POÈTE UKRAINIEN: LEONID KISSILEV
Une voix
Et nous voici sans voix
Pourtant faut bien qu’il en reste une
s’échappant du bunker du silence
pour dire les lumières qui s’éteignent
les radios qui se taisent
les lits qui refroidissent
les frigos qui pourrissent
les autos ridicules
les passants invisibles
les animaux déboussolés
une voix pour chanter la sobriété
fut-elle à ce point malheureuse
Il faut bien qu’il y ait une voix
la mienne ou bien la tienne
assez tenace pour tenir tête
au premier atome venu
comme un nuage en embuscade
au coin des nues/des rues désertes
Leonid Kisselev, poète ukrainien « Un Rimbaud kiévien, mort à l’âge de 22 ans, dans les années 1960 », cité par Andreï Dmitriev dans Le Monde du vendredi 4 mars 2022.
Envoi Marc Delouze
Et nous voici sans voix
Pourtant faut bien qu’il en reste une
s’échappant du bunker du silence
pour dire les lumières qui s’éteignent
les radios qui se taisent
les lits qui refroidissent
les frigos qui pourrissent
les autos ridicules
les passants invisibles
les animaux déboussolés
une voix pour chanter la sobriété
fut-elle à ce point malheureuse
Il faut bien qu’il y ait une voix
la mienne ou bien la tienne
assez tenace pour tenir tête
au premier atome venu
comme un nuage en embuscade
au coin des nues/des rues désertes
Leonid Kisselev, poète ukrainien « Un Rimbaud kiévien, mort à l’âge de 22 ans, dans les années 1960 », cité par Andreï Dmitriev dans Le Monde du vendredi 4 mars 2022.
Envoi Marc Delouze
POÈTE UKRAINIENNE: LYUBA YAKIMCHUK
Deux poèmes de Lyuba Yakimchuk
couteau
avec des proches nous partageons la table, avec les ennemis
des tombes
— rien que des tombes
l’un d’eux venu partager
une tombe avec moi
me dit :
- je suis plus grand que toi
je suis plus dur que toi
je suis plus fort que toi
son couteau appuie son couteau contre mon ventre et dessous
presse ce couteau presse
comme un ressort
mais
il est plus petit que nous
il est plus faible que nous
car il n’a qu’un couteau
et nous sommes plusieurs autour de la table
et à chacun son propre « mais »
et à chacun sa propre part
il me dit
ma lame est la plus acérée
ma lame est la plus solide
pouf, pouf, pouf
le mort ce sera toi
bougez pas qu’ils disent bougez pas
on reste là autour de la table
chacun avale sa balle
à-même le canon
on en sert une à l’ennemi, aussi
Traduit par Marc Delouze à partir d’une traduction de l’ukrainien en anglais par Svetlana Lavochkina
comment j’ai tué
je reste en contact téléphonique avec ma famille
mes communications avec toute ma famille sont sur écoutes
sont curieux de savoir qui je préfère, maman ou papa ?
ce qui fait pleurer grand-mère dans l’appareil ?
intrigués comme toujours par ma sœur en guerre avec son copain
qui était aussi mon copain
toutes mes communications sont des liens du sang
mon sang est sur écoutes
ils veulent connaitre le pourcentage d’Ukrainiens
de Polonais, de Russes, s’il y a des Tziganes
ils veulent savoir quelle part j’en donne, et à qui
ils veulent savoir si c’est mon taux de glycémie
ou bien le toit qui s’effondre sur moi
et si on peut élever des frontières à partir des lambeaux
des centaines de tombes ont été creusées entre moi et ma mère
et je ne sais comment les enjamber
des centaines d’obus de mortier volent entre moi et mon père
et je ne peux les prendre pour des oiseaux
les portes en fer d’un sous-sol, coincées par une pelle
me séparent de ma sœur
un écran de prières pend entre moi et ma grand-mère
de minces murs soyeux étouffant les bruits, et je n’entends rien
c’est si facile de rester en contact par téléphone
d’ajouter des minutes sur ma carte, nuits sans repos, Xanax
ça doit être grisant
d’écouter le sang de quelqu’un battre dans vos écouteurs
tandis que mon sang se transforme en balle
BANG!
Traduit par Marc Delouze à partir d’une traduction de l’ukrainien en anglais par Oksana Maksymchuk et Max Rosochinsky.
Lyuba Yakimchuk est poète, scénariste et auteure dramatique. Elle est née en 1985 à Pervomaisk, dans la region de Luhansk et vit actuellement à Kyiv. Son recueil “Apricots of Donbas”, qui évoque la survie des gens en temps de guerre, a reçu aux Etats-Unis l’International Poetic Award de la fondation Kovalev. La maison de ses parents est dans le Donbass occupé. Sa deuxième maison est à Kiev où, après avoir mis leur jeune fils en lieu sûr, elle revient avec son mari afin de combattre l’agression.
« Il n'y a pas de poésie sur la guerre, seule la décomposition »
Envoi Marc DELOUZE
couteau
avec des proches nous partageons la table, avec les ennemis
des tombes
— rien que des tombes
l’un d’eux venu partager
une tombe avec moi
me dit :
- je suis plus grand que toi
je suis plus dur que toi
je suis plus fort que toi
son couteau appuie son couteau contre mon ventre et dessous
presse ce couteau presse
comme un ressort
mais
il est plus petit que nous
il est plus faible que nous
car il n’a qu’un couteau
et nous sommes plusieurs autour de la table
et à chacun son propre « mais »
et à chacun sa propre part
il me dit
ma lame est la plus acérée
ma lame est la plus solide
pouf, pouf, pouf
le mort ce sera toi
bougez pas qu’ils disent bougez pas
on reste là autour de la table
chacun avale sa balle
à-même le canon
on en sert une à l’ennemi, aussi
Traduit par Marc Delouze à partir d’une traduction de l’ukrainien en anglais par Svetlana Lavochkina
comment j’ai tué
je reste en contact téléphonique avec ma famille
mes communications avec toute ma famille sont sur écoutes
sont curieux de savoir qui je préfère, maman ou papa ?
ce qui fait pleurer grand-mère dans l’appareil ?
intrigués comme toujours par ma sœur en guerre avec son copain
qui était aussi mon copain
toutes mes communications sont des liens du sang
mon sang est sur écoutes
ils veulent connaitre le pourcentage d’Ukrainiens
de Polonais, de Russes, s’il y a des Tziganes
ils veulent savoir quelle part j’en donne, et à qui
ils veulent savoir si c’est mon taux de glycémie
ou bien le toit qui s’effondre sur moi
et si on peut élever des frontières à partir des lambeaux
des centaines de tombes ont été creusées entre moi et ma mère
et je ne sais comment les enjamber
des centaines d’obus de mortier volent entre moi et mon père
et je ne peux les prendre pour des oiseaux
les portes en fer d’un sous-sol, coincées par une pelle
me séparent de ma sœur
un écran de prières pend entre moi et ma grand-mère
de minces murs soyeux étouffant les bruits, et je n’entends rien
c’est si facile de rester en contact par téléphone
d’ajouter des minutes sur ma carte, nuits sans repos, Xanax
ça doit être grisant
d’écouter le sang de quelqu’un battre dans vos écouteurs
tandis que mon sang se transforme en balle
BANG!
Traduit par Marc Delouze à partir d’une traduction de l’ukrainien en anglais par Oksana Maksymchuk et Max Rosochinsky.
Lyuba Yakimchuk est poète, scénariste et auteure dramatique. Elle est née en 1985 à Pervomaisk, dans la region de Luhansk et vit actuellement à Kyiv. Son recueil “Apricots of Donbas”, qui évoque la survie des gens en temps de guerre, a reçu aux Etats-Unis l’International Poetic Award de la fondation Kovalev. La maison de ses parents est dans le Donbass occupé. Sa deuxième maison est à Kiev où, après avoir mis leur jeune fils en lieu sûr, elle revient avec son mari afin de combattre l’agression.
« Il n'y a pas de poésie sur la guerre, seule la décomposition »
Envoi Marc DELOUZE
POUR L'UKRAINE MARC DELOUZE
Sonnet pour ceux qui ont eu la chance de mourir avant le 24 février 2022
Vous qui êtes partis en regrettant ce monde
que vous abandonniez, qui vous abandonnait
vous qui vous affligiez de lâcher cette ronde
des vivants bien vivants qui déjà oubliaient
votre mémoire et vos douleurs et vos désirs
vous avez emporté l’illusion risible
que malgré nos malheurs on allait s’en sortir
que rien n’était plié que tout était possible
en dépit des nuits sombres et des jours moroses
vous aviez conservé le goût sucré des choses
avant d’avoir goûté à l’amertume ultime
vous avez échappé à l’inimaginable
avant qu’on vous soumette aux plus sombres régimes
vous avez su à temps débarrasser la table
Marc Delouze
Fécamp 15/03/2022
Vous qui êtes partis en regrettant ce monde
que vous abandonniez, qui vous abandonnait
vous qui vous affligiez de lâcher cette ronde
des vivants bien vivants qui déjà oubliaient
votre mémoire et vos douleurs et vos désirs
vous avez emporté l’illusion risible
que malgré nos malheurs on allait s’en sortir
que rien n’était plié que tout était possible
en dépit des nuits sombres et des jours moroses
vous aviez conservé le goût sucré des choses
avant d’avoir goûté à l’amertume ultime
vous avez échappé à l’inimaginable
avant qu’on vous soumette aux plus sombres régimes
vous avez su à temps débarrasser la table
Marc Delouze
Fécamp 15/03/2022
POUR L'UKRAINE JULIEN BLAINE
1 poëme pour l’Ukraine
Alors ça y est :
Tu as près de 80 ans
Tu as passé toutes les épreuves
Celles du trentenaire
Et celles du quadragénaire
Et celles du cinquantenaire
Et celles de la Sortie de quarantaine
Et celles du sexagénaire
Et celles du septuagénaire
Bientôt tu auras fini de passer celles de l’octogénaire…
Tu auras vu disparaître tous tes amis
Un à un
Ou soudain en groupe
En ribambelle !
Le premier à partir t’a pris par surprise
Le second fut aussi étonnant
Après, s’en allèrent tes amis bien plus vieux que toi
Ça s’admettait…
Puis des bien trop jeunes
Accidents, maladies, alcoolismes, overdoses, suicides…
Une kyrielle.
Alors tu es presqu’octogénaire
Et c’est l’hécatombe
Ils partent.
Te voilà de plus en plus isolé
Seul !
Tu regardes avec anxiété celles et ceux qui te restent
Angoisse
Désarroi
Détresse
Epouvante
Effroi
Panique
ô calamité !
Nous sommes le 6 mars 2022
Voilà 11 jours que l’Ukraine est sous les bombes
Que la population se porte volontaire pour se défendre contre les criminels russes
Que les femmes et les enfants fuient en Pologne et plus loin encore
Que les vieux sont abandonnés au fond de leur cuisine
Ou au creux de leur fauteuil roulant
Que les gens meurent éventrés, éclatés, éparpillés
Que les centrales nucléaires sont attaquées
Que le ciel ukrainien n’est toujours pas interdit à l’aviation militaire russe
O Javelin !
Le FGM-148 Javelin
est un lan
ce-missiles anti
char porta
ble améri
cain dével
oppé dans les a
nnées 1980, et dé
ployé à part
ir de 1996.
Il rempla
ce le lan
ce-missile M-47 Dra
gon au sein des for
ces armées des É
tats-U
nis, lequel com
mençait à man
quer d'effica
cité contre les blind
ages modernes.
Char
Char
h
C
a
r !
Alors bientôt octogénaire
Tu te dis
J’ai fait à peu près
Un peu bien
Un peu mal
Ce que j’avais à faire
Un peu mieux
Quelquefois pire
Mais à peu près ce que j’avais à faire…
Combien d’enfants
Combien de jeunes gens
De trentenaires
De quadragénaires
De cinquantenaires
De sexagénaires
De septuagénaires
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront plus faire ce qu’ils avaient à faire ?
Julien Blaine (6 mars 2022)
Alors ça y est :
Tu as près de 80 ans
Tu as passé toutes les épreuves
Celles du trentenaire
Et celles du quadragénaire
Et celles du cinquantenaire
Et celles de la Sortie de quarantaine
Et celles du sexagénaire
Et celles du septuagénaire
Bientôt tu auras fini de passer celles de l’octogénaire…
Tu auras vu disparaître tous tes amis
Un à un
Ou soudain en groupe
En ribambelle !
Le premier à partir t’a pris par surprise
Le second fut aussi étonnant
Après, s’en allèrent tes amis bien plus vieux que toi
Ça s’admettait…
Puis des bien trop jeunes
Accidents, maladies, alcoolismes, overdoses, suicides…
Une kyrielle.
Alors tu es presqu’octogénaire
Et c’est l’hécatombe
Ils partent.
Te voilà de plus en plus isolé
Seul !
Tu regardes avec anxiété celles et ceux qui te restent
Angoisse
Désarroi
Détresse
Epouvante
Effroi
Panique
ô calamité !
Nous sommes le 6 mars 2022
Voilà 11 jours que l’Ukraine est sous les bombes
Que la population se porte volontaire pour se défendre contre les criminels russes
Que les femmes et les enfants fuient en Pologne et plus loin encore
Que les vieux sont abandonnés au fond de leur cuisine
Ou au creux de leur fauteuil roulant
Que les gens meurent éventrés, éclatés, éparpillés
Que les centrales nucléaires sont attaquées
Que le ciel ukrainien n’est toujours pas interdit à l’aviation militaire russe
O Javelin !
Le FGM-148 Javelin
est un lan
ce-missiles anti
char porta
ble améri
cain dével
oppé dans les a
nnées 1980, et dé
ployé à part
ir de 1996.
Il rempla
ce le lan
ce-missile M-47 Dra
gon au sein des for
ces armées des É
tats-U
nis, lequel com
mençait à man
quer d'effica
cité contre les blind
ages modernes.
Char
Char
h
C
a
r !
Alors bientôt octogénaire
Tu te dis
J’ai fait à peu près
Un peu bien
Un peu mal
Ce que j’avais à faire
Un peu mieux
Quelquefois pire
Mais à peu près ce que j’avais à faire…
Combien d’enfants
Combien de jeunes gens
De trentenaires
De quadragénaires
De cinquantenaires
De sexagénaires
De septuagénaires
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront pas faire ce qu’ils avaient à faire ?
Ne pourront plus faire ce qu’ils avaient à faire ?
Julien Blaine (6 mars 2022)
POUR L'UKRAINE PHOTOGRAPHIE ADRIENNE ARTH
POUR L'UKRAINE: FRANÇOISE GÉIER
Mission – Vie - en UKRAINE
Un petit garçon court après d’éternels pigeons qui s’échappent en volant
Dérisoire innocence
Un linceul blanc sur le sol
Un couple et ses deux enfants viennent d’être bombardés
Face à l’écran témoignages secs
J’ai perdu mon compagnon ma soeur et son mari ma mère et un ami
En treillis de combat tendres baisers sur la bouche
Mariage public pour défier la mort qui rôde
Une jeune fille couronne traditionnelle de fleurs enserrant son visage
Son jeune compagnon à ses côtés
Ils se disent oui ce jour aussi
Mariage consacré
Dans la queue d’un embouteillage en route vers la liberté
Elle sort de son véhicule empoigne son violon et joue l’hymne ukrainien
Et lui encore et toujours l’héroïque Président admonestant
Jusqu’au bout nous résisterons
Un petit garçon de 11 ans mis seul dans un train pour la Slovénie
Par sa mère veuve d’un combattant tué en Syrie
Petit sac à dos et tenant un grand sac plastique à bout de bras
Bagages de survie
Plusieurs numéros de téléphone tatoués sur le dessus de sa main droite
Trois jours de voyage
Débarque souriant entouré à l’arrivée de bénévoles affectueux et attentifs
Mission vie accomplie
Françoise GEIER / Paris-Tocqueville / 8.3.2022
Un petit garçon court après d’éternels pigeons qui s’échappent en volant
Dérisoire innocence
Un linceul blanc sur le sol
Un couple et ses deux enfants viennent d’être bombardés
Face à l’écran témoignages secs
J’ai perdu mon compagnon ma soeur et son mari ma mère et un ami
En treillis de combat tendres baisers sur la bouche
Mariage public pour défier la mort qui rôde
Une jeune fille couronne traditionnelle de fleurs enserrant son visage
Son jeune compagnon à ses côtés
Ils se disent oui ce jour aussi
Mariage consacré
Dans la queue d’un embouteillage en route vers la liberté
Elle sort de son véhicule empoigne son violon et joue l’hymne ukrainien
Et lui encore et toujours l’héroïque Président admonestant
Jusqu’au bout nous résisterons
Un petit garçon de 11 ans mis seul dans un train pour la Slovénie
Par sa mère veuve d’un combattant tué en Syrie
Petit sac à dos et tenant un grand sac plastique à bout de bras
Bagages de survie
Plusieurs numéros de téléphone tatoués sur le dessus de sa main droite
Trois jours de voyage
Débarque souriant entouré à l’arrivée de bénévoles affectueux et attentifs
Mission vie accomplie
Françoise GEIER / Paris-Tocqueville / 8.3.2022
POUR L'UKRAINE: CAROLINE ANDRIOT-SAILLANT
Hurlée
Dans la verdure de la grande herbe je suis dans l'u je vais dans l'r
uuuuuuuur
uuuukruuuusss / craquelure : melancholia se détourne de notre prairie, nous abandonne sa formule déjeuner, se défroisse. Dürer prend à contre-taille l'air du jour.
bouche fermée sur nos bouchées je suis dans l'u je vais dans l'i
ruuuii possible / printemps viride : les oiseaux font de ce bruit
un chant
ruuuuuss possible / issue : des poètes cherchent un air de vérité dans les rayures de l'herbe sur un tissu, une jupe en allée
je suis dans l'open-space qu'une pluie drue désinforme. Je suiuuuUURRRLL/ si les nappes brûlent as-tu le droit de hurler au loup, dit une langue maternelle dépourvue d'u
melancolia se tourne vers elle, strie de pluie à venir sa jupe en griffures je suis pluie où elle est allée dans la mer
melancolia urgée n'a gardé de sa formule que l'eau la neige en eau
je suis en -g dans la grande herbe je vais dans l'été de neige-jet jjjjjjjjjjjéééeee
que l'on boive en neige fondue l'eau que je puisse être pluie l'encre geai de melancolia changée en eau
Dans la verdure de la grande herbe je suis dans l'u je vais dans l'r
uuuuuuuur
uuuukruuuusss / craquelure : melancholia se détourne de notre prairie, nous abandonne sa formule déjeuner, se défroisse. Dürer prend à contre-taille l'air du jour.
bouche fermée sur nos bouchées je suis dans l'u je vais dans l'i
ruuuii possible / printemps viride : les oiseaux font de ce bruit
un chant
ruuuuuss possible / issue : des poètes cherchent un air de vérité dans les rayures de l'herbe sur un tissu, une jupe en allée
je suis dans l'open-space qu'une pluie drue désinforme. Je suiuuuUURRRLL/ si les nappes brûlent as-tu le droit de hurler au loup, dit une langue maternelle dépourvue d'u
melancolia se tourne vers elle, strie de pluie à venir sa jupe en griffures je suis pluie où elle est allée dans la mer
melancolia urgée n'a gardé de sa formule que l'eau la neige en eau
je suis en -g dans la grande herbe je vais dans l'été de neige-jet jjjjjjjjjjjéééeee
que l'on boive en neige fondue l'eau que je puisse être pluie l'encre geai de melancolia changée en eau
POUR L'UKRAINE: MARC BARON
LÀ-BAS
jusque chez nous
les poussières de la guerre
du sable rouge
presque du sang
presque des larmes sur les feuilles
la pluie nous dit son désarroi
tout ce qui pleure là-bas
nous blesse et nous ravive
surtout ne pas dormir
offrir nos forces vives
nos fruits vivants
nous lever comme blé dans les champs
prendre les armes à bras le corps
la liberté vient nous chercher
Marc Baron, nuit du 17 au 18 mars 2022.
jusque chez nous
les poussières de la guerre
du sable rouge
presque du sang
presque des larmes sur les feuilles
la pluie nous dit son désarroi
tout ce qui pleure là-bas
nous blesse et nous ravive
surtout ne pas dormir
offrir nos forces vives
nos fruits vivants
nous lever comme blé dans les champs
prendre les armes à bras le corps
la liberté vient nous chercher
Marc Baron, nuit du 17 au 18 mars 2022.
POUR L'UKRAINE: ROLAND NADAUS
Une bien belle histoire d’enfance :
LA SOUPE AUX VERS DE TERRE
On prend des vers de terre il vaut mieux qu’ils soient gros grands gras : pour les couper en morceaux et les écraser dans la dînette c’est plus commode mais on peut aussi faire une soupe de bonne qualité avec des bébés vers de terre ou des vers de terre nains c’est seulement plus difficile à touiller.
On prend du sable ou à défaut de la terre très fine :si elle n’est pas assez fine on la passe au tamis de la passoire à thé par exemple.
On prend de l’eau ou bien on crache : à plusieurs c’est mieux parce que ça fait comme une fondue.
Après on touille on écrase on remue dans un sens et puis dans l’autre on fait chauffer sur des pierres qu’on a disposées en foyer on fait des gestes avec les mains pour montrer que c’est très chaud que ça brûle on le crie !
A ce moment on goûte la soupe aux vers de terre en se passant la dînette –ou la boîte de conserve si on n’a pas de dînette : une petite cuillère est utile mais on peut faire comme si avec une brindille ou un caillou ou encore un trombone à papier.
Les plus gourmands font : hum j’en reprendrais bien un peu mais à la fin le sang coagule et mélangé au sable blond ça fait sale alors on fait semblant de vomir c’est le meilleur moment.
(On peut aussi appeler cette recette : Rwanda-sup ou bortsch à la tchétchène ou consommé à la taliban ou soupe aux lentilles syriennes, ou potage à la DAESH, etc. et même aujourd’hui : bortsch ukrainien à la Poutine… !)
LA SOUPE AUX VERS DE TERRE
On prend des vers de terre il vaut mieux qu’ils soient gros grands gras : pour les couper en morceaux et les écraser dans la dînette c’est plus commode mais on peut aussi faire une soupe de bonne qualité avec des bébés vers de terre ou des vers de terre nains c’est seulement plus difficile à touiller.
On prend du sable ou à défaut de la terre très fine :si elle n’est pas assez fine on la passe au tamis de la passoire à thé par exemple.
On prend de l’eau ou bien on crache : à plusieurs c’est mieux parce que ça fait comme une fondue.
Après on touille on écrase on remue dans un sens et puis dans l’autre on fait chauffer sur des pierres qu’on a disposées en foyer on fait des gestes avec les mains pour montrer que c’est très chaud que ça brûle on le crie !
A ce moment on goûte la soupe aux vers de terre en se passant la dînette –ou la boîte de conserve si on n’a pas de dînette : une petite cuillère est utile mais on peut faire comme si avec une brindille ou un caillou ou encore un trombone à papier.
Les plus gourmands font : hum j’en reprendrais bien un peu mais à la fin le sang coagule et mélangé au sable blond ça fait sale alors on fait semblant de vomir c’est le meilleur moment.
(On peut aussi appeler cette recette : Rwanda-sup ou bortsch à la tchétchène ou consommé à la taliban ou soupe aux lentilles syriennes, ou potage à la DAESH, etc. et même aujourd’hui : bortsch ukrainien à la Poutine… !)
POUR L'UKRAINE: FRANÇOISE URBAN-MENNINGER
la chair vive du monde
toute guerre est une plaie ouverte
dans la chair vive du monde
toute goutte de sang inutilement versée
est une atteinte à notre intégrité
et viole notre humanité
relisons Requiem d'Anna Akhmatova
qui évoque son indicible douleur de mère
lors de ses visites à son fils emprisonné à Leningrad
relisons les poèmes bouleversants de Marina Tsvetaïva
qui durant la guerre civile dut abandonner sa fille Irina
relisons aussi et surtout aujourd'hui Lina Kostenko
dont le recueil L'intégrale des étoiles
fut rejeté par la censure
redécouvrons avec elle
Le voyage du coeur
Sacrée Ecrivain d'or de l'Ukraine
Lina Kostenko nous fait signe
redonnons-lui de la voix
ainsi qu'à toutes celles et ceux
pour qui la poésie
est un cri qui transcende par l'esprit
la guerre et sa folie
accordons nos âmes
pour réorchestrer au nom de notre liberté
la musique du monde
toute guerre est une plaie ouverte
dans la chair vive du monde
toute goutte de sang inutilement versée
est une atteinte à notre intégrité
et viole notre humanité
relisons Requiem d'Anna Akhmatova
qui évoque son indicible douleur de mère
lors de ses visites à son fils emprisonné à Leningrad
relisons les poèmes bouleversants de Marina Tsvetaïva
qui durant la guerre civile dut abandonner sa fille Irina
relisons aussi et surtout aujourd'hui Lina Kostenko
dont le recueil L'intégrale des étoiles
fut rejeté par la censure
redécouvrons avec elle
Le voyage du coeur
Sacrée Ecrivain d'or de l'Ukraine
Lina Kostenko nous fait signe
redonnons-lui de la voix
ainsi qu'à toutes celles et ceux
pour qui la poésie
est un cri qui transcende par l'esprit
la guerre et sa folie
accordons nos âmes
pour réorchestrer au nom de notre liberté
la musique du monde
POUR L'UKRAINE: MICHEL DUNANT
I
Des tranchées.
Des remparts.
Barbelés.
Munitions…
Les yeux braqués sur quelques-uns des plus beaux quartiers, monuments du grand port ukrainien, follement jalousé, convoité, je m’attends au pire, à l’enfer.
Odessa.
D’après photo.
2022.
***
Les escaliers du Potemkine.
Un carrefour obligatoire,
et ce n’est pas que cinéma.
II
C’est un rêve. Il se poursuit, jour ou nuit.
Je vois Marioupol en habit pimpants. Je vois la ville en jaune, en rouge, en vert, en bleu. Les couleurs préférées de Sonia Delaunay, l’enfant du pays. Tons purs, joyeux. La paix règne et la liberté triomphe à nouveau.
La guerre a déclaré forfait.
Fatiguée.
***
Quels résistants,
ces arbres…
Des tranchées.
Des remparts.
Barbelés.
Munitions…
Les yeux braqués sur quelques-uns des plus beaux quartiers, monuments du grand port ukrainien, follement jalousé, convoité, je m’attends au pire, à l’enfer.
Odessa.
D’après photo.
2022.
***
Les escaliers du Potemkine.
Un carrefour obligatoire,
et ce n’est pas que cinéma.
II
C’est un rêve. Il se poursuit, jour ou nuit.
Je vois Marioupol en habit pimpants. Je vois la ville en jaune, en rouge, en vert, en bleu. Les couleurs préférées de Sonia Delaunay, l’enfant du pays. Tons purs, joyeux. La paix règne et la liberté triomphe à nouveau.
La guerre a déclaré forfait.
Fatiguée.
***
Quels résistants,
ces arbres…
POUR L'UKRAINE: LAURENT GRISON
POUR L'UKRAINE: PATRICK JOCQUEL
en lisant le Monde du 5 avril
dans la rue de Boutcha
dans cet énorme silence
tu égrènes les corps comme un chapelet d’horreurs
au-delà de toute prière
tu marches
dans cet énorme silence
dans un désert de mots
un à un et seuls des corps t’accompagnent
de tout leur poids
de tout leur silence
tu les comptes
un photographe les garde en mémoire
les survivants n’oublieront rien
n’oublieront jamais
tant de projets envolés en fumée
de rires éteints
la rue a été anéantie
seuls ces corps témoignent en silence d’un avant
ces corps et les maisons qu’ils habitaient
maisons pulvérisées
tu égrènes ces corps comme un chapelet d’horreurs
*en lisant la Croix du 4 avril 2022
Stoyanka
dans les ruines de leur maison
une famille
sidère son présent
entre hier et aujourd’hui
quinze jours d’exil loin des combats
loin de l’occupation du village
loin des agresseurs
les soldats sont partis vers l’Est
retour au village
retour à la maison
impossible d’assembler
le puzzle des souvenirs d’avant la guerre
et l’aujourd’hui
plus rien ne coïncide
plus rien ne s’ajuste
tout est en ruines
les soldats ont tout saccagé
ils ont déchiré tous les instants de bonheur
éparpillé toutes les chaussettes
brûlé tous les cahiers des enfants
cassé tous les jouets
plus rien n’est d’aplomb
tout est en ruines
ils ont torturé puis tué des gars du village
là dans le jardin
oublié les corps dans la cave
les soldats sont partis
le village est dévasté
la vie continue
*
en lisant le Monde du 29 mars 22
hier
tu étais étudiant
en droit peut-être ou bien en sciences
peu importe le domaine
le diplôme approchait
une vie nouvelle avec projet professionnel
désir d’enfant
aujourd’hui
ta compagne est réfugiée en France
et toi
tu gardes un checkpoint devant l’opéra d’Odessa
armé
silencieux
tu regardes l’objectif du photographe
et tu te demandes si une autre vie existe vraiment derrière
ailleurs
dans un autre pays
des hommes interdisent aux filles l’accès aux études
elles aussi parfois rencontrent un photographe
ce n’est pas facile dans ce pays de sortir
quant on est fille et de rencontrer un photographe
de fixer son objectif
et de croire en un autre horizon
un autre possible
elles aussi
visage figé
regard tendu
regard vivace
ailleurs ou peut-être au même endroit
le pouvoir interdit toute presse indépendante
contrôle total sur l’information
une seule vérité
le mensonge d’état
ailleurs aussi
le mot migrant poursuit son évolution
migrant devenu réfugié
évolue en invité voire en voisin
face à l’abondance
il est nécessaire de mettre un peu d’ordre
n’est-ce pas
dans nos décisions de refoulement ou d’accueil
toutes les précarités n’ont pas la même valeur
valeur économique
?
valeur boursière
?
valeur politique
?
et en valeur humaine ça donne quoi ?
dans la rue de Boutcha
dans cet énorme silence
tu égrènes les corps comme un chapelet d’horreurs
au-delà de toute prière
tu marches
dans cet énorme silence
dans un désert de mots
un à un et seuls des corps t’accompagnent
de tout leur poids
de tout leur silence
tu les comptes
un photographe les garde en mémoire
les survivants n’oublieront rien
n’oublieront jamais
tant de projets envolés en fumée
de rires éteints
la rue a été anéantie
seuls ces corps témoignent en silence d’un avant
ces corps et les maisons qu’ils habitaient
maisons pulvérisées
tu égrènes ces corps comme un chapelet d’horreurs
*en lisant la Croix du 4 avril 2022
Stoyanka
dans les ruines de leur maison
une famille
sidère son présent
entre hier et aujourd’hui
quinze jours d’exil loin des combats
loin de l’occupation du village
loin des agresseurs
les soldats sont partis vers l’Est
retour au village
retour à la maison
impossible d’assembler
le puzzle des souvenirs d’avant la guerre
et l’aujourd’hui
plus rien ne coïncide
plus rien ne s’ajuste
tout est en ruines
les soldats ont tout saccagé
ils ont déchiré tous les instants de bonheur
éparpillé toutes les chaussettes
brûlé tous les cahiers des enfants
cassé tous les jouets
plus rien n’est d’aplomb
tout est en ruines
ils ont torturé puis tué des gars du village
là dans le jardin
oublié les corps dans la cave
les soldats sont partis
le village est dévasté
la vie continue
*
en lisant le Monde du 29 mars 22
hier
tu étais étudiant
en droit peut-être ou bien en sciences
peu importe le domaine
le diplôme approchait
une vie nouvelle avec projet professionnel
désir d’enfant
aujourd’hui
ta compagne est réfugiée en France
et toi
tu gardes un checkpoint devant l’opéra d’Odessa
armé
silencieux
tu regardes l’objectif du photographe
et tu te demandes si une autre vie existe vraiment derrière
ailleurs
dans un autre pays
des hommes interdisent aux filles l’accès aux études
elles aussi parfois rencontrent un photographe
ce n’est pas facile dans ce pays de sortir
quant on est fille et de rencontrer un photographe
de fixer son objectif
et de croire en un autre horizon
un autre possible
elles aussi
visage figé
regard tendu
regard vivace
ailleurs ou peut-être au même endroit
le pouvoir interdit toute presse indépendante
contrôle total sur l’information
une seule vérité
le mensonge d’état
ailleurs aussi
le mot migrant poursuit son évolution
migrant devenu réfugié
évolue en invité voire en voisin
face à l’abondance
il est nécessaire de mettre un peu d’ordre
n’est-ce pas
dans nos décisions de refoulement ou d’accueil
toutes les précarités n’ont pas la même valeur
valeur économique
?
valeur boursière
?
valeur politique
?
et en valeur humaine ça donne quoi ?