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09/02/2011



L'invité du mois

Raphaël LAIGUILLÉE



BIOBIBLIOGRAPHIE

Raphaël Laiguillée est né en Espagne au siècle dernier. Il a été successivement journaliste de presse écrite, réalisateur de films documentaires puis de documentaires de radio. Raphaël Laiguillée n’est pas son vrai nom.
Reprendre pied est paru aux éditions Gallimard, dans la collection Blanche, en mars 2021.

EXTRAITS

Any body



tout corps animal en mal de plongée et sur qui j'exercerais bien une poussée proportionnelle pour qu'il me revienne dans le clapotement

tout corps animal à malaxer avec des mains prévenantes et des égards brutaux

tout corps animal en mal d'occupation
tout corps d'accord et qui le fait savoir par une mollesse une inclinaison
un air d'y toucher
je prends

tout corps animal qui ne se retourne pas
qui tend la main vers l'arrière pour s'assurer que ça y va
et qui frôle entre deux doigts
je prends

tout corps admirable
tout corps dont la suture exulte
tout corps génial de djinn et de vertige
tout corps d'amadou et de bonne grâce
je prends

tout corps animal qui se fourre
qui se fourre d'un bond sous les couvertures
qui s'y connaît en raffinement de chasse et plaisir du chasseur
qui n'a pas son pareil mais un fantôme infaillible
qui guide par l'odeur et se cache sous un loup
je prends

tout corps animal
tout corps mal comblé
dont les yeux se fendent et les jambes s'écarquillent
qui se trouve bien dans la boue
qui veut mousser dans la boue
s'éclabousser dans la boue
qui veut faire pipi et sent bon de la moumoune
qui dévalerait avec moi roulé-boulé-serré
avec des gueulements de peur et des crissements de rire
je prends

tout corps animal maritime
qui promet de la peau de continent nouveau
qui s'ouvre à la vague
qui cherche avec la portion des fesses la morsure du sable
qui laisse venir
qui ne retient pas
qui commande au ressac
qui ne connaît rien de son secret
qui se pourlèche
qui songe qu'aucune de ces baves d'archipel ne l'aidera à trouver le chemin du retour
qui se laisse partir en neiges
qui n'a pas peur
je prends

tout corps animal qui se plaque dos au mur à peine rentré d'une promenade censé le détendre
qui veut rester debout
qui se retrousse
qui trébuche sur sa robe
tout corps d'animale qui a des mains soudaines et si rapides qu'elle ne sait plus ce qu'elle ouvre ni dans quel ordre et à quelles fins utiles
qui guide
qui tombe à genoux
je prends
je reprends

tout corps perdu dans un trou
tout corps pariétal qui voudrait bien me laisser voir ses crevasses peintures tétons épouvantements
j'ai peur mais je prends

tout corps animal qui a déjà ça de pris mais ça n'empêche rien
qui s'ouvre comme pour boire
qui est interminable et penché
qui vaut le coup de griffe
qui se videra dans la mare en moins de temps qu'il n'en faut pour dire
soleil !
rives !
savanes !
je frissonne
je prends

tout corps animal qui tient trop chaud
qui boit tout l'air
qui fait le morse qui ramène sa graisse
qui glisse sur la banquise et comme par hasard toujours du côté de ma banquise
je prends
je prends quand même

tout corps animal
qui a mal quelque part
qui prend des manies
qui a pris des pudeurs
qui sort les poubelles
qui ne déboule plus
qui possède une armoire à pharmacie et une trousse de premiers secours
qui pressent
qui voudrait s'en payer une bosse avant de l'avoir dans le dos
j'ai pitié
pour moi
pour lui
je prends quand même

tout corps banal
qui rentre et qui en a plein les pattes
qui s'assiérait à même un bidet
qui retire ses bas et se retrouve en guenilles
qui n'a plus la force de rien qui ne se vautre pas
mais qui se louerait modiquement
modestement
avec ce qu'il peut offrir qui tient dans un panier
qui fait du bon boulot mouillé
je paye je prends

tout corps corvéable
tout corps import-export
tout corps sourd aux coups du sort
tout corps carié
tout corps crevard
tout corps de métier
qui hâte la cadence pour finir plus tôt le service

j’achète

in Reprendre pied, Gallimard, mars 2021

EXTRAITS DU BEL ÂGE

LE BEL ÂGE éd. Gallimard



ÉNORME ANIMALE ÉMOTION


tremble et danse
comme si
carcasse
tu perdais les os tellement tu les secoues loin avec
frénésie des doigts
et bave aux babines
et fracas de castagnettes

comme si ça te mangeait carcasse démangeait
comme si tu voulais de désattraper d’un sparadrap coriace
carcasse
d’un drap qui s’entorchonne sur le jambon

essaie aussi le grand éclat de rire électrique de Saint-Guy
le nerveux

tu es gorgé c’est entré trempé c’est trop tard


ce que tu suintes tu l’essuies
ce que tu suintes tu l’essuies
ce que tu suintes tu l’essuies
un torrent ça ne s’essuie pas

*


GRADIVA


Gradiva ne tient pas debout. Elle n'y tient pas. Elle porte des paquets d'empois, des butins, des en-cas, des suppléments, et du lait continu dans la bouche.
Ce n'est pas qu'elle soit terne, elle met à profit la lumière sans travailler à ses vitraux, elle est luxu-riante sans penser à mal, mais tout pousse en dedans, fleurs, vertiges, charivaris, entre les dentelles d'entrailles.
Pour s'affaler elle profite de la flaque, du coussin d'herbe, du pré menu, du vrac de terre, du pas-sage de mousse. Elle profite d'à peu près tout.
Sitôt à terre, ses bras marcottent, ses seins donnent le lait qu'elle gardait.
Des animaux la reniflent en lisière, n'osent pas, repartent.
Louve, gravide.


HAYDÉE


Mais ça n'est pas vraiment ça. Vraiment ça ce qu'elle voulait dire. Elle déboule en criant : « Ne compte pas sur moi pour te mâcher le morceau ! », mais c'était pour dire: « Je t'ai laissé une part de tarte dans la cuisine, mon chéri. » Elle s'insurge : « Tu dépasses les limaces ! » Elle sonde : « Les radis, c'est pour du beurre ? » Elle menace : « Pas de puberté pour les ennemis de la liberté. » Je la regarde de biais, je vois bien qu'elle ne plaisante pas. Elle écrase les pédales du vélo d'appartement. Elle a retroussé sa robe. Elle est folle de rage. Elle explose les compteurs. Mais ça n'est pas vraiment ce qu'elle voudrait faire. Elle préférerait écraser du raisin, pour crever du grain, pour mar-teler du pied, mais aussi pour me montrer sa culotte rougie. Pas une mauvaise fille, si on sait la comprendre.

*

JOURNAL D’INITIATION (FRAGMENT)

1

H. nous a enseigné aujourd’hui l’art de faire jaillir des cours d’eau.
Posté au partage des zones d’ombre et de lumière, il lève la tête, prend une brève inspiration de soleil, pivote sur lui-même et souffle aussitôt les rayons. Une bande vive jaillit dans la zone d’ombre. On la voit serpenter, disparaître, resurgir avec un bruit lointain de grelots. Elle a bientôt creusé son lit. On l’entend qui chahute dans les cailloux. Elle coule.
Nous suivons, dociles, l’exemple de H. Nous enfantons des flaques, des dégoulinades, des traînées de mélasse, des coulées de béchamelle.
H. redresse, propulse, éclaircit.
La vallée se couvre de veines comme un avant-bras garrotté.

*

PETITES NUITS ET LONGS MATINS

2

sur la rose du prépuce
Puceronne se pose
le sang bondit
soudain bandit

4

qui a commencé
bien malin qui pourrait
le rire c’est venu dans
la cadence et ça
rebondit de corps à
corps petite bille
hilarante


5

– S’il me manquait un œil, tu m’aimerais ?
– A moitié.
– Quelle moitié ?
– Devine.
– Je devine pas.
– Dors !


6

– Tu m’aimes ?
– Oui
– Combien ?
– Pas cher.
– C’est pas assez.
– Alors j’attendrai les soldes. Dors !!








Jeudi 6 Mai 2021
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Revue Cités N°73,
Effraction/ diffraction/
mouvement,
la place du poète
dans la Cité,
mars 2018.

Pour avoir vu un soir
la beauté passer

Anthologie du Printemps
des poètes,
Castor Astral, 2019

La beauté, éphéméride
poétique pour chanter la vie
,
Anthologie
Editions Bruno Doucey, 2019.

Le désir aux couleurs du poème,
anthologie éd
Bruno Doucey 2020.







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22/11/2010