photo M. Durigneux
Biographie
Raphaël Monticelli est né le 27 mars 1948 à Nice où il vit et travaille.
Lié depuis la fin des années 60 aux milieux artistiques et littéraires.
Fondateur, avec Marcel Alocco, du groupe et de la revue INterVENTION en 1967. S’y retrouvent, notamment, Carmelo Arden Quin, Daniel Biga, Max Charvolen, Noël Dolla, Martin Miguel, Serge Maccaferri, Patrick Saytour, Claude Viallat etc.
Ouvre à Nice, avec Martin Miguel et Max Charvolen, deux galeries associatives : Lieu 5 (1979-1984) et Le Cairn (1986-1992). Y a présenté de nombreuses démarches, en particulier celles qui croisent écriture et peinture. (Butor, Michel Vachey, Bernard Pagès, Mazeaufroid, Jean-François Dubreuil, Boltanski etc.)
A été chargé de diverses missions sur l’éducation artistique et culturelle dans l’éducation nationale de 1984 à 2008. A été délégué académique à l’éducation artistique au rectorat de Nice de 2002 à 2008.
Bibliographie
La légende fleurie, l’Amourier ed, 2009, avec 28 dessins de Martine Orsoni
Bribes, vol. 1 à 4, l’Amourier ed. Intrusions, illustrations E. Baudoin 1998, Réversions, illustrations JJ Laurent 1999, Effractions, illustrations François Goalec 2003, Expansions, illustrations Marc Monticelli 2005.
Traces du temps, avec Leonardo Rosa, Alain Freixe, Bernard Noël, l'Amourier ed. 2001
Pas une semaine sans Madame, avec J.J. Laurent et Alain Freixe, l'Amourier ed. 2002
Textes critiques
Les études, publiées en catalogues ou revues, concernent tout ou partie d'oeuvres de plus d'une centaine d'artistes (Alocco, Arden Quin, Butor, Charvolen, Duchêne, Miguel, Groupe 70, supports surfaces, Viallat, école de Nice, Rosa, J.J. Laurent, Serée, Partezana etc.)
Œuvres croisées - bibliophilie
Parallèlement aux textes critiques, a réalisé des « œuvres croisées » avec des artistes. Souvent avec des moyens artisanaux et en nombre limité (1 à 12 exemplaires). Certaines de ces oeuvres croisées ont fait l’objet d’éditions bibliophiliques.
Dernières parutions:
Hypathie d’Alexandrie, avec Fernanda Fedi, la Diane française ed. 2010
Air et Feu, avec Giacomo Lusso, La Diane française ed. 2010
Terre 1 à 4, avec Renato Bonardi, La Diane française ed. 2010
Terre 5 à 8, avec Claudio Calzavacca, La Diane française ed. 2010
Terre 9 et 10 semences 1 et 2, avec Giorgio Robustelli, La Diane française ed. 2010
Événements, publications, lectures
- du 2 mars au 8 mai 2011, Raphaël Monticelli, l’écriture en Bribes, exposition à la bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice. Catalogue, BMVR de Nice ed.
- le 5 mars 2011, à 15 h. auditorium de la BMVR de Nice, lecture des Bribes, par Raphaël Monticelli
- le 7 mars 2011, à 20 h. théâtre les Ateliers, Lyon 2e, Lecture lors de la soirée d’ouverture du Printemps des poètes, Dé-paysages.
- le 26 mars 2011 à 15 h. auditorium de la BMVR de Nice, Une liturgie de la semaine sainte. Texte de Raphaël Monticelli, musique de Gilbert Trem 1999, et création de Sonatine à Josué, à partir des dernières Bribes de Raphaël Monticelli, musique de Gilbert Trem
- avril 2011, parution de Madame des villes, des champs et des forêts, par A. Freixe et R. Monticelli, aux éditions de l’Amourier.
Raphaël Monticelli est né le 27 mars 1948 à Nice où il vit et travaille.
Lié depuis la fin des années 60 aux milieux artistiques et littéraires.
Fondateur, avec Marcel Alocco, du groupe et de la revue INterVENTION en 1967. S’y retrouvent, notamment, Carmelo Arden Quin, Daniel Biga, Max Charvolen, Noël Dolla, Martin Miguel, Serge Maccaferri, Patrick Saytour, Claude Viallat etc.
Ouvre à Nice, avec Martin Miguel et Max Charvolen, deux galeries associatives : Lieu 5 (1979-1984) et Le Cairn (1986-1992). Y a présenté de nombreuses démarches, en particulier celles qui croisent écriture et peinture. (Butor, Michel Vachey, Bernard Pagès, Mazeaufroid, Jean-François Dubreuil, Boltanski etc.)
A été chargé de diverses missions sur l’éducation artistique et culturelle dans l’éducation nationale de 1984 à 2008. A été délégué académique à l’éducation artistique au rectorat de Nice de 2002 à 2008.
Bibliographie
La légende fleurie, l’Amourier ed, 2009, avec 28 dessins de Martine Orsoni
Bribes, vol. 1 à 4, l’Amourier ed. Intrusions, illustrations E. Baudoin 1998, Réversions, illustrations JJ Laurent 1999, Effractions, illustrations François Goalec 2003, Expansions, illustrations Marc Monticelli 2005.
Traces du temps, avec Leonardo Rosa, Alain Freixe, Bernard Noël, l'Amourier ed. 2001
Pas une semaine sans Madame, avec J.J. Laurent et Alain Freixe, l'Amourier ed. 2002
Textes critiques
Les études, publiées en catalogues ou revues, concernent tout ou partie d'oeuvres de plus d'une centaine d'artistes (Alocco, Arden Quin, Butor, Charvolen, Duchêne, Miguel, Groupe 70, supports surfaces, Viallat, école de Nice, Rosa, J.J. Laurent, Serée, Partezana etc.)
Œuvres croisées - bibliophilie
Parallèlement aux textes critiques, a réalisé des « œuvres croisées » avec des artistes. Souvent avec des moyens artisanaux et en nombre limité (1 à 12 exemplaires). Certaines de ces oeuvres croisées ont fait l’objet d’éditions bibliophiliques.
Dernières parutions:
Hypathie d’Alexandrie, avec Fernanda Fedi, la Diane française ed. 2010
Air et Feu, avec Giacomo Lusso, La Diane française ed. 2010
Terre 1 à 4, avec Renato Bonardi, La Diane française ed. 2010
Terre 5 à 8, avec Claudio Calzavacca, La Diane française ed. 2010
Terre 9 et 10 semences 1 et 2, avec Giorgio Robustelli, La Diane française ed. 2010
Événements, publications, lectures
- du 2 mars au 8 mai 2011, Raphaël Monticelli, l’écriture en Bribes, exposition à la bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice. Catalogue, BMVR de Nice ed.
- le 5 mars 2011, à 15 h. auditorium de la BMVR de Nice, lecture des Bribes, par Raphaël Monticelli
- le 7 mars 2011, à 20 h. théâtre les Ateliers, Lyon 2e, Lecture lors de la soirée d’ouverture du Printemps des poètes, Dé-paysages.
- le 26 mars 2011 à 15 h. auditorium de la BMVR de Nice, Une liturgie de la semaine sainte. Texte de Raphaël Monticelli, musique de Gilbert Trem 1999, et création de Sonatine à Josué, à partir des dernières Bribes de Raphaël Monticelli, musique de Gilbert Trem
- avril 2011, parution de Madame des villes, des champs et des forêts, par A. Freixe et R. Monticelli, aux éditions de l’Amourier.
EXTRAITS DE TEXTES
FIORETTI A ARMAND
avec des murmures de saint François d’Assise
sur des collages d’Armand Scholtès,
in catalogue Scholtès, Musée Rimbaud ed. 1986
Laudatu sii, mi Signore, per sora luna e le stelle;
In celo le hai formate clarite e pretiose e belle.*
elle
est l’image
première de toute
la mystérieuse
humilité
je simplement
retiens
le souffle à peine du
papier déchiré
c’est un oiseau
(* Voici une part du bonheur: regarder la lune, les étoiles; simplement les voir: belles, précieuses, lumineuses; et savoir que tu es né de la même matière qu’elles)
Laudatu sii, mi Signore, per frate ventu
E per aere, e nubilu, e serenu, e onne tempu,
Per le quale a le tue creature dai sustentamentu.*
la douceur dans la feuille
s’éteint le printemps
nous revient l’écorce
à nouveau sent la montée
des sucs de la terre
le printemps nous revient
c’est une troublante
image
dans
l’eau d’une
source
cachée
c’est
ce qui
(* Voici une autre part du bonheur: sentir, par tout le corps, le vent, l’air et le nuage; goûter le temps qu’il fait, quel qu’il soit; savoir que ta vie, comme toute vie, s’alimente à ces sources-là.)
Laudatu sii, mi Singore, per sor’acqua,
La quale è multu utile, e umile, e pretiosa e casta.
tu
avances
bras ballants
paumes tournées vers
l’avant
je
cherche sans
savoir si
je
serai quand je
saurai
dire
(* Voici encore une part du bonheur: tu vois l’eau qui coule, ou s’apaise, tu l’entends, tu l’absorbes, tu sais qu’elle retrouve en toi la même fluidité et les mêmes retenues. Et elle t’éblouis, utile, humble, précieuse et pure).
Laudatu sii, mi Singore, per frate focu,
Per lu quale inallumini la nocte,
Et illu è bellu, e jocundu, e robustissimu, e forte.*
tu
dis ce que dit
le vent
qui naît
l’eau
qui sourd
la feuille
qui
fuit
papier
déchiré
que
ramassé
(* Voici une part supplémentaire du bonheur: un feu naît pour éclairer la nuit. Il est beau, joyeux, robuste et fort. Tu sais que ta vie se consume de la même ardeur).
Laudatu sii, mi Signore, per sora nostra matre terra,
La quale ne sustenta e guverna,
E produce diversi fructi, e coloriti fiori, et erba.*
or des humbles
tremblante minceur
de la canisse
éclat du ciment
aux reflets d’argent
et de plomb
écorce du platane les bords de ses brisures
dessinent des jours inconnus
entre les doigts
des arbres
le
ciel
splendeur de la feuille
de chêne
piquée de temps
paillettes ternies
de la rouille
feuille quand
le temps fait son oeuvre
il ne reste plus
d’elle
que
les
nervures
mots d
échirés
m
ot dé
mot tenu
la
re re
rete
rete
nue
le mot
le mot r
re
rete
te
nu
(* Voici la terre, la part la plus profonde du bonheur: tu t’en nourris, et tu te confondras avec elle, dans l’explosion des fruits, des couleurs et des herbes.)
Laudati sii, mi Signore, per sora nostra morte corporale,
Da la quale nullu omu vivente po scampare.
Guai a quilli che morrano in le peccata mortali.*
miroir
tremblant
au bord des sources
c’est lu
l’hu
l’humilité
c’est l’humi
lité
l’humble
l’humble
non l’humilié
(* Voici la part ultime du bonheur: se savoir mortel, et en vivre)
PAR LES PORTES DE SFAX
Ce texte fait partie de Mer intérieure, recueil inédit.
Il a servi de présentation à une exposition des oeuvres de Hassairi Abdelaziz, à Sfax, en avril 2000.
Il est par ailleurs été proposé pour l’anthologie des Voix de la Méditerranée de Lodève, 2011
Pour Hassairi Abdelaziz
Quand nous nous sommes rencontrés
c'était
c'était à Nice durant un beau novembre
(comme l'air sait parfois être doux aux abords de l'hiver)
c'était
une rencontre franco tunisienne j'étais
ballotté entre Tunis et Carthage
(me revenait l'image entrevue d'une belle punique en vain poursuivie par le temps)
entre Hamamet et Djerba
Je revoyais Kairouan, le Chott el Djerid
et les murailles de
Sfax.
Tu m'as dit je suis
de Sfax
Et je me suis retrouvé dans les rues de la ville
passant devant les boutiques bavardes
dans des odeurs de piment et d'olivier
je suis peintre as-tu dit je
je dessine aussi
et moi rêvant au trait rêvant à la pâte je
tendais en vain la main
comment comment fais-tu comment peintre fais-tu
montre-moi
Le ciel de Sfax a pris un autre goût sur ma langue
Les saveurs de Sfax roulent autrement dans ma gorge
Un ami hier encore inconnu là-bas le savez vous
une ami aux doigts d'encre et d'huile
m'a été donné là-bas
sous le ciel de Sfax et je
l'ignorais encore voici un instant savez-vous
au bout de ses doigts explose
l'energie d'encre
de couleur et la
forme
c'est le savez-vous c'est
un monde d'eau et de poussière
d'éclat et d'ombre
où les corps seuls sont mesure
les corps
ce qui rythme et qui danse ce qui
donne le champ le temps
et la forme des choses
(Venez femmes venez
venez passantes inconnues et vous que j'ai aimées
femmes
c'était au souvenir des aubes
vous faites
de longues processions la vie vous guette
lentes rythmant vos pas sur vos souffles
porteuses d'eau de pain de miel de figues
la vie
chargées de souvenirs
le temps vous pèse venez)
C'est l'éclat d'un visage, d'un oeil
que nous donne
au bout des doigts
dans l'inattendu du geste
la pâte
ou le trait
c'est une paupière c'est une bouche c'est
l'ombre d'un désir
c'est
repoussant du pinceau ou de la plume sur la toile ou le papier la blancheur muette des choses
l'apparition presque fortuite
d'une échevelée
d'une écartelée
d'une abandonnée
d'une étonnée de se voir chose parmi les choses de ce monde
(venez mes doutes mes espoirs mes craintes mes amours mes haines
venez mes mondes à venir mes lieux inconnus encore
sous le ciel de Sfax
venez)
Je te vois peintre de Sfax
tu tends une main encore indécise au dessus de la feuille
tu
laisses monter la charge le remuement des mondes
respirer
l'encre
tu
pointes ta plume ici où le papier semble vibrer le plus sous le regard et
tu notes simplement l'impact et
tout autour du point d'impact
toute l'énergie qui diffuse entre ton corps et le papier
Je te vois peintre de Sfax
pinceau sismographe
lutteur prêt à bondir
la toile
est une mer secrète tu dois y plonger
elle est sable mouvant où ton corps désordonné s'agite
et tu sais que d'autres corps y sont enfouis ils se débattent
tu les cherches et tends la main
et plonges et tombes et te perds te noies t'ensevelis
tu laisses à nos regards les formes entrevues durant ta chute
Je revois
les amoncellements les boutiques drues les passantes belles indifférentes qui se savent regardées
les rues chargées de corps
le ciel de Sfax a pris un autre goût sous ma langue
je roule autrement dans les odeurs deSfax
Un ami hier encore inconnu ici le savez vous
un ami aux doigts d'encre et d'huile
est venu donner au monde une autre saveur
COHABITATION
Cohabitation, dialogue poétique entre Michel Butor et Raphaël Monticelli à propos du peintre Martin Miguel, a été manuscrit par les auteurs directement sur les oeuvres en bois et béton de l’artiste. Cette “oeuvre croisée” a été réalisée en six exemplaires en 1998.Le texte en est repris dans le catalogue de l’exposition “Raphaël Monticelli, l’écriture en bribes”, BMVR de Nice, mars 2011.
entre Michel Butor, Martin Miguel et Raphaël Monticelli
aux squatters de tous les pays
Raphaël Monticelli
Bâtissons une tour d'Orient, elle dévoilera les aubes; ses aurores nous donneront la rosée, la saveur des pêches et la grâce des animaux.
Michel Butor
A l’orée du bois
le béton fleurit
en effervescences
illuminatrices
ouvrant les impasses
dures froides grises
où brisaient leurs têtes
les adolescents
RM
Construisons une tour du Nord, elle accueillera les nuages; les neiges s'y feront douceur, les grands fauves y passeront, portant nos rêves angéliques.
MB
Dans les corridors
de nos labyrinthes
mûrit le raisin
d’exaspération
qui va fermenter
en coulées brûlantes
pour nous entrouvrir
l’issue du secours
RM
Erigeons une tour du Sud, elle mesurera le sable, retiendra les contes de l'eau qu'elle dira aux nuits insectes dans les murmures de palmiers.
MB
Dans les interstices
entre les panneaux
haleines circulent
encres et métaux
faisant respirer
nos forêts intimes
faisant palpiter
les yeux et les coeurs
RM
Elevons une tour de l'Ouest pour y abriter la lumière: elle tournera nos regards vers des forêts lourdes de fruits et les prairies toujours promises.
MB
Inlassablement
la marée questionne
aux pieds des donjons
gardant prisonniers
nos atermoiements
mines personnelles
silences coupables
parpaings de misères
RM
Tendons de grandes toiles d'air entre les tours de l'horizon; voûte, dôme, crâne, ciel, pour y attiser les soleils et absorber les galaxies.
MB
Briques faites livres
enlaçant leurs phrases
tressent les vaisseaux
qui prendront essor
aux ports de Babel
pour chercher fortune
aux confins des races
et des millénaires
FIORETTI A ARMAND
avec des murmures de saint François d’Assise
sur des collages d’Armand Scholtès,
in catalogue Scholtès, Musée Rimbaud ed. 1986
Laudatu sii, mi Signore, per sora luna e le stelle;
In celo le hai formate clarite e pretiose e belle.*
elle
est l’image
première de toute
la mystérieuse
humilité
je simplement
retiens
le souffle à peine du
papier déchiré
c’est un oiseau
(* Voici une part du bonheur: regarder la lune, les étoiles; simplement les voir: belles, précieuses, lumineuses; et savoir que tu es né de la même matière qu’elles)
Laudatu sii, mi Signore, per frate ventu
E per aere, e nubilu, e serenu, e onne tempu,
Per le quale a le tue creature dai sustentamentu.*
la douceur dans la feuille
s’éteint le printemps
nous revient l’écorce
à nouveau sent la montée
des sucs de la terre
le printemps nous revient
c’est une troublante
image
dans
l’eau d’une
source
cachée
c’est
ce qui
(* Voici une autre part du bonheur: sentir, par tout le corps, le vent, l’air et le nuage; goûter le temps qu’il fait, quel qu’il soit; savoir que ta vie, comme toute vie, s’alimente à ces sources-là.)
Laudatu sii, mi Singore, per sor’acqua,
La quale è multu utile, e umile, e pretiosa e casta.
tu
avances
bras ballants
paumes tournées vers
l’avant
je
cherche sans
savoir si
je
serai quand je
saurai
dire
(* Voici encore une part du bonheur: tu vois l’eau qui coule, ou s’apaise, tu l’entends, tu l’absorbes, tu sais qu’elle retrouve en toi la même fluidité et les mêmes retenues. Et elle t’éblouis, utile, humble, précieuse et pure).
Laudatu sii, mi Singore, per frate focu,
Per lu quale inallumini la nocte,
Et illu è bellu, e jocundu, e robustissimu, e forte.*
tu
dis ce que dit
le vent
qui naît
l’eau
qui sourd
la feuille
qui
fuit
papier
déchiré
que
ramassé
(* Voici une part supplémentaire du bonheur: un feu naît pour éclairer la nuit. Il est beau, joyeux, robuste et fort. Tu sais que ta vie se consume de la même ardeur).
Laudatu sii, mi Signore, per sora nostra matre terra,
La quale ne sustenta e guverna,
E produce diversi fructi, e coloriti fiori, et erba.*
or des humbles
tremblante minceur
de la canisse
éclat du ciment
aux reflets d’argent
et de plomb
écorce du platane les bords de ses brisures
dessinent des jours inconnus
entre les doigts
des arbres
le
ciel
splendeur de la feuille
de chêne
piquée de temps
paillettes ternies
de la rouille
feuille quand
le temps fait son oeuvre
il ne reste plus
d’elle
que
les
nervures
mots d
échirés
m
ot dé
mot tenu
la
re re
rete
rete
nue
le mot
le mot r
re
rete
te
nu
(* Voici la terre, la part la plus profonde du bonheur: tu t’en nourris, et tu te confondras avec elle, dans l’explosion des fruits, des couleurs et des herbes.)
Laudati sii, mi Signore, per sora nostra morte corporale,
Da la quale nullu omu vivente po scampare.
Guai a quilli che morrano in le peccata mortali.*
miroir
tremblant
au bord des sources
c’est lu
l’hu
l’humilité
c’est l’humi
lité
l’humble
l’humble
non l’humilié
(* Voici la part ultime du bonheur: se savoir mortel, et en vivre)
PAR LES PORTES DE SFAX
Ce texte fait partie de Mer intérieure, recueil inédit.
Il a servi de présentation à une exposition des oeuvres de Hassairi Abdelaziz, à Sfax, en avril 2000.
Il est par ailleurs été proposé pour l’anthologie des Voix de la Méditerranée de Lodève, 2011
Pour Hassairi Abdelaziz
Quand nous nous sommes rencontrés
c'était
c'était à Nice durant un beau novembre
(comme l'air sait parfois être doux aux abords de l'hiver)
c'était
une rencontre franco tunisienne j'étais
ballotté entre Tunis et Carthage
(me revenait l'image entrevue d'une belle punique en vain poursuivie par le temps)
entre Hamamet et Djerba
Je revoyais Kairouan, le Chott el Djerid
et les murailles de
Sfax.
Tu m'as dit je suis
de Sfax
Et je me suis retrouvé dans les rues de la ville
passant devant les boutiques bavardes
dans des odeurs de piment et d'olivier
je suis peintre as-tu dit je
je dessine aussi
et moi rêvant au trait rêvant à la pâte je
tendais en vain la main
comment comment fais-tu comment peintre fais-tu
montre-moi
Le ciel de Sfax a pris un autre goût sur ma langue
Les saveurs de Sfax roulent autrement dans ma gorge
Un ami hier encore inconnu là-bas le savez vous
une ami aux doigts d'encre et d'huile
m'a été donné là-bas
sous le ciel de Sfax et je
l'ignorais encore voici un instant savez-vous
au bout de ses doigts explose
l'energie d'encre
de couleur et la
forme
c'est le savez-vous c'est
un monde d'eau et de poussière
d'éclat et d'ombre
où les corps seuls sont mesure
les corps
ce qui rythme et qui danse ce qui
donne le champ le temps
et la forme des choses
(Venez femmes venez
venez passantes inconnues et vous que j'ai aimées
femmes
c'était au souvenir des aubes
vous faites
de longues processions la vie vous guette
lentes rythmant vos pas sur vos souffles
porteuses d'eau de pain de miel de figues
la vie
chargées de souvenirs
le temps vous pèse venez)
C'est l'éclat d'un visage, d'un oeil
que nous donne
au bout des doigts
dans l'inattendu du geste
la pâte
ou le trait
c'est une paupière c'est une bouche c'est
l'ombre d'un désir
c'est
repoussant du pinceau ou de la plume sur la toile ou le papier la blancheur muette des choses
l'apparition presque fortuite
d'une échevelée
d'une écartelée
d'une abandonnée
d'une étonnée de se voir chose parmi les choses de ce monde
(venez mes doutes mes espoirs mes craintes mes amours mes haines
venez mes mondes à venir mes lieux inconnus encore
sous le ciel de Sfax
venez)
Je te vois peintre de Sfax
tu tends une main encore indécise au dessus de la feuille
tu
laisses monter la charge le remuement des mondes
respirer
l'encre
tu
pointes ta plume ici où le papier semble vibrer le plus sous le regard et
tu notes simplement l'impact et
tout autour du point d'impact
toute l'énergie qui diffuse entre ton corps et le papier
Je te vois peintre de Sfax
pinceau sismographe
lutteur prêt à bondir
la toile
est une mer secrète tu dois y plonger
elle est sable mouvant où ton corps désordonné s'agite
et tu sais que d'autres corps y sont enfouis ils se débattent
tu les cherches et tends la main
et plonges et tombes et te perds te noies t'ensevelis
tu laisses à nos regards les formes entrevues durant ta chute
Je revois
les amoncellements les boutiques drues les passantes belles indifférentes qui se savent regardées
les rues chargées de corps
le ciel de Sfax a pris un autre goût sous ma langue
je roule autrement dans les odeurs deSfax
Un ami hier encore inconnu ici le savez vous
un ami aux doigts d'encre et d'huile
est venu donner au monde une autre saveur
COHABITATION
Cohabitation, dialogue poétique entre Michel Butor et Raphaël Monticelli à propos du peintre Martin Miguel, a été manuscrit par les auteurs directement sur les oeuvres en bois et béton de l’artiste. Cette “oeuvre croisée” a été réalisée en six exemplaires en 1998.Le texte en est repris dans le catalogue de l’exposition “Raphaël Monticelli, l’écriture en bribes”, BMVR de Nice, mars 2011.
entre Michel Butor, Martin Miguel et Raphaël Monticelli
aux squatters de tous les pays
Raphaël Monticelli
Bâtissons une tour d'Orient, elle dévoilera les aubes; ses aurores nous donneront la rosée, la saveur des pêches et la grâce des animaux.
Michel Butor
A l’orée du bois
le béton fleurit
en effervescences
illuminatrices
ouvrant les impasses
dures froides grises
où brisaient leurs têtes
les adolescents
RM
Construisons une tour du Nord, elle accueillera les nuages; les neiges s'y feront douceur, les grands fauves y passeront, portant nos rêves angéliques.
MB
Dans les corridors
de nos labyrinthes
mûrit le raisin
d’exaspération
qui va fermenter
en coulées brûlantes
pour nous entrouvrir
l’issue du secours
RM
Erigeons une tour du Sud, elle mesurera le sable, retiendra les contes de l'eau qu'elle dira aux nuits insectes dans les murmures de palmiers.
MB
Dans les interstices
entre les panneaux
haleines circulent
encres et métaux
faisant respirer
nos forêts intimes
faisant palpiter
les yeux et les coeurs
RM
Elevons une tour de l'Ouest pour y abriter la lumière: elle tournera nos regards vers des forêts lourdes de fruits et les prairies toujours promises.
MB
Inlassablement
la marée questionne
aux pieds des donjons
gardant prisonniers
nos atermoiements
mines personnelles
silences coupables
parpaings de misères
RM
Tendons de grandes toiles d'air entre les tours de l'horizon; voûte, dôme, crâne, ciel, pour y attiser les soleils et absorber les galaxies.
MB
Briques faites livres
enlaçant leurs phrases
tressent les vaisseaux
qui prendront essor
aux ports de Babel
pour chercher fortune
aux confins des races
et des millénaires