BIOBIBLIOGRAPHIE
Aurélie Foglia est une chercheuse, et une chercheuse tout le temps. Qu’elle enseigne, écrive ou peigne, qu’elle donne un atelier d’écriture, un cours sur la littérature, qu’elle écrive de la poésie, du roman ou qu’elle peigne à main nue. Elle a publié des articles et des essais, dont le dernier, consacré à Baudelaire, paraît à la Rumeur libre (Le culte de l’impersonnalité, 2023). Elle est l’autrice de livres de poésie parus aux éditions Nous (dont Gens de peine, 2014) puis Corti : Grand-Monde, 2018, tourné vers les arbres ; Comment dépeindre, 2020, qui noue le dialogue entre deux gestes, écrire-peindre ; Lirisme, prix Vénus Khoury-Ghata 2023, qui revient sur le livre et l’acte de lire. Suite à la destruction de toutes ses toiles par son ex-compagnon, en 2018, elle a forgé le mot d’articide sur celui d’écocide et de féminicide.
EXTRAITS
Extrait de Grand-Monde (Corti, 2018)
Les Longtemps
lls n’ont pas bougé
on les trouvera toujours au bord
avec l’air
Ils n’ont pas besoin
debout
Ils l’étaient dès le début
sortent
respirer à l’envers
tendre vers la lu
mière dont se faire
verts
persistent
à la différence
ne voient pas
pourquoi Ils sont là
n’ont pas de raison
Ils ne rentrent pas
ce sont des tombes
Ils n’ont rien
ne se possèdent pas
Ils ont l’air
avoir pied dans la terre
creuse la profondeur
végéter à la verticale
les rattache au réel
Ils continuent
pousser ne leur permet pas
de parler
Ils n’ont pas le pouvoir
n’ont jamais prétendu
dominer le monde
seulement
Ils dépassent
Ils nous couvrent
Ils ne s’imaginent pas
morts ne s’aperçoivent pas
de la mort
Ils vont s’éteindre
peut-être pourrais-je les fleurir
déposer des fleurs
avec la nuit peut
être
pourrait-on
trop tard
non
Extrait de Comment dépeindre (Corti, 2020)
Saison 4, « Vous désarticulées »
j’ai du mal
mes grands fantômes
mes enfants du bout des doigts
où êtes-vous à ne plus exister
que faites vous à n’être plus
visibles
qui vous a rendus au blanc
effacés de l’espace où vous
étiez arrivés au point
d’apparaître
mes démembrés
qui vous a fait de nuit
vous retourner à l’absence
pire que le noir
du sans couleur
revenez mes désart
iculés
sur la toile peu
à peu je vois voyais
bouger
mon geste était du vent
appelé
à subir
tout cet arrachement
tragique à la racine
ce climat
ceci est un livre
sans images
devenu livre de deuil mal
gré lui malgré moi
un livre en deuil
des images
comment dépeindre
ce qui n’a plus d’existence
nulle part
une image n’existe pas
plus qu’une image
la photographie d’une toile
manque le relief déposé
par les éléments
accroche l’œil
mat
je suis en hiver
vu dans le jardin
l’entassement maladroit
des toiles
l’abandon maigre
des corps
les autres sur les autres
éventrés os
mâchoires saillants
cadres cassés
holocauste
des arbres jetés
par la fenêtre
l’un était resté pendu
dans l’oranger
du Mexique
Extrait de Lirisme (Corti, 2022, prix Vénus Khoury-Ghata 2023)
J’ai faim de cette soif.
des couleurs âcres pastel
des goûts restent
pelotonnés
dans les mots qu’on
mâche en train de
disparaître
du jus coulant du menton
jusque dans la pensée
une espèce de
main repose sur du
bois peint blanc
a renversé son vin
peut trancher à
tout moment
menace
chaque doigt va se
conclure
par un ongle
j’ai faim
d’être humain
avec ses petits os corrects la façon de se
ronger
qu’ont les uns
que des jambes entendent la danse me
transporte
les quenottes des ongles les incroyables
propriétés des mains
l’implantation des cheveux l’esprit qui pend
aux seins qui se dressent l’ombre
imprimée
que ne rassasie rien
surprenant un oiseau
tout de suite je veux l’auditionner
qu’il me rende l’herbe mouillée un
matin au pied d’un noyer le chemin
que lui font prendre des ailes dont je
ne suis pas douée
pour monter dans son chant
je ne me dis pas d’abord il n’y a rien à
manger là-dedans
c’est mon chat qui pense
que des os pointus et de la plume
mais l’accumulation de ces maigres
petits signes compense
c’est pourquoi sa chasse signifie
carnage signifie régal
peut-être si je l’ouvre il ne chantera
plus
Les Longtemps
lls n’ont pas bougé
on les trouvera toujours au bord
avec l’air
Ils n’ont pas besoin
debout
Ils l’étaient dès le début
sortent
respirer à l’envers
tendre vers la lu
mière dont se faire
verts
persistent
à la différence
ne voient pas
pourquoi Ils sont là
n’ont pas de raison
Ils ne rentrent pas
ce sont des tombes
Ils n’ont rien
ne se possèdent pas
Ils ont l’air
avoir pied dans la terre
creuse la profondeur
végéter à la verticale
les rattache au réel
Ils continuent
pousser ne leur permet pas
de parler
Ils n’ont pas le pouvoir
n’ont jamais prétendu
dominer le monde
seulement
Ils dépassent
Ils nous couvrent
Ils ne s’imaginent pas
morts ne s’aperçoivent pas
de la mort
Ils vont s’éteindre
peut-être pourrais-je les fleurir
déposer des fleurs
avec la nuit peut
être
pourrait-on
trop tard
non
Extrait de Comment dépeindre (Corti, 2020)
Saison 4, « Vous désarticulées »
j’ai du mal
mes grands fantômes
mes enfants du bout des doigts
où êtes-vous à ne plus exister
que faites vous à n’être plus
visibles
qui vous a rendus au blanc
effacés de l’espace où vous
étiez arrivés au point
d’apparaître
mes démembrés
qui vous a fait de nuit
vous retourner à l’absence
pire que le noir
du sans couleur
revenez mes désart
iculés
sur la toile peu
à peu je vois voyais
bouger
mon geste était du vent
appelé
à subir
tout cet arrachement
tragique à la racine
ce climat
ceci est un livre
sans images
devenu livre de deuil mal
gré lui malgré moi
un livre en deuil
des images
comment dépeindre
ce qui n’a plus d’existence
nulle part
une image n’existe pas
plus qu’une image
la photographie d’une toile
manque le relief déposé
par les éléments
accroche l’œil
mat
je suis en hiver
vu dans le jardin
l’entassement maladroit
des toiles
l’abandon maigre
des corps
les autres sur les autres
éventrés os
mâchoires saillants
cadres cassés
holocauste
des arbres jetés
par la fenêtre
l’un était resté pendu
dans l’oranger
du Mexique
Extrait de Lirisme (Corti, 2022, prix Vénus Khoury-Ghata 2023)
J’ai faim de cette soif.
des couleurs âcres pastel
des goûts restent
pelotonnés
dans les mots qu’on
mâche en train de
disparaître
du jus coulant du menton
jusque dans la pensée
une espèce de
main repose sur du
bois peint blanc
a renversé son vin
peut trancher à
tout moment
menace
chaque doigt va se
conclure
par un ongle
j’ai faim
d’être humain
avec ses petits os corrects la façon de se
ronger
qu’ont les uns
que des jambes entendent la danse me
transporte
les quenottes des ongles les incroyables
propriétés des mains
l’implantation des cheveux l’esprit qui pend
aux seins qui se dressent l’ombre
imprimée
que ne rassasie rien
surprenant un oiseau
tout de suite je veux l’auditionner
qu’il me rende l’herbe mouillée un
matin au pied d’un noyer le chemin
que lui font prendre des ailes dont je
ne suis pas douée
pour monter dans son chant
je ne me dis pas d’abord il n’y a rien à
manger là-dedans
c’est mon chat qui pense
que des os pointus et de la plume
mais l’accumulation de ces maigres
petits signes compense
c’est pourquoi sa chasse signifie
carnage signifie régal
peut-être si je l’ouvre il ne chantera
plus