Jean-Marc Adolphe, Thierry Renard, Joël Vernet.
Textes à paraître sur le blog Jour d’après 01 (Médiapart) et dans la revue Alkemie.
***
L'air, dehors dedans
à Philippe Jaccottet
Ne pas voir cela du dehors. Ce ne peut être un
spectacle, c'est ce qui est réellement, vécu, traversé,
le secret que l'on habite, auquel on ne peut être
extérieur.
Quand on est dans le corps, au cœur du monde – non
plus un regard, même quand on regarde, le regard est pris dedans.
Prisonnier, alors seulement on vit, non pas quand on est détaché.
Philippe Jaccottet (1)
Dans la maison, ce soir, seul non seul, je note ces mots : … et comme ces paysans... à qui je rendais visite la fin d'après-midi l'hiver et qui n'allumaient la lumière (coûteuse, mais aussi brutale, indiscrète) qu'au tout dernier instant, lorsqu'on ne voyait plus les yeux de celui qui vous parlait. Et qui souvent nous parlait de l'origine des mots.(2)
Il y a encore un peu d'air, un peu d'oubli, un peu de peu à habiter, un peu de lumière, d'ombre ou d'obscurité, une grammaire d'origine, resserrée au tout dernier instant du jour.
L'air est alors la vie silencieuse qui nous accorde au-dehors , resté proche, même si dehors il est le plus souvent absent à nos yeux, qui nous accorde au-dedans, à nos yeux, l'air doux ou cinglant, l'air est la vie invisible de la vie, l'air reste malgré tout au regard, l'air reste inouï au regard, trouée de lumière, d'ombre ou d'obscurité, insaisissable encore le traversant.
De jour, de nuit, d'une certaine joie, d'une certaine absence soudain, l'air nous reste... (le mot est illisible) …, comme une question : que reste-t-il ?
Que nous reste-t-il ?
L'air du dehors. L'air du dehors reste au-dedans, comme un jour recommencé, comme une nuit recommencée. L'air reste, ici et là, malgré notre inattention à la lumière, l'ombre ou l'obscurité. L'air reste une trouée au bord de la maison, tout contre, et sur le chemin, à la lisière du chant, nos yeux cherchent l'air pour le toucher, même aveuglément, même éperdument. L'air nomme silencieusement la maison.
L'air est un, nu, dehors dedans. Il est à la lisière.
Le prendre. Mais comment sans pouvoir le toucher ?
L'air s'absente à nos yeux, sans être vraiment absent.
Comme l'oubli, comme le peu, il est un pays habitable avec peu de lumière, d'ombre ou d'obscurité.
Avec l'air, la maison est dehors dedans, traversée.
Nous nous replions, mais nous en revenons toujours à l'air. Qu'un peu d'air vienne à nous manquer, viendront à nous manquer la lumière, l'ombre ou l'obscurité, peut-être l'origine des mots dans la maison.
Nous ne voyons pas le temps passer. Nous passons notre temps à effleurer nos vies silencieuses : l'air, la lumière, l'ombre, l'obscurité, les mots, à nous y effacer.
Les yeux y prennent l'air, la lumière, l'ombre, l'obscurité sans les toucher, cherchant encore l'invisible tout contre le visible.
Nous les oublions trop souvent.
La maison est un mot, le mot est une maison. Nous les recommençons. Nous y restons à demeure, nous traversant dans le secret de l'air, de la lumière, de l'ombre ou de l'obscurité.
Tout d'abord, fait-il jour ?, fait-il nuit ?, tout d'abord, il y a cette maison et ce mot, puis un autre, ils viennent dans l'origine des mots, dehors dedans, pour ne pas finir.
Comment oublier le peu ? le corps la parole étaient supportés par l'air des choses (3).
Ne serait-ce que la maison, dehors dedans, le temps d'un retrait, ne serait-ce qu'un seul mot, dehors dedans.
Ils viennent à trop souvent nous manquer eux aussi.
Jean Gabriel Cosculluela
18-30 avril & 2 mai 2020
L'air, dehors dedans (Le Jour d'après, 2)
(1) Philippe Jaccottet, La Semaison, Paris, Gallimard, 1984, pp. 83-84
(2) Valère Novarina, entretien avec Thierry Guichard, in Le Matricule des Anges n° 119, janvier 2011, p.26
(3) Jean-Pierre Sintive, Dans les moments, Le Revest les Eaux, Spectres Familiers, 1984, non paginé
Le jour d’après, il me reste à déplier la lumière. Elle a dit adieu aux murs, à la maison, sans doute hier soir, peut-être hier soir, je ne sais plus, quel jour sommes-nous ? A-t-il fait nuit ? A-t-il fait jour ? Je ne sais plus. Le temps a-t-il eu lieu d’être ? Le temps a-t-il eu lieu d’être ici en ce retrait ?
La lumière revient, il me reste à déplier la lumière, à déplier le monde, à faire nu avec le monde, la vie, l’écriture, chercher un chant pauvre, après avoir guetté et veillé une rambleur, la moindre rambleur au creux de la nuit, au cœur de la nuit, mais c’était peut-être le jour, je ne sais plus.
Je ne sais plus que ces mots que je retrouve dans un carnet, notés sans doute le temps du retrait : le « noir de source » « je ne suis moi que hors des heures, à la rencontre du jour qui fait les formes et de la nuit qui leur donne des yeux », « crois-tu que le jour t’éclairerait si tu n’étais pas l’œuvre de la nuit » (Joë Bousquet), « l’outrenoir » (Pierre Soulages).
La lumière reste peut-être tout contre le noir.
Peu importe, désormais, peu m’importe, la nuit, debout, le jour, debout. Peu m’importe, le jour d’après, quand la lumière revient sur les murs, sur la maison, je reprends un pas d’oubli, un autre pas d’oubli, me promenant autour de la maison. La lumière fait les formes et un oiseau laisse soudain une phrase dans le bleu du ciel, qu’il me faut lire, les yeux levés dans la lumière et les formes.
Comment m’accorder à ce peu ? Sauf, l’oubli. L’oubli est sauf.
L’oubli a peut-être lieu d’être ici, nous avions oublié l’oubli, et il est resté avec quelques mots dans l’abri, la resserre, près des outils à main, de terre à ciel.
Comment oublier le peu ?
L’oubli n’est pas irréparable, le peu n’est pas irréparable.
Jean Gabriel Cosculluela
Inédit 10 avril 2020
Ce texte est pour : Catherine Smits, Jean-Marc Adolphe, Thierry Renard, Joël Vernet.
Textes à paraître sur le blog Jour d’après 01 (Médiapart) et dans la revue Alkemie.
***
L'air, dehors dedans
à Philippe Jaccottet
Ne pas voir cela du dehors. Ce ne peut être un
spectacle, c'est ce qui est réellement, vécu, traversé,
le secret que l'on habite, auquel on ne peut être
extérieur.
Quand on est dans le corps, au cœur du monde – non
plus un regard, même quand on regarde, le regard est pris dedans.
Prisonnier, alors seulement on vit, non pas quand on est détaché.
Philippe Jaccottet (1)
Dans la maison, ce soir, seul non seul, je note ces mots : … et comme ces paysans... à qui je rendais visite la fin d'après-midi l'hiver et qui n'allumaient la lumière (coûteuse, mais aussi brutale, indiscrète) qu'au tout dernier instant, lorsqu'on ne voyait plus les yeux de celui qui vous parlait. Et qui souvent nous parlait de l'origine des mots.(2)
Il y a encore un peu d'air, un peu d'oubli, un peu de peu à habiter, un peu de lumière, d'ombre ou d'obscurité, une grammaire d'origine, resserrée au tout dernier instant du jour.
L'air est alors la vie silencieuse qui nous accorde au-dehors , resté proche, même si dehors il est le plus souvent absent à nos yeux, qui nous accorde au-dedans, à nos yeux, l'air doux ou cinglant, l'air est la vie invisible de la vie, l'air reste malgré tout au regard, l'air reste inouï au regard, trouée de lumière, d'ombre ou d'obscurité, insaisissable encore le traversant.
De jour, de nuit, d'une certaine joie, d'une certaine absence soudain, l'air nous reste... (le mot est illisible) …, comme une question : que reste-t-il ?
Que nous reste-t-il ?
L'air du dehors. L'air du dehors reste au-dedans, comme un jour recommencé, comme une nuit recommencée. L'air reste, ici et là, malgré notre inattention à la lumière, l'ombre ou l'obscurité. L'air reste une trouée au bord de la maison, tout contre, et sur le chemin, à la lisière du chant, nos yeux cherchent l'air pour le toucher, même aveuglément, même éperdument. L'air nomme silencieusement la maison.
L'air est un, nu, dehors dedans. Il est à la lisière.
Le prendre. Mais comment sans pouvoir le toucher ?
L'air s'absente à nos yeux, sans être vraiment absent.
Comme l'oubli, comme le peu, il est un pays habitable avec peu de lumière, d'ombre ou d'obscurité.
Avec l'air, la maison est dehors dedans, traversée.
Nous nous replions, mais nous en revenons toujours à l'air. Qu'un peu d'air vienne à nous manquer, viendront à nous manquer la lumière, l'ombre ou l'obscurité, peut-être l'origine des mots dans la maison.
Nous ne voyons pas le temps passer. Nous passons notre temps à effleurer nos vies silencieuses : l'air, la lumière, l'ombre, l'obscurité, les mots, à nous y effacer.
Les yeux y prennent l'air, la lumière, l'ombre, l'obscurité sans les toucher, cherchant encore l'invisible tout contre le visible.
Nous les oublions trop souvent.
La maison est un mot, le mot est une maison. Nous les recommençons. Nous y restons à demeure, nous traversant dans le secret de l'air, de la lumière, de l'ombre ou de l'obscurité.
Tout d'abord, fait-il jour ?, fait-il nuit ?, tout d'abord, il y a cette maison et ce mot, puis un autre, ils viennent dans l'origine des mots, dehors dedans, pour ne pas finir.
Comment oublier le peu ? le corps la parole étaient supportés par l'air des choses (3).
Ne serait-ce que la maison, dehors dedans, le temps d'un retrait, ne serait-ce qu'un seul mot, dehors dedans.
Ils viennent à trop souvent nous manquer eux aussi.
Jean Gabriel Cosculluela
18-30 avril & 2 mai 2020
L'air, dehors dedans (Le Jour d'après, 2)
(1) Philippe Jaccottet, La Semaison, Paris, Gallimard, 1984, pp. 83-84
(2) Valère Novarina, entretien avec Thierry Guichard, in Le Matricule des Anges n° 119, janvier 2011, p.26
(3) Jean-Pierre Sintive, Dans les moments, Le Revest les Eaux, Spectres Familiers, 1984, non paginé
CLAUDE BER
(Collines, cou et crâne). Les collines
et leurs chaperons de hautes cimes vigilantes
et sourcilleuses ressemblent à la conscience
penchant, attentive, son front sur la poitrine,
cou rembourré de voix furtives qui s’adressent
à son profond de gorge étroite. Qu’il se tende
vers un tout-près de visage ou le très-loin
de l’étoile du berger déclinante, toujours cou
c’est cou, sa peau tendre et plissée et sa clique
de vertèbres articulées. Quelle rotation espérer
de la nuque au delà des 180 degrés d’horizontale
aux deux épaules même si, en rêve, le crâne tourne
à son pivot au delà du mi-parcours et l’œil d’éveil
à 360 degrés dans un zodiaque de figures motrices.
Claude BER
Mues, Ed. PUHR, 2020
***
L’Inachevé de soi (extrait)
Nul n’a ferré les mots à notre cœur
à sa corne
ni clouté notre langue galopant des lèvres au palais
sabot claquant sur l’os
nous avons simplement assisté à un déclin
assisté à cela qui décline sans mot
à un déclin et une douleur
quelque chose de plus inquiet que moi qui me dépasse
halètement anonyme s’essoufflant aussi dans ma poitrine.
La déroute de l’esprit. L’ennoiement de la terre. Et une misère de toute sorte. Mutique ou bavarde. Et bavarde la pire d’ici où je vis. Misère du dedans. Riche et lâche. Des débris de crevettes et de crabes crissent sous les semelles. A force du sel crisse aussi dans les yeux.
Sur le noir de l’écran qui s’éteint titillé de zébrures la nuit
dehors la ville sent la vase et le vin
non, nul n’a ferré les mots à notre cœur minuscule.
L’eau morte des canaux porte le poids du jour et
pue sous le soleil
de cette puanteur le cœur. Lui aussi pourrissant.
Puanteur pour cœur pourrissant quel baiser réveillera nos cœurs au bois dormant ?
Eau emporte la barque et mots l’image. Des deux l’unique partir. Au fil du courant pirogue sans rames.
Simplement le vent. Ou la pensée du vent. Dans sa netteté rêche. Puis la bourrasque fraîche de la sensation.
Le vent se lève comme un livre.
Tu es l’aimé ou l’aimée le corps de mes mains. Et nous nous souvenons de caresses et de plénitude de la peau. Habitée. Bâtie. Fraisée sur le décisif de vivre.
Un horizon profond soudain
sa trouée. Une droite sur un plan d’architecte.
Le vent peut être une lumière. Et par instant nous aussi éclairer.
(…)
Il est dur de dire le simple, l’émotion ténue, la crainte que demain nous ne détruisions l’entier de la terre et pour la première fois peut-être l’angoisse de la mort de l’espèce plus grande que celle de sa propre mort.
Mais c’est aussi l’inclinaison abstraite des mains occupées. La transparence du verre sous l’eau bouillante. Le midi mesuré de toute chose à un lever de matin. L’extension du regard hors de la pupille. Et la tête montgolfière qui le suit. Aux nuées. A l’impensable. Au tourbillon des planètes et au clinamen des atomes. Aux fractals et au ping-pong des neutrinos.
L’éveil l’espace d’une assiette qui goutte sur l’évier. Le satori en lavant la vaisselle.
La simplicité brûle aussi. Sans flamme. Comme le gel. Expérience brève, geste d’effleurer la nappe de coton, où machinalement la main enroule un fil autour de l’annulaire. Toucher à proportion du corps, la jouissance aux limites du bras tendu, grâce lui soit donnée. D’un lissé sur le front
au nid des paumes le douillet du naître.
Avant qu’exister n’existe.
Toujours la langue veut dire. L’air. L’eau. La terre. Les écluses du corps. Les séjours de l’esprit. L’immensité captée dans un miroir de poche. Le loin de la fenêtre vu. Ciel découpé au carreau et sa hauteur à portée de main. Lumière traversière que je traverse comme un chuchotement tant est naine ma taille à proportion. Instant précieux.
Fugacement, sur la soie tiède d’un rai de lumière le temps voluptueux. Derrière la herse de rayons, une perfection accessible. Clarté de l’air tombée des toits pentus.
Dans une communauté tactile de matière le jour, la peau, les pigments et les pores. Respiration. Avant voir.
Avant sentir. Avant être. Dans vivre
lavé de tout.
Claude Ber
Il y a des choses que non, Editions Bruno Doucey 2018
envoi l'Antre lieu
***
Découpe 18
Ma tête ainsi faite qu'elle va ratissant tant de signes. Ou bien une ponceuse patiente lissant la moindre bosse sur le doux au toucher d'une rampe de bois. Un embout de chignole à outils multiples. Et toujours des méandres. Des étagements. Un échafaudage. Une pièce montée. Du nœud de lignes qui se tricotent en labyrinthes. En branchements. Avec des voies ferrées venues de nulle part. Des aiguillages au point de fuite des rails. Et parfois, comme une respiration inespérée, un de ces immenses pylônes, avec leur mécano de bras vissés en triangle à leur cou. Très haut. Dans le gris bleu du crépuscule. Le dessin des pylônes entre chien et loup. Dans un certain air du soir qui étreint la poitrine. Où je reconnais quelque chose de moi. Qui me dépasse et m'échappe. Un en deçà de la pensée et de la sensation. Ce pylône, là-bas, entre deux routes qui se perdent derrière les collines. Dans le grésillement des fils. Dans cette nuit tactile où ils se désamarrent.
Claude Ber
in La mort n'est jamais comme, Ed. Bruno Doucey 2019 (5ème Ed.)
Envoi Maya Nahum
et leurs chaperons de hautes cimes vigilantes
et sourcilleuses ressemblent à la conscience
penchant, attentive, son front sur la poitrine,
cou rembourré de voix furtives qui s’adressent
à son profond de gorge étroite. Qu’il se tende
vers un tout-près de visage ou le très-loin
de l’étoile du berger déclinante, toujours cou
c’est cou, sa peau tendre et plissée et sa clique
de vertèbres articulées. Quelle rotation espérer
de la nuque au delà des 180 degrés d’horizontale
aux deux épaules même si, en rêve, le crâne tourne
à son pivot au delà du mi-parcours et l’œil d’éveil
à 360 degrés dans un zodiaque de figures motrices.
Claude BER
Mues, Ed. PUHR, 2020
***
L’Inachevé de soi (extrait)
Nul n’a ferré les mots à notre cœur
à sa corne
ni clouté notre langue galopant des lèvres au palais
sabot claquant sur l’os
nous avons simplement assisté à un déclin
assisté à cela qui décline sans mot
à un déclin et une douleur
quelque chose de plus inquiet que moi qui me dépasse
halètement anonyme s’essoufflant aussi dans ma poitrine.
La déroute de l’esprit. L’ennoiement de la terre. Et une misère de toute sorte. Mutique ou bavarde. Et bavarde la pire d’ici où je vis. Misère du dedans. Riche et lâche. Des débris de crevettes et de crabes crissent sous les semelles. A force du sel crisse aussi dans les yeux.
Sur le noir de l’écran qui s’éteint titillé de zébrures la nuit
dehors la ville sent la vase et le vin
non, nul n’a ferré les mots à notre cœur minuscule.
L’eau morte des canaux porte le poids du jour et
pue sous le soleil
de cette puanteur le cœur. Lui aussi pourrissant.
Puanteur pour cœur pourrissant quel baiser réveillera nos cœurs au bois dormant ?
Eau emporte la barque et mots l’image. Des deux l’unique partir. Au fil du courant pirogue sans rames.
Simplement le vent. Ou la pensée du vent. Dans sa netteté rêche. Puis la bourrasque fraîche de la sensation.
Le vent se lève comme un livre.
Tu es l’aimé ou l’aimée le corps de mes mains. Et nous nous souvenons de caresses et de plénitude de la peau. Habitée. Bâtie. Fraisée sur le décisif de vivre.
Un horizon profond soudain
sa trouée. Une droite sur un plan d’architecte.
Le vent peut être une lumière. Et par instant nous aussi éclairer.
(…)
Il est dur de dire le simple, l’émotion ténue, la crainte que demain nous ne détruisions l’entier de la terre et pour la première fois peut-être l’angoisse de la mort de l’espèce plus grande que celle de sa propre mort.
Mais c’est aussi l’inclinaison abstraite des mains occupées. La transparence du verre sous l’eau bouillante. Le midi mesuré de toute chose à un lever de matin. L’extension du regard hors de la pupille. Et la tête montgolfière qui le suit. Aux nuées. A l’impensable. Au tourbillon des planètes et au clinamen des atomes. Aux fractals et au ping-pong des neutrinos.
L’éveil l’espace d’une assiette qui goutte sur l’évier. Le satori en lavant la vaisselle.
La simplicité brûle aussi. Sans flamme. Comme le gel. Expérience brève, geste d’effleurer la nappe de coton, où machinalement la main enroule un fil autour de l’annulaire. Toucher à proportion du corps, la jouissance aux limites du bras tendu, grâce lui soit donnée. D’un lissé sur le front
au nid des paumes le douillet du naître.
Avant qu’exister n’existe.
Toujours la langue veut dire. L’air. L’eau. La terre. Les écluses du corps. Les séjours de l’esprit. L’immensité captée dans un miroir de poche. Le loin de la fenêtre vu. Ciel découpé au carreau et sa hauteur à portée de main. Lumière traversière que je traverse comme un chuchotement tant est naine ma taille à proportion. Instant précieux.
Fugacement, sur la soie tiède d’un rai de lumière le temps voluptueux. Derrière la herse de rayons, une perfection accessible. Clarté de l’air tombée des toits pentus.
Dans une communauté tactile de matière le jour, la peau, les pigments et les pores. Respiration. Avant voir.
Avant sentir. Avant être. Dans vivre
lavé de tout.
Claude Ber
Il y a des choses que non, Editions Bruno Doucey 2018
envoi l'Antre lieu
***
Découpe 18
Ma tête ainsi faite qu'elle va ratissant tant de signes. Ou bien une ponceuse patiente lissant la moindre bosse sur le doux au toucher d'une rampe de bois. Un embout de chignole à outils multiples. Et toujours des méandres. Des étagements. Un échafaudage. Une pièce montée. Du nœud de lignes qui se tricotent en labyrinthes. En branchements. Avec des voies ferrées venues de nulle part. Des aiguillages au point de fuite des rails. Et parfois, comme une respiration inespérée, un de ces immenses pylônes, avec leur mécano de bras vissés en triangle à leur cou. Très haut. Dans le gris bleu du crépuscule. Le dessin des pylônes entre chien et loup. Dans un certain air du soir qui étreint la poitrine. Où je reconnais quelque chose de moi. Qui me dépasse et m'échappe. Un en deçà de la pensée et de la sensation. Ce pylône, là-bas, entre deux routes qui se perdent derrière les collines. Dans le grésillement des fils. Dans cette nuit tactile où ils se désamarrent.
Claude Ber
in La mort n'est jamais comme, Ed. Bruno Doucey 2019 (5ème Ed.)
Envoi Maya Nahum
CHARLES JULIET
tragique est la vie
pour moi que rien
ne délivre
du tourment d’exister
parle-moi
parle-moi
arrache de ma gorge ces mots qui m’étouffent
extirpe cette fatigue qui stagne dans les profondeurs de mon sang
comme tant d’autres je dérive au sein d’une humanité en détresse
***
aide-moi à traverser ce gâchis
fais éclater ce qui me mure
donne des mots à ce qui en moi se débat dans la nuit
***
Quand j’ai faim tout me nourrit racontait cette chanteuse dont le nom m’est inconnu
Un visage la pluie l’aboiement d’un chien moi aussi quand j’ai grande faim
musardant par les rues populeuses dérivant au gré de mon humeur je m’emplis de tout ce qui s’offre
Des visages des regards un arbre un nuage la lumière du jour le sourire d’un enfant tout est absorbé tout me nourrit
***
Ce vent qui heurte l’olivier couche ses hautes branches dans le ciel
qu’il s’engouffre en toi
emporte tes brumes
chasse le vieux savoir
***
février
déjà ici le printemps triomphe
jamais l’élan ne fléchit
la faim ne s’apaise
jamais ne vient le repos
et comment vivre
comment aller du labour aux moissons
comment ne rien détruire et consentir à la soif
Charles Juliet
(extraits) In "Moisson" Éditions POL
envoi l’Antre lieu
***
paupières closes
lèvres gonflées
les bras lourds
se mouvant
avec lenteur
et tant de secrets
dans ses formes
ses courbes
la tiédeur
de sa nuit
elle est érigée
au-dessus de moi
qui m’érige
en ses flancs
celle qui étend
sur moi
l’abondante
ramure de
son chêne
me berce
du murmure
de ses feuilles
me comble de
toutes les richesses
de ses eaux
Charles Juliet,
in Affûts, éd. P.O.L., 1990
envoi Jacques Fournier
parle-moi
parle-moi
arrache de ma gorge ces mots qui m’étouffent
extirpe cette fatigue qui stagne dans les profondeurs de mon sang
comme tant d’autres je dérive au sein d’une humanité en détresse
***
aide-moi à traverser ce gâchis
fais éclater ce qui me mure
donne des mots à ce qui en moi se débat dans la nuit
***
Quand j’ai faim tout me nourrit racontait cette chanteuse dont le nom m’est inconnu
Un visage la pluie l’aboiement d’un chien moi aussi quand j’ai grande faim
musardant par les rues populeuses dérivant au gré de mon humeur je m’emplis de tout ce qui s’offre
Des visages des regards un arbre un nuage la lumière du jour le sourire d’un enfant tout est absorbé tout me nourrit
***
Ce vent qui heurte l’olivier couche ses hautes branches dans le ciel
qu’il s’engouffre en toi
emporte tes brumes
chasse le vieux savoir
***
février
déjà ici le printemps triomphe
jamais l’élan ne fléchit
la faim ne s’apaise
jamais ne vient le repos
et comment vivre
comment aller du labour aux moissons
comment ne rien détruire et consentir à la soif
Charles Juliet
(extraits) In "Moisson" Éditions POL
envoi l’Antre lieu
***
paupières closes
lèvres gonflées
les bras lourds
se mouvant
avec lenteur
et tant de secrets
dans ses formes
ses courbes
la tiédeur
de sa nuit
elle est érigée
au-dessus de moi
qui m’érige
en ses flancs
celle qui étend
sur moi
l’abondante
ramure de
son chêne
me berce
du murmure
de ses feuilles
me comble de
toutes les richesses
de ses eaux
Charles Juliet,
in Affûts, éd. P.O.L., 1990
envoi Jacques Fournier
LISA ROBERTSON
Un travail appelé maisons de bois commence
Il explore différents degrés de peur.
Et c’est curieux que tu n’aies pas choisi une image séculaire
La tâche d’Augustin était également impossible.
Et nous avons dit qu’un bateau viendrait et t’emmènerait à Venise
Et tu es une loi du langage.
Et ma bouche a participé
Et nous t’avons nourri de morphine coupée de miel.
Et tu es un tableau rare de peinture moderne dans le grand salon
Et tu es un mur de terre.
Et tu es un calme idéologique
Et tu es mis à la porte pour chercher.
Et tu n'es formé que des rigueurs de perspective de maçonneries
Et tu n’es pas un instrument neutre.
Et tu es pornographique
Et tu es l’imagination de la société comme arbre.
Et tu es la femme s’agenouillant qui exprime de la peur
Et la femme regarde le spectateur un peu inquiète.
Et tu es les pronoms d’amour, mépris, accusation, glamour
Tout ce que tu connais de l’animal vient de l’émeute de l’amour.
Et tu es des Torontos d’arbres froids
D’où surgit le catalogue du matin.
Et tu n’es pas mort en dehors de l’amour
Et tu ne juges pas.
Et tu roules par terre et tu cherches à tâtons son vernis
L’homme à droite terrifié prend ses jambes à son cou.
Et tu vois comment un animal meurt
En donnant une première goutte de volupté.
Et on dirait que tu verses de l’eau de rose
Allongé dans les arbres pour la sieste.
Et tu parles dans les feuilles
Pour flirter et te battre et apaiser.
Et tu deviens une elle sans savoir ce qui se passe
La femme au milieu de toi s’agenouille, ou bien elle est assise ou peut-être elle a
[simplement été dessinée hors d'échelle.
Et tu es la dernière maison de bois
La charpente sculptée inclut les têtes de chiens.
Et tu ne mourras pas
Mais le hasard a toujours un peu d'avance.
Et ton échec est ma langue
L’effet dramatique est accentué par le sol rouge et chaud qu’on voit à travers les dernières
[couches.
Et ton cœur s'est arrêté dans ce grand désir de voir
Dans l’herbe haute.
Et tes bras charnus sortent des plis d’or et rose-fleur de tes tuniques
Comme dans les anciens genres littéraires.
Parce que c’est un fait connu
Les blessés tombent en direction de la pointe.
Lisa Robertson
Extrait de Maisons de bois
in Lisa’s Robertson’s Magenta Soul Whip,
Coach House Books, 2009, Traduction Samuel Rochery, 2013
Cf
Envoi Bronwyn Louw
Il explore différents degrés de peur.
Et c’est curieux que tu n’aies pas choisi une image séculaire
La tâche d’Augustin était également impossible.
Et nous avons dit qu’un bateau viendrait et t’emmènerait à Venise
Et tu es une loi du langage.
Et ma bouche a participé
Et nous t’avons nourri de morphine coupée de miel.
Et tu es un tableau rare de peinture moderne dans le grand salon
Et tu es un mur de terre.
Et tu es un calme idéologique
Et tu es mis à la porte pour chercher.
Et tu n'es formé que des rigueurs de perspective de maçonneries
Et tu n’es pas un instrument neutre.
Et tu es pornographique
Et tu es l’imagination de la société comme arbre.
Et tu es la femme s’agenouillant qui exprime de la peur
Et la femme regarde le spectateur un peu inquiète.
Et tu es les pronoms d’amour, mépris, accusation, glamour
Tout ce que tu connais de l’animal vient de l’émeute de l’amour.
Et tu es des Torontos d’arbres froids
D’où surgit le catalogue du matin.
Et tu n’es pas mort en dehors de l’amour
Et tu ne juges pas.
Et tu roules par terre et tu cherches à tâtons son vernis
L’homme à droite terrifié prend ses jambes à son cou.
Et tu vois comment un animal meurt
En donnant une première goutte de volupté.
Et on dirait que tu verses de l’eau de rose
Allongé dans les arbres pour la sieste.
Et tu parles dans les feuilles
Pour flirter et te battre et apaiser.
Et tu deviens une elle sans savoir ce qui se passe
La femme au milieu de toi s’agenouille, ou bien elle est assise ou peut-être elle a
[simplement été dessinée hors d'échelle.
Et tu es la dernière maison de bois
La charpente sculptée inclut les têtes de chiens.
Et tu ne mourras pas
Mais le hasard a toujours un peu d'avance.
Et ton échec est ma langue
L’effet dramatique est accentué par le sol rouge et chaud qu’on voit à travers les dernières
[couches.
Et ton cœur s'est arrêté dans ce grand désir de voir
Dans l’herbe haute.
Et tes bras charnus sortent des plis d’or et rose-fleur de tes tuniques
Comme dans les anciens genres littéraires.
Parce que c’est un fait connu
Les blessés tombent en direction de la pointe.
Lisa Robertson
Extrait de Maisons de bois
in Lisa’s Robertson’s Magenta Soul Whip,
Coach House Books, 2009, Traduction Samuel Rochery, 2013
Cf
Envoi Bronwyn Louw
EMMANUEL MERLE
Aux confins, à l’intérieur
de mon appartement, derrière la porte
que je soutiens des épaules
pendant de lourdes secondes, derrière
l’écran que je heurte de mes yeux
à des heures vides,
aux confins de ma mémoire, là
où je ne vais jamais, comme dans le ventre
des premières années d’enfance, planqué
dans l’être sans le savoir,
et pour l’éternité, dense et brève,
aux confins donc
je me retire.
Car derrière la porte (de l’intérieur
j’y frappe) la ville morte, la terre dévastée
est là, sans graal :
la promesse de la terre gaste
est avérée : les paroles n’ont pas été prononcées,
j’ai perdu ma voix, enrouée par l’effroi.
Mais une autre gorge se dénoue peu à peu,
feuille neuve et luisante de vernis.
Dans les confins je me prépare à dire,
à m’adresser au monde, avec des mots
pauvres, ceux qui n’ont pas de prix,
des mots d’une enfance de congère
et de charbon rougi.
Devant nos yeux intérieurs, qui sont
des fenêtres fermées, le printemps
explose lentement, avec son vert vibrant.
Des confins, du plus profond
de ma forêt mentale, je vais parler.
Il y a encore l’écho des cris d’enfant
répercutés sur les murs de la cour intérieure
des cris qui suffisent à vivre
Pourquoi cette immense nostalgie
dans la respiration de l’appartement
dans le sifflement de l’air entre les fenêtres
pourquoi ce masque du passé
plissé sur mon visage
Il y a aussi sur les murs de la cour
intérieure le langage de la lumière
qu’écorche le jour une brûlure et une noirceur
qui s’adossent l’une à l’autre
Car les enfants ne sont pas là
sur ce sol craquelé de la cour intérieure
où danse seule une marelle de craie
où jouent-ils sont-ils déjà ces ombres
tombées sur lesquelles poussent les tombes
C’est le temps de l’absence
Emmanuel Merle - Inédit
***
Nous cherchons une suffisance,
elle est dans le proche, elle est
dans la rue. Le lointain, ce ciel
Mais son œil est là, c’est la flaque,
la main qui s’ouvre.
La peur est intense, l’un parmi
tous mes regards.
Je dois garder tous mes yeux ouverts,
ceux de ma peau, ceux de mon cerveau.
Se dire qu’on a l’instant :
le bourgeon éclot et parfois
c’est de lui que naît l’oiseau
qui crépite dans l’air
comme un feu de Saint-Elme.
Emmanuel Merle
in Un simple regard où habiter Éditions Sang d'encre
de mon appartement, derrière la porte
que je soutiens des épaules
pendant de lourdes secondes, derrière
l’écran que je heurte de mes yeux
à des heures vides,
aux confins de ma mémoire, là
où je ne vais jamais, comme dans le ventre
des premières années d’enfance, planqué
dans l’être sans le savoir,
et pour l’éternité, dense et brève,
aux confins donc
je me retire.
Car derrière la porte (de l’intérieur
j’y frappe) la ville morte, la terre dévastée
est là, sans graal :
la promesse de la terre gaste
est avérée : les paroles n’ont pas été prononcées,
j’ai perdu ma voix, enrouée par l’effroi.
Mais une autre gorge se dénoue peu à peu,
feuille neuve et luisante de vernis.
Dans les confins je me prépare à dire,
à m’adresser au monde, avec des mots
pauvres, ceux qui n’ont pas de prix,
des mots d’une enfance de congère
et de charbon rougi.
Devant nos yeux intérieurs, qui sont
des fenêtres fermées, le printemps
explose lentement, avec son vert vibrant.
Des confins, du plus profond
de ma forêt mentale, je vais parler.
Il y a encore l’écho des cris d’enfant
répercutés sur les murs de la cour intérieure
des cris qui suffisent à vivre
Pourquoi cette immense nostalgie
dans la respiration de l’appartement
dans le sifflement de l’air entre les fenêtres
pourquoi ce masque du passé
plissé sur mon visage
Il y a aussi sur les murs de la cour
intérieure le langage de la lumière
qu’écorche le jour une brûlure et une noirceur
qui s’adossent l’une à l’autre
Car les enfants ne sont pas là
sur ce sol craquelé de la cour intérieure
où danse seule une marelle de craie
où jouent-ils sont-ils déjà ces ombres
tombées sur lesquelles poussent les tombes
C’est le temps de l’absence
Emmanuel Merle - Inédit
***
Nous cherchons une suffisance,
elle est dans le proche, elle est
dans la rue. Le lointain, ce ciel
Mais son œil est là, c’est la flaque,
la main qui s’ouvre.
La peur est intense, l’un parmi
tous mes regards.
Je dois garder tous mes yeux ouverts,
ceux de ma peau, ceux de mon cerveau.
Se dire qu’on a l’instant :
le bourgeon éclot et parfois
c’est de lui que naît l’oiseau
qui crépite dans l’air
comme un feu de Saint-Elme.
Emmanuel Merle
in Un simple regard où habiter Éditions Sang d'encre
FRANCIS COMBES
La Grande panne
Quand pendant plusieurs semaines tout autour de la Terre
tout se fut arrêté
il devint soudain clair
que le ciel pouvait être bleu,
que la vie valait mieux que l’argent,
que parmi tout ce que nous produisions
tout n’était pas nécessaire
et que pour ce qui était nécessaire
il suffirait de travailler
deux ou trois heures par jour
et donner à chacun
le moyen de vivre normalement
pour s’occuper de ce qui compte vraiment :
l’amour, les enfants, la vie, la poésie…
Quand tout se fut arrêté
pendant plusieurs semaines
il devint clair que tout autour de la Terre,
il n’y avait qu’une mer,
qu’une atmosphère,
qu’une humanité.
Francis Combes
Inédit, le 13/IV/2020
Quand pendant plusieurs semaines tout autour de la Terre
tout se fut arrêté
il devint soudain clair
que le ciel pouvait être bleu,
que la vie valait mieux que l’argent,
que parmi tout ce que nous produisions
tout n’était pas nécessaire
et que pour ce qui était nécessaire
il suffirait de travailler
deux ou trois heures par jour
et donner à chacun
le moyen de vivre normalement
pour s’occuper de ce qui compte vraiment :
l’amour, les enfants, la vie, la poésie…
Quand tout se fut arrêté
pendant plusieurs semaines
il devint clair que tout autour de la Terre,
il n’y avait qu’une mer,
qu’une atmosphère,
qu’une humanité.
Francis Combes
Inédit, le 13/IV/2020
ALAIN FREIXE
Un jour de mars 2020*
ça y est, ils ont fermé les jours. Suspendu, le temps ne coupe plus l’air. Il peint le jour d’attente, ombres sur ombres. La brume qu’il traîne après lui vient voiler l’étoile qui veillait sur le grand cèdre. Là-haut, où on n’ira pas.
S’il lui arrivait de sauter hors de lui-même, notre temps emporterait dans son bond jusqu’au sourire, cette lumière sur le monde. Lumière toujours fraîche et douce qui s’envole comme fleurissent les fleurs sur l’île aux femmes tandis que saignent les murs de l’eau.
Sans écho, le vent déserte et s’enfouit.
Tout est en ordre en la terre compacte.
Alain Freixe
Inédit, Nice, le 19 mars 2020, 3ème jour du confinement
Cet inédit fera l’objet d’un « A Côté dans les Cahiers du Museur avec Jean-Marc Scanreigh. Il doit figurer sur le Mur aux poèmes de La Semaine de la poésie de Clermont-Ferrand.
***
Poésie est murmure…
Des textes rouges d’épuisement. Noirs d’obstination. Des textes d’orée, de lisière – Murmurer est affaire de frontières – comme ces lueurs que l’on voit courir sur les bords, entre terres cultivées et bois, entre l’aveuglante lumière du plein champ et l’obscurité humide des sous-bois, civilisation et sauvagerie. Des textes fatigués, tant il nous en a coûté pour arracher ces pauvres mots à ce qui dans la gorge fait feu. Des textes de basse continue. De ras de porte. C’est alors entre les lèvres un souffle comme au travers d’une lézarde dans le haut mur du corps. Fragile enveloppe mal collée. Des textes chuchotés. Murmurer, c’est couper court... User des forces de la séparation. Faire lumière rase, sous les portes fermées. Et Imposer silence sans blesser.
Alain Freixe,
extrait de Vers ce pays dont on est l’homme, collection Métive, éditions Tipaza, 2018
Plus loin, si loin*
la primevère
lève le noir
des forêts
ligote
le printemps
à ses fleurs
ses couleurs froides
font peur
trop d’ombres alentour
et tombé des arbres
trop de silence
dans les launes
des torrents
nage l’ombre
des grands oiseaux
entre les pierres noires
des rives
et le gravier blanc
des fonds
personne n’est là
pour lever les yeux
Alain Freixe
in Vers les riveraines, éditions de l’Amourier, 2014
ça y est, ils ont fermé les jours. Suspendu, le temps ne coupe plus l’air. Il peint le jour d’attente, ombres sur ombres. La brume qu’il traîne après lui vient voiler l’étoile qui veillait sur le grand cèdre. Là-haut, où on n’ira pas.
S’il lui arrivait de sauter hors de lui-même, notre temps emporterait dans son bond jusqu’au sourire, cette lumière sur le monde. Lumière toujours fraîche et douce qui s’envole comme fleurissent les fleurs sur l’île aux femmes tandis que saignent les murs de l’eau.
Sans écho, le vent déserte et s’enfouit.
Tout est en ordre en la terre compacte.
Alain Freixe
Inédit, Nice, le 19 mars 2020, 3ème jour du confinement
Cet inédit fera l’objet d’un « A Côté dans les Cahiers du Museur avec Jean-Marc Scanreigh. Il doit figurer sur le Mur aux poèmes de La Semaine de la poésie de Clermont-Ferrand.
***
Poésie est murmure…
Des textes rouges d’épuisement. Noirs d’obstination. Des textes d’orée, de lisière – Murmurer est affaire de frontières – comme ces lueurs que l’on voit courir sur les bords, entre terres cultivées et bois, entre l’aveuglante lumière du plein champ et l’obscurité humide des sous-bois, civilisation et sauvagerie. Des textes fatigués, tant il nous en a coûté pour arracher ces pauvres mots à ce qui dans la gorge fait feu. Des textes de basse continue. De ras de porte. C’est alors entre les lèvres un souffle comme au travers d’une lézarde dans le haut mur du corps. Fragile enveloppe mal collée. Des textes chuchotés. Murmurer, c’est couper court... User des forces de la séparation. Faire lumière rase, sous les portes fermées. Et Imposer silence sans blesser.
Alain Freixe,
extrait de Vers ce pays dont on est l’homme, collection Métive, éditions Tipaza, 2018
Plus loin, si loin*
la primevère
lève le noir
des forêts
ligote
le printemps
à ses fleurs
ses couleurs froides
font peur
trop d’ombres alentour
et tombé des arbres
trop de silence
dans les launes
des torrents
nage l’ombre
des grands oiseaux
entre les pierres noires
des rives
et le gravier blanc
des fonds
personne n’est là
pour lever les yeux
Alain Freixe
in Vers les riveraines, éditions de l’Amourier, 2014
ABDELLATIF LAÂBI
J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui dont le cœur tremble d'amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux que pour lui-même
liberté, paix, dignité
Celui qui considère que la Vie
est encore plus sacrée
que ses croyances et ses divinités
J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui qui combat sans relâche la Haine
en lui et autour de lui
Celui qui dès qu'il ouvre les yeux au matin
se pose la question :
Que vais-je faire aujourd'hui pour ne pas perdre
ma qualité et ma fierté
d'être homme
Abdelatif Laabi
In J'atteste contre la barbarie éditions Rue du Monde
envoi Antre Lieu
***
Allons
il n'y a pas lieu
de crever de la sorte
mijoté
à petit feu
l'amour en berne
le rêve éventré
comme un rat
Viens ma tempête extravagante
Il y a bien une taverne
où l'échanson
a revêtu la cape de la rédemption
et verse dans la coupe
l'élixir de la fraternité perdue
Allons boire jusqu'à l'aube
et que la Faucheuse
aille paître ailleurs
Abdellatif LAÂBI
Le Spleen de Casablanca, éd. de la Différence, 1996
Envoi Jacques Fournier
que Celui dont le cœur tremble d'amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux que pour lui-même
liberté, paix, dignité
Celui qui considère que la Vie
est encore plus sacrée
que ses croyances et ses divinités
J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui qui combat sans relâche la Haine
en lui et autour de lui
Celui qui dès qu'il ouvre les yeux au matin
se pose la question :
Que vais-je faire aujourd'hui pour ne pas perdre
ma qualité et ma fierté
d'être homme
Abdelatif Laabi
In J'atteste contre la barbarie éditions Rue du Monde
envoi Antre Lieu
***
Allons
il n'y a pas lieu
de crever de la sorte
mijoté
à petit feu
l'amour en berne
le rêve éventré
comme un rat
Viens ma tempête extravagante
Il y a bien une taverne
où l'échanson
a revêtu la cape de la rédemption
et verse dans la coupe
l'élixir de la fraternité perdue
Allons boire jusqu'à l'aube
et que la Faucheuse
aille paître ailleurs
Abdellatif LAÂBI
Le Spleen de Casablanca, éd. de la Différence, 1996
Envoi Jacques Fournier
LAURENT FOURCAUT
Les fleurs du lilas commencent à apparaître
le buddleia lui n’en est pas encore là
il faudrait que des vaches se missent à paître
l’herbe de la pelouse elle a pas vu la la
me depuis de longs mois le jardinier ce traître
passe la pandémie au lit à se préla
sser en rêvassant qu’il courtise le verbe être
que son être prend forme et corps façon prélat
Dans l’air mordoré là un grouillement d’insectes
un coup de projecteur solaire les inspecte
puis ils se volatilisent bus par l’ailleurs
implantés dans l’espace les arbres s’incrustent
on ne saura les voir que si on reste fruste
– écrire n’a de sens qui si l’on est bailleur
de cru
Laurent FOURCAUT
Inédit, avril 2020
le buddleia lui n’en est pas encore là
il faudrait que des vaches se missent à paître
l’herbe de la pelouse elle a pas vu la la
me depuis de longs mois le jardinier ce traître
passe la pandémie au lit à se préla
sser en rêvassant qu’il courtise le verbe être
que son être prend forme et corps façon prélat
Dans l’air mordoré là un grouillement d’insectes
un coup de projecteur solaire les inspecte
puis ils se volatilisent bus par l’ailleurs
implantés dans l’espace les arbres s’incrustent
on ne saura les voir que si on reste fruste
– écrire n’a de sens qui si l’on est bailleur
de cru
Laurent FOURCAUT
Inédit, avril 2020
PESSOA
Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Pour voir les champs et la rivière.
Il n’est pas suffisant de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs.
Il ne faut avoir aucune philosophie.
Avec la philosophie, il n’y a pas d’arbres : il y a seulement des idées.
Il n’y a que chacun de nous, pareil à une cave.
Il n’y a qu’une fenêtre fermée, et le monde entier au-dehors ;
Et un rêve de ce qui pourrait être vu si la fenêtre s’ouvrait,
et qui n’est jamais ce qui est vu lorsque la fenêtre s’ouvre.
PESSOA sous son hétéronyme d’Alberto Caeiro), in Le gardeur de troupeau, 1946
***
Initiation
Non, tu ne dors pas sous les cyprès :
Il n’est pas de sommeil en ce monde.
...............
Le corps est l’ombre des vêtements
Qui dissimulent ton être profond.
La nuit survient, qui est la mort :
L’ombre s’est dissipée sans être.
Tu t’en vas dans la nuit, route de toi-même,
Semblable à toi sans y penser.
Puis les archanges de la Voie
Te dépouillent, te laissent nu.
Tu n’as plus d’habits, tu n’as rien :
Tu n’as que ton corps, que tu es.
La profonde caverne, enfin,
Les Dieux un peu plus t’y dépouillent.
Cesse ton corps, âme extérieure,
Mais tu vois qu’ils sont tes semblables.
.................
C’est l’ombre de tes habits qui
Resta chez nous prise au Destin.
Non, tu n’es pas mort, parmi des cyprès.
..............
Néophyte, il n’y a pas de mort.
Fernando Pessoa
Poèmes ésotériques et métaphysiques
Ed Christian Bourgois, traduction Maria Antonia Camara et Patrick Quillier
Envoi Denis Moreau
Pour voir les champs et la rivière.
Il n’est pas suffisant de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs.
Il ne faut avoir aucune philosophie.
Avec la philosophie, il n’y a pas d’arbres : il y a seulement des idées.
Il n’y a que chacun de nous, pareil à une cave.
Il n’y a qu’une fenêtre fermée, et le monde entier au-dehors ;
Et un rêve de ce qui pourrait être vu si la fenêtre s’ouvrait,
et qui n’est jamais ce qui est vu lorsque la fenêtre s’ouvre.
PESSOA sous son hétéronyme d’Alberto Caeiro), in Le gardeur de troupeau, 1946
***
Initiation
Non, tu ne dors pas sous les cyprès :
Il n’est pas de sommeil en ce monde.
...............
Le corps est l’ombre des vêtements
Qui dissimulent ton être profond.
La nuit survient, qui est la mort :
L’ombre s’est dissipée sans être.
Tu t’en vas dans la nuit, route de toi-même,
Semblable à toi sans y penser.
Puis les archanges de la Voie
Te dépouillent, te laissent nu.
Tu n’as plus d’habits, tu n’as rien :
Tu n’as que ton corps, que tu es.
La profonde caverne, enfin,
Les Dieux un peu plus t’y dépouillent.
Cesse ton corps, âme extérieure,
Mais tu vois qu’ils sont tes semblables.
.................
C’est l’ombre de tes habits qui
Resta chez nous prise au Destin.
Non, tu n’es pas mort, parmi des cyprès.
..............
Néophyte, il n’y a pas de mort.
Fernando Pessoa
Poèmes ésotériques et métaphysiques
Ed Christian Bourgois, traduction Maria Antonia Camara et Patrick Quillier
Envoi Denis Moreau
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